- France
- Paris Saint-Germain
Oui, Lionel Messi doit présenter le trophée de Coupe du monde au Parc des Princes
L'idée que Lionel Messi puisse fêter son titre mondial en France, dans l'enceinte parisienne, a choqué beaucoup d'esprits chagrins après la finale malheureuse des Bleus. Mais, sur bien des aspects, présenter le trophée n'aurait rien d'indécent, au regard de ce qu'est devenu le football moderne, le PSG et même cette Coupe du monde.
La rumeur a un peu secoué les réseaux sociaux juste après la triste finale. Lionel Messi aurait demandé à présenter le trophée de la Coupe du monde au Parc des Princes, sous les couleurs de son club, le PSG. Bien que rapidement démentie de part et d’autre, cette information a suscité de nombreuses réactions indignées. Elle survenait, il est vrai, alors que les Argentins s’enjaillaient sans guère de modération ou de retenue, sans parler de respect envers l’équipe de France vaincue. Leur succès était clairement notre échec. Kylian Mbappé avait notamment servi de bouc émissaire, avec parfois des relents racistes de la part d’une partie de certains inconditionnels de l’Albiceleste. Ce climat rendait pour tout dire improbable, voire impossible, une séquence émotion à Paris autour de Lionel Messi. La réaction du public, voiredes politiques qui jouent si facilement la corde patriotique dans le football, aurait inévitablement transformé ce moment en une kermesse d’hostilité et de démagogie. Ni la Pulga ni la direction du PSG ne sont à ce point masos pour l’avoir envisagé sérieusement. Du moins, il faut l’espérer.
Le capitalisme n’a pas de nation
Toutefois, est-ce que sur le fond un tel geste, lever la Coupe du monde devant les tribunes du Parc des Princes, s’avérerait irrationnel ou illogique. Bien sûr, malgré la volonté de rachat de la part de QSI, le stade de la capitale reste un lieu emblématique du sport tricolore, ou de nombreuses pages glorieuses se sont écrites. Et le « profaner » pour honorer un sacre remporté au détriment de la sélection nationale constituerait symboliquement un blasphème, bien plus fort même que le triomphe portugais en 2016 au Stade de France contre les hommes de Didier Deschamps. Cependant, il doit demeurer frustrant pour le propriétaire qatari du PSG d’être privé de cette évidente consécration de sa stratégie d’investissement dans le football. En matière de storytelling, de relation avec les supporters ou même la corbeille des invités VIP (politiques ou autres), il aurait été autrement plus profitable que l’enfant de Bondy, si chèrement conservé dans l’effectif, enchaîne le tour du terrain avec le trophée dans les bras. Néanmoins la venue de l’Argentin répondait aussi à ce type de projet. À défaut d’une C1, des Ballons d’or et donc une Coupe du monde. Qui plus est celle du Qatar. Une belle revanche pour l’émirat qui s’est senti décrié en France à cette occasion (enfin, par quelques médias et ONG, mais c’était apparemment trop).
Imaginer le PSG exclusivement comme un club « français » , c’est de fait ne rien comprendre à l’évolution de la nature et du fonctionnement du foot pro en Europe depuis l’arrêt Bosman et depuis l’arrivée massive des investisseurs étrangers, et en particulier récemment en Ligue 1. Le capitalisme reconnaît la réussite et ignore les nations. Il ne s’agit pas de négliger la sensibilité de ceux qui auraient été bouleversés par une telle scène « à domicile » , qui l’aurait prise comme un clou supplémentaire enfoncé dans la fierté nationale. En retour, qu’un grand joueur comme Lionel Messi, si bien payé et en train de négocier sa prolongation, puisse remercier son employeur en lui apportant la preuve de la dernière ligne de son prestigieux CV n’a rien finalement de surprenant. Il l’aurait certainement accompli au Nou Camp. On peut se réjouir que la digue nationale tienne encore, sans pour autant être dupe de la part d’hypocrisie qui enrobe cette non-présentation.
Par Nicolas Kssis-Martov