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« Oui, le foot en marchant est un très bon sport »
T'es cramé au bout de dix minutes et tu traînes une caravane dès que tu fais un five avec tes potes ? Non, il n'est pas encore temps de raccrocher les crampons. Jeff Smith, le président de la Brittany Walking Association, recherche des joueurs. Le Londonien et son épouse ont créé le premier club de walking football (ou foot en marchant) dans l'Hexagone pour que les seniors restent actifs. En espérant faire des petits.
Bonjour Jeff. Alors, comme ça vous avez décidé d’importer le walking football en France ?Oui, on a lancé la Brittany Walking Association à Silfiac, une petite commune du Morbihan. C’était une idée de mon épouse. Elle est très bien intégrée ici, elle enseigne l’anglais, elle est conseillère municipale et on a tous les deux pas mal d’idées. À la base, nous sommes membres d’un club de cricket et c’est dans ce cadre qu’on a commencé à jouer en février 2016. Les gens adorent, ils s’y sont intéressés. On a décidé de former une association quatre mois plus tard et on est aujourd’hui une vingtaine de membres à jouer. Il y a d’autres groupes en France, mais ce ne sont pas des clubs à proprement parler. On a déjà affronté Moncé-en-Belin (Sarthe) et Aulnay (Charente-Maritime). Et puis, j’ai reçu des messages venant de Nice, Marseille, Lille… Ça commence à grandir.
En Angleterre, c’est un sport très développé ?C’est énorme. Le sport a été créé en 2011 et, aujourd’hui, il y a près de mille clubs et dix ligues. Comme beaucoup, j’ai connu ce sport au Royaume-Uni car il y avait des spots de pub de la Barclay’s Bank à la télé qui parlaient de walking football. Ça a créé un grand engouement. Harry Kane, Alan Shearer et Fabrice Muamba – qui avait fait un arrêt cardiaque à Tottenham – ont participé à des événements qui faisaient la promotion du foot en marchant. On a accueilli deux équipes qui sont venues jouer contre nous lors un petit tournoi : Bristol et Havant-Waterlooville. On n’a pas été ridicules, on a beaucoup progressé.
Concrètement, quelles sont les règles ?Il n’y pas de règles définies. L’association anglaise a mis en place des règles. Selon moi, certaines sont très bonnes, d’autres mauvaises. En Angleterre, les coups francs directs, par exemple, sont autorisés alors que nous sommes contre. On pense que ça peut être dangereux donc tous nos coups francs sont indirects. Sinon, en gros, ce sont les règles du futsal avec quelques variantes. Il n’y a pas le droit de courir, même quand tu n’as pas le ballon. Si tu cours, il y un coup franc donné à l’adversaire, et si tu le fais trois fois dans le même match, tu es expulsé deux minutes. La balle ne doit pas non plus dépasser la hauteur de la tête, les tacles ne sont pas autorisés. On joue également en trois touches de balle maximum, car c’est un bon moyen d’intégrer tout le monde dans le jeu et ça empêche les meilleurs joueurs de faire tout le terrain en solo, ils sont obligés de jouer collectif. En ce qui concerne le nombre de joueurs, nous on pratique sur un terrain de handball à six contre six.
Il n’y a pas d’âge limite ?On s’en fiche de l’âge que tu as. Parfois, on joue à Josselin sur un terrain public. Il y a souvent des ados qui sont là et on les a convaincus de jouer contre nous. Ils ont trouvé ça sympa. On les a même battus parce qu’ils n’arrêtent pas d’essayer de courir et de faire des grigris. En général, les vieux en ressentent moins l’envie. (Rires.) Normalement, ceux qui jouent ont plus de cinquante ans. Au Royaume-Uni, ils ont néanmoins divisé les âges. Les plus de cinquante et les plus de soixante ans.
Qu’est-ce que peut apporter le foot en marchant aux jeunes footballeurs selon vous ? Je pense que tu peux progresser défensivement dans le duel, dans la mesure où il n’y a pas de tacles. Tu apprends donc à défendre différemment. En ce qui concerne les trois touches de balle, pareil, tu améliores ton contrôle et ta gestion de l’espace. C’est l’avantage de ce sport pour les personnes âgées. Il permet de rester en forme physiquement, mais surtout de faire marcher la tête.
C’est physique quand même ?Ça dépend combien de temps tu joues. Normalement, chez nous, c’est deux fois dix minutes et ça peut être très fatigant, car il y a beaucoup de mouvement. À Moncé, on a joué sur une moitié de grand terrain avec six joueurs sans remplaçant, c’était trop grand, on était crevés à la fin…
Dans un reportage en Angleterre réalisé par le magazine L’Effet Papillon, un membre d’une équipe parlait du fait que quatre joueurs avaient déjà fait une crise cardiaque. Il y a beaucoup d’incidents ? Non… Les blessures par contact avec les adversaires sont peu nombreuses, mais, passé un certain âge, il est vraiment important évidemment de s’échauffer correctement et de s’étirer. Au contraire, je dirais que le foot en marchant est un très bon sport pour garder un certain niveau de condition. On essaye toujours de faire des entraînements qui tiennent compte de la capacité physique des participants.
Ça fait peur aux gens de jouer au football quand on n’a plus vingt ans ?C’est compliqué de faire sortir les gens de leur salon, qu’ils arrêtent de regarder la télévision toute la journée. Il faut juste persuader les gens de plus de cinquante ans de venir jouer. Ils pensent souvent qu’ils sont trop vieux pour taper dans la balle alors que les anciens footballeurs ont encore souvent gardé leur technique et leur esprit compétitif. Et puis, ça peut les aider à rester actif.
Le « walking football » : né en Grande-Bretagne, il fait de nombreux adeptes parmi les seniors. Ce soir 22H50 @canalplus #EffetPap pic.twitter.com/J25CSFPH4W
— L’Effet Papillon (@EffetPap) 27 mars 2017
Les équipes sont mixtes ?Lors des matchs amicaux, oui, mais pas en compétition. Récemment, on a fait une rencontre durant laquelle les joueurs ont été divisés en fonction de leur âge, de manière que les équipes soient équilibrées. On avait trois vieux, trois joueurs d’âge moyen, trois jeunes et quelques filles, et ça a très bien marché. On a une femme dans le club qui a pour objectif de développer le foot en marchant féminin. Elle a rencontré Corinne Rivière du district du Morbihan et elles ont discuté pour voir comment on pourrait développer le foot en marchant féminin. C’est dommage, car les femmes ne jouent pas beaucoup en Angleterre. Le foot féminin est bien implanté ici. Avoir une équipe féminine, c’est l’un de nos objectifs.
Un championnat d’Europe a eu lieu aux Pays-Bas. Les équipes étaient affiliées à des clubs pros comme Tottenham, le PSV, le Werder ou Benfica. De votre côté, vous avez contacté des équipes bretonnes ?Notre but, ce serait d’avoir un championnat en Bretagne avec des équipes intégrées aux clubs amateurs. On aimerait un partenariat avec la Fédération française de football ou le district du 56 (Morbihan, ndlr). Ils nous ont déjà aidé à communiquer. En revanche, je crois que les clubs pros ne semblent pas intéressés. Peut-être Rennes, mais on a déjà contacté Lorient et ils n’ont pas répondu.
Propos recueillis par Jacques Besnard