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Oui, Marseille pleure Zlatan Ibrahimovic

Par Romain Canuti, à Marseille
4 minutes
Oui, Marseille pleure Zlatan Ibrahimovic

Pour de nombreux Marseillais, ce France-Suède au Vélodrome, c'était avant tout l'occasion de voir Zlatan Ibrahimović en vrai une fois de plus. Et tant pis s'il joue au PSG.

Mine de rien, John Guidetti, qui sera aligné en attaque avec la Suède ce soir, a le profil recherché par la direction de l’OM. Il est jeune, à fort potentiel, et dans les cordes financièrement puisqu’en fin de contrat en 2015. L’éternel espoir de Manchester City n’aura donc pas seulement au programme ce mardi des retrouvailles sur fond de saluts militaires avec Layvin Kurzawa, il va aussi livrer un duel à distance avec André-Pierre Gignac, en pointe chez les Bleus. Le DJ résident du stade Vélodrome contre celui qui se partagera peut-être sa succession avec Michy Batshuayi. D’accord, on en est plutôt loin. Spéculer sur un mercato huit mois à l’avance, c’est un peu léger. Mais il n’y a pas grand-chose d’autres pour faire remonter l’enjeu autour de cet amical France-Suède à Marseille. Si 45 000 places ont trouvé preneur à quelques jours du match, ça ne devrait pas monter plus haut. Pire, à voir comment les SMS fusent dans toute la ville pour refourguer les billets à moindre coût, il va y avoir du sport au marché noir autour du stade avant le coup d’envoi. Mais pourquoi tant de haine ? Parce que Zlatan Ibrahimović ne sera pas là, tout simplement.

Plus un spectacle qu’un match de foot

Cela peut sembler paradoxal, fou même. Alors que l’attaquant de l’OM sera titulaire avec l’équipe de France pour un match au Vélodrome, une bonne partie du public marseillais va bouder l’évènement parce qu’il n’y aura pas en face son alter ego du PSG… En même temps, Zlatan, c’est Zlatan, même à Marseille. « Un match de l’équipe de France, ce n’est pas du foot. Je veux dire, aller au stade, pour moi, c’est supporter son équipe. Mon équipe, c’est l’OM, pas l’équipe de France. Alors aller au Vélodrome pour un match international, c’est un spectacle. On y va donc pour le casting. En 2009, il y avait l’Argentine et j’ai vu Messi marquer, c’était bien. Mais il n’y a aucune animosité envers les Bleus, tente d’expliquer Jonathan, kinésithérapeute, pas mécontent d’avoir attendu le dernier moment pour acheter sa place. Il va probablement passer sa soirée à combler son retard sur la saison 4 d’Homeland au final. Bilel, en BTS opticien lunetier, est lui refait. Il a déjà mis la main sur deux billets. Et ça va être dur de trouver quelqu’un pour l’accompagner. « Franchement, Guilavogui contre Källström, ça me fait pas rêver, souffle-t-il, demandant au passage s’il ne serait pas possible de glisser dans l’article qu’il peut revendre ses places à bon prix. Moi, je voulais voir Ibrahimović. Je suis abonné au virage nord, et quand il est venu la première fois, il m’a impressionné. Pourtant je l’ai sifflé, je l’ai insulté comme tout le monde. Ils sont menés, il met un but, il va chercher le ballon au fond des filets et le remet au centre, genre ce n’est que le début. Sur le coup, tu te dis qu’il se la raconte, mais deux minutes plus tard, il enfonce Mandanda sur coup franc. Alors voilà, je me suis dit qu’il ne fallait pas rater ce match tant il aurait pu faire un truc de fou. » L’étudiant se reprend très rapidement, pour ne pas être accusé de nouveau supporter parisien par ses potes : « Zlatan, c’est pas le PSG. Il a fait le Barça, le Milan, la Juve avant. Limite, il mange Paris. Le mec, ça fait deux ans qu’il est là-bas, il est bientôt le meilleur buteur de toute l’histoire du club » , se moque-t-il.

Entre Zidane et Cantona

La mauvaise foi étant dans le starter pack de tout supporter qui se respecte, les aventures d’Ibrahimović avec le maillot de l’ennemi sont presque ignorées. Mais dès qu’il l’enlève, tous les supporters phocéens le regardent, le commentent, l’admirent. Antoine, gérant du magasin Espace Foot de la ville, a senti le filon. Au printemps dernier, alors qu’il recevait tous les équipements pour le Mondial, il a insisté pour se faire livrer en grande quantité maillots et survêtements de la Suède, pourtant éliminée en barrage. Tout est parti comme des petits pains. Bonus, il proposait même de se faire floquer « 10 Ibrahimović » sur le sweat d’entraînement ou sur la veste zipée. « Il est anticonformiste, grande gueule et totalement libre. Je ne suis pas spécialiste, mais ça colle bien aux valeurs de la ville, non ? propose comme explication le commerçant qui trouve que le joueur est une marque, au-dessus de son équipe. De toute façon, les jeunes ne s’identifient plus aux clubs, mais aux joueurs désormais. Alors t’as Messi, le mec qui est né avec un don surnaturel, t’as Cristiano Ronaldo, le mec qui a fait 3000 abdos par jour pour en arriver là et t’as Zlatan, l’immigré qui jouait en bas des tours en Suède sur un city stade et qui s’en est sorti en gardant la tête haute. Limite, c’est entre Zidane et Cantona. » Autant dire que Guidetti, même avec son histoire d’enfance passée au Kenya, ne fait pas le poids.

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