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Oualid El Hajjam : « J’aurais pu m’épanouir dans la médecine »
Champion de Ligue 2 au mois de mai, Troyes connaît un début de saison contrasté dans l'élite. 17e du classement, l'ESTAC affiche 6 points et une petite victoire au compteur après 9 journées. Si les bonnes intentions des hommes de Laurent Batlles tardent à se concrétiser sur le terrain, Oualid El Hajjam reste optimiste. Premier buteur aubois cette saison, face au PSG, le défenseur marocain parle de son passé de buteur en série, du jeu troyen et de son attrait pour la médecine. Haters de Docteur House s'abstenir.
Tu as fêté ton retour en Ligue 1 en boulet de canon avec ce but contre le PSG dès la première journée. Comment as-tu vécu ce moment ?C’était incroyable. Mener contre Paris, alors que tout le monde pensait qu’on allait se manger une raclée, on ne pouvait pas espérer mieux. Surtout que j’avais été absent des terrains pendant plusieurs mois. C’était une très belle manière de revenir. Forcément, je me suis fait chambrer, déjà que je n’avais plus marqué depuis un an et demi… (Rires.) Ne jouer que 45 minutes pendant la prépa et marquer directement, c’était assez fou comme scénario.
Est-ce qu’on peut dire que tu as un vrai sens du but ? Récemment, tu expliquais que plus jeune, tu étais un attaquant « à la Inzaghi ».
Ouais, je mettais pas mal de buts quand j’étais jeune ! J’étais un renard des surfaces, je courais un peu partout. Je jouais 9 ou 10 et je finissais souvent meilleur buteur dans les tournois. Il me reste encore un petit peu ce sens du but.
Ça ne te manque pas de maltraiter les défenseurs ?Non, on a franchi la barrière. Les rôles se sont inversés, j’essaye de faire mal aux attaquants et de les embêter maintenant. (Rires.) Jeune, j’étais très offensif, ensuite j’ai basculé milieu de terrain pendant ma formation. Arrivé en pro, j’ai dû jouer latéral, et ça s’est bien passé, donc je suis resté. Tant qu’on peut jouer, on ne chipote pas trop.
Tu savoures un peu plus ton retour en Ligue 1 du fait que tu sois repassé par la case Ligue 2 entre-temps ?Oui, parce que c’est un choix fort quand tu es en Ligue 1 et qu’il te reste encore un an de contrat. D’autant que remonter en Ligue 1, ce n’est jamais évident. La Ligue 2 est un championnat très relevé, personne ne peut dire à l’avance qui va monter. C’était un choix fort, mais j’ai été convaincu par le projet que l’on m’a présenté en 2019. Pour moi, tout était réuni pour espérer remonter. J’avais fait le choix de revenir en Ligue 2, dans un club ambitieux, avec un nouveau coach et un projet de jeu qui m’intéressait fortement, parce que je voulais atteindre cet objectif.
Six ans en arrière, quand tu étais en National avec Amiens, tu pensais atteindre un jour la Ligue 1 ?On ne ferme jamais la porte à quelconque objectif ou quelconque rêve, il ne faut pas se mettre trop d’obstacles, sinon on n’arrive à rien. En étant lucide, quand on évolue en National et qu’on n’occupe pas un poste offensif, c’est rare d’être recruté par un club de Ligue 1. Je ne fermais pas la porte à ce rêve-là, mais je savais qu’il fallait cravacher et assurer avec Amiens.
Toi qui as passé beaucoup d’années en CFA et National, tu t’étais préparé à autre chose ?Quand tu joues en National, tu te poses quand même des questions. Surtout quand tu arrives à un âge, à partir de 19-20 ans, où tu n’es plus vraiment considéré comme un jeune. Je sortais d’un bac S, j’aurais bien aimé faire une fac de médecine, mais l’emploi du temps du foot me bloquait. Au début, tu prends ce qu’on te donne. Tu fermes ta bouche et tu essayes de gratter tout ce que tu peux, mais tu te rends compte que si ça n’évolue pas rapidement, tu vas devoir t’interroger. Est-ce qu’on ne reprendrait pas des études sérieusement en se contentant de faire du foot plaisir à côté ? Est-ce qu’on s’accroche à ce qu’on est en train de vivre en se donnant tous les moyens de réussir ? Cette question, elle est amenée à être posée en jouant en National.
Pourrais-tu reprendre la direction de la médecine après ta carrière sportive ?Reprendre tout un cursus avec le nombre d’années que ça demande, c’est délicat. Mais bosser dans l’humanitaire ou le médical, en trouvant des passerelles, peut-être avec des associations, pourquoi pas.
D’ailleurs, pour toi, c’est quoi la série médicale de référence ?Docteur House, c’était pas mal, c’était à la fois marrant et intéressant. Assez costaud, le type quand même. (Rires.) Mais ce n’est pas la série qui m’a fait aimer le domaine médical, ce sont des choses du quotidien. J’aime beaucoup parce que tu aides les gens, sans aucune distinction. On peut faire beaucoup de bien. J’aurais pu m’épanouir et prendre du plaisir dans la médecine.
Pour revenir au terrain, ce n’est pas trop dur mentalement de passer d’une saison où tu marches sur la Ligue 2 à une saison où tu luttes pour ton maintien ?On en était pleinement conscients, à partir de là, c’est plus facile d’accepter ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui. On sait que quand tu montes de Ligue 2 en Ligue 1, il y a un sacré fossé, mais à partir du moment où l’objectif est le maintien, tu sais que tu vas galérer certains moments, que ça ne va pas être facile tous les jours. Il y a un grand changement entre dominer et partir prétendant à chaque match de Ligue 2 pratiquement, et arriver outsider en Ligue 1. C’est différent, mais on en est conscients, on reste confiants et optimistes.
Tu avais déjà joué dans une défense à trois avant d’être coaché par Laurent Batlles ?À part certains entraînements en équipe nationale, non. Quasiment jamais.
Être défenseur dans ce système et dans une équipe qui cherche toujours à attaquer, ce n’est pas forcément simple puisque tu peux vite te retrouver exposé.Effectivement, quand on propose beaucoup offensivement, on peut se retrouver en situation délicate derrière. C’est à nous de garder l’équilibre pour gérer au mieux. C’est travaillé, on ne fait pas n’importe quoi. Même en tant que défenseur, c’est agréable de faire partie d’une équipe qui cherche à jouer, on participe plus. Prendre le ballon et dégager devant, tous les défenseurs sont capables de le faire, même les amateurs. C’est ce qui fait aussi qu’on a énormément progressé sur certains points. On essaye de mettre beaucoup de rigueur tous les jours, à chaque entraînement, pour continuer de s’améliorer.
Dans quel domaine as-tu le plus progressé avec Laurent Batlles ?J’étais déjà rigoureux avant, mais il faut une certaine exigence pour chercher en permanence la progression dans un style de jeu qui n’est pas donné à tout le monde. Ce n’est pas le plus simple de demander à un défenseur de ressortir proprement, ça demande beaucoup de rigueur à l’entraînement. Il faut énormément d’énergie et de concentration pour allier les sorties de balle propres et l’aspect défensif, mais c’est un plaisir. Quand tu sors d’un gros duel défensif, il faut garder ta lucidité pour ressortir le plus proprement possible. J’ai beaucoup travaillé là-dessus. On voit nos progrès depuis qu’on bosse avec le coach, donc c’est satisfaisant.
Est-ce qu’il faut choisir entre le résultat et la manière ?Les deux sont compatibles. Le problème quand on essaie de produire du beau jeu, c’est qu’on néglige parfois l’aspect défensif. C’est très exigeant d’allier les deux. Il faut des joueurs capables de switcher. On arrive à se procurer pas mal d’occasions, on n’est pas à la rue. Aujourd’hui, vu le contenu des matchs, on peut se permettre de dire qu’on espère avoir de meilleurs résultats par la suite en gardant notre style de jeu.
Est-ce que l’ESTAC va se maintenir ?Pour le moment, on n’est pas plus inquiets que ça dans le sens où au niveau du contenu, on n’est jamais à la rue, que ce soit contre les gros ou les équipes qui jouent le maintien. À partir de là, on ne panique pas. On reste très optimistes, on va juste essayer de gommer nos défauts.
Adil Rami a rejoint le club il y a quelques semaines. Comment a-t-il été accueilli ?Très bien, chic personne, rien à dire. Il colle à l’image qu’on a de lui avec sa joie de vivre et une très bonne mentalité. C’est un bosseur, qui n’hésite pas à donner des conseils. Il n’apporte que du positif au groupe. Son palmarès parle pour lui, il n’y a pas de hasard. Bosser comme il le fait aujourd’hui à 35 ans, ça le prouve. J’apprécie beaucoup le joueur et la personne. C’est génial d’être face à quelqu’un qui rigole tout le temps et qui met l’ambiance. Ce serait trop triste si on ne vivait qu’avec des personnes frustrées de la vie !
Tu gardes un œil sur les extincteurs par prudence ?Je n’ai pas trop suivi cette histoire, mais il faudra que j’en parle avec lui à l’occasion. Histoire d’être préparé. (Rires.)
Propos recueillis par Quentin Ballue