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Où sont les stars ?

Par Douglas de Graaf
5 minutes
Où sont les stars ?

Ce Mondial devait être celui de Sam Kerr (Australie), Christine Sinclair (Canada), Marta (Brésil) ou Alex Morgan (États-Unis). Mais alors que les trois premiers cadors ont déjà pris la porte avec leur sélection, les survivantes, à l'image de la médiatique attaquante américaine, peinent à exprimer leur talent. C'est quoi le problème ?

Marta, meilleure buteuse de l’histoire de la Coupe du monde hommes et femmes confondus. Christine Sinclair, deuxième meilleure planteuse de tous les temps (182 pions en 286 sélections). Samantha Kerr, déjà 80 capes à 25 berges et première joueuse à dépasser le million de dollars annuel de revenus. Si ce Mondial féminin était annoncé comme l’un des plus alléchants de l’histoire, c’était notamment en raison du magnifique spectacle que n’allaient pas manquer de nous offrir les stars de la discipline, à la croisée des chemins entre les éternelles pionnières façon Sinclair et les nouveaux phénomènes à la Kerr. Problème : les trois têtes de gondole, destinées à marquer l’événement de leur empreinte, ont purement et simplement disparu.

La faute à la Norvège pour l’Australie de Kerr (1-1), aux hôtes françaises pour le Brésil de Marta (1-2 ap) et à une Suède réaliste pour le Canada de Sinclair (0-1). À chaque fois au stade des 8es, premier match à élimination directe de leur sélection dans ce Mondial, et donc premier match où l’on attendait ces pointures au tournant. Chou blanc : l’icône de la Seleção serait repartie bredouille si elle ne frappait pas les penaltys, alors que la capitaine des Matildas ne s’est même pas montrée au niveau dans l’exercice en vendangeant son tir au but contre la Norvège. Quant à la snipeuse des Canucks, emmurée par la défense de la Suède, elle s’est contentée de vaines remises sans tirer une seule fois aux cages. Des leaders, vous avez dit ?

Internationalisation du football et football international

Plus intéressant (ou inquiétant), le phénomène touche aussi les nations toujours en vie dans ce Mondial. Attendue comme la patronne des Bleues, Eugénie Le Sommer laisse un petit goût d’inachevé. Fran Kirby, autre top player vouée à porter l’Angleterre sur ses épaules, ne pèse qu’une passe décisive sur les 9 buts des Three Lionesses. Et même chez les reines américaines, Alex Morgan ne fait pas peur à grand-monde hormis les faire-valoir thaïlandaises. À croire qu’il vaudrait mieux que les cheffes de gang restent en retrait quand la Norvège se passe très bien de sa Ballon d’or déserteuse Ada Hegerberg, ou que l’Allemagne fait le taf sans sa délicieuse Dzsenifer Marozsán – blessée, mais remise sur pied pour les quarts.

Alors comment expliquer cette hécatombe qui fait tomber les stars comme des mouches ? La fatigue, bien sûr, qui touche en premier les joueuses clutch utilisées jusqu’à l’usure par leurs clubs. L’internationalisation du football féminin, aussi, qui fait voguer les meilleures vers des prairies plus verdoyantes, mais érode leur connexion avec leurs partenaires de sélection. En réalité, la réponse est surtout liée à la professionnalisation de la discipline. Le temps où Abby Wambach et Birgit Prinz pouvaient martyriser n’importe quelle défense avec une main dans le dos est révolu. L’essor du foot féminin a resserré l’écart entre les ogres historiques (États-Unis, Allemagne) et leurs poursuivantes, tout en permettant l’émergence de sélections en pleine explosion comme les Pays-Bas, l’Italie ou l’Espagne. Niveau plus homogène, staffs à la hauteur des exigences du haut niveau, élévation des standards tactiques et physiques faute de pouvoir rivaliser techniquement avec les grosses nations… Bonne nouvelle pour l’évolution de la discipline, mais acte de mort pour les gloires vieillissantes Christine Sinclair et Marta, pas habituées à ce rehaussement du niveau international.

Mais au fond, pourquoi rêver d’un Mondial qui porterait le sceau des stars quand celui-ci ne fait que suivre la courbe du football international masculin ? Les deux dernières Coupes du monde masculines ont sacré des vainqueurs pragmatiques, plus solides défensivement et collectivement que portés par une star, tout en mettant en lumière l’efficacité des blocs bas et compacts pour contrer la force de frappe offensive des cadors. Pourquoi s’étonner de l’absence de Marta et Kerr là où Messi et Cristiano Ronaldo n’ont pas dépassé le même stade l’an dernier ? Sur les pelouses françaises, Norvège, Suède et Bleues n’ont fait qu’appliquer avec succès la recette qui a fait ses preuves au Brésil et en Russie.

Le déclin des icônes comme Sinclair et Marta pose finalement une question : le football féminin a-t-il encore besoin de ces pionnières vieillissantes pour avancer ? Une partie de la réponse a été donnée par la géniale meneuse de jeu auriverde elle-même : « Formiga n’est pas éternelle, Marta non plus, Cristiane non plus. Le foot féminin dépend de vous (les footballeuses en herbe brésiliennes) pour survivre. (…)Il faut en vouloir plus, s’entraîner plus, être prête à jouer 90 minutes, plus 30 minutes. » Peu ou prou ce qu’avait avoué sa coéquipière Formiga à So Foot avant le Mondial : « Je vois que nous, les Brésiliennes, manquons de professionnalisme.(…)Je joue ici en France, j’ai évolué aux États-Unis, en Suède et, dans ces pays, quand les filles sont en vacances, elles ne s’arrêtent pas de s’entraîner pour autant. Ce n’est pas incroyable, c’est du professionnalisme. » En 2019, le talent d’une star ne suffit plus pour tracer sa route. Une nouvelle génération, plus familière de l’évolution de ce sport, commence à prendre le pouvoir. Et si la méforme d’Eugénie Le Sommer était finalement la meilleure chose qui soit pour les Bleues ?

Dans cet article :
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Par Douglas de Graaf

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