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Où est passé Adama Traoré ?
Porté disparu balle au pied depuis bientôt deux ans, Adama Traoré est désormais plus célèbre pour s’enduire d’huile pour bébé que pour ses exploits sur un terrain. La faute à quelques pépins physiques, un esprit en doute et au départ d’un être cher.
« C’est une moto, personne ne peut rivaliser avec sa vitesse. » Ces mots, de Pep Guardiola, ne sont pas destinés à Fabio Quartararo. Mais bien à Adama Traoré, l’homme qui lui a soudainement donné envie de boire de l’eau sur son banc le 27 décembre 2019. À lui tout seul ou presque, il avait renversé l’avance de deux buts de Manchester City pour faire triompher Wolverhampton à domicile. D’abord avec une frappe de loin imparable, puis en récupérant la balle dans les pieds de Benjamin Mendy à l’aide d’un coup de physique mémorable pour offrir un centre décisif sous les yeux du Français sur les fesses.
En 90 minutes, il avait ainsi réussi trois passes clés, remporté treize de ses dix-huit duels et régalé avec dix dribbles réussis. Deux ans après, l’ailier supersonique qui avait réussi une saison à douze passes décisives est fantomatique. À côté de trois buts et autant de galettes au début 2021, il n’a pas encore été décisif une seule fois cette saison. Une absence remarquée, qu’il faut creuser pour comprendre.
Super NES
C’est qu’Adama Traoré fait partie de la caste de joueurs qui ont besoin d’un coach sur lequel s’épauler. « Nuno Espírito Santo joue un rôle important dans mes progrès », lâchait-il par exemple au Telegraph, au sujet de l’ancien entraîneur des Wolves. Sous sa houlette, l’ailier était en effet en plein kiff. Cajolé humainement au quotidien par un entraîneur marchant également à l’affect, il s’était greffé à son puzzle tactique. Avec lui, le jeu de transition ultra rapide du Portugais avait pris sens. Incontrôlable sur son côté droit, Traoré surprenait des défenses qui ne le connaissaient pas encore et faisait beaucoup de mal. Oui, mais voilà : au bout d’un an à déposer tout le monde sur trois appuis, les adversaires se sont ajustés. Et là où les très grands joueurs arrivent continuellement à créer le danger malgré la nasse adverse, lui s’est cogné la tête sur un plafond de verre.
Malgré la confiance de NES, son temps de jeu a donc doucement commencé à s’étioler à mesure que des concurrents à son poste étaient recrutés (Daniel Podence, Hee-Chan Hwang, Francisco Trincão). Et tout s’est littéralement écroulé quand son technicien s’est envolé en direction de Tottenham, cet été. Nommé à sa place, Bruno Lage attend davantage de variété dans le jeu de l’Espagnol :« Je veux qu’Adama soit plus régulier, pas seulement d’un match à l’autre, mais aussi dans le jeu. C’est le genre de joueur qui, lorsqu’il a le ballon, peut faire quelque chose de spécial. Mais j’en veux plus, pas seulement lorsqu’il a le ballon. Nous essayons de comprendre le jeu, et de trouver les espaces pour nos ailiers entre les lignes. » Problème : Adama Traoré est un joueur d’espace, qui fait mal lorsqu’il peut percuter en étant excentré. Tout l’opposé de ce qu’on lui demande. Alors forcément, ça coince.
Stylo, huile bébé et sous-marin
Clairement, la confiance du bonhomme est fragilisée. En réalité, sa tête était même embrumée depuis un bail. À l’hiver 2020, et alors que plusieurs cadres de l’effectif avaient signé leur prolongation, la reconduction du crack de 25 ans s’était éternisée. Selon lui, l’offre n’était pas assez significative. En cause ? Un apport important et un statut en évolution, fort de huit matchs avec la Roja. Mais les Wolves, pensant s’entendre avec lui sur un accord de principe, ont rebouché le stylo, et la situation est entrée dans une impasse. En fin de contrat en 2023, l’ailier se retrouve alors sur le banc et digère mal ce qui est selon lui une décision politique. Tout faux, au vu des justifications de Nuno Espírito Santo : « Ce n’est pas une question de jouer dans le onze de départ ou de sortir du banc, il a montré ce dont il est capable. Mais à chaque fois qu’il joue, il est clairement une cible. Depuis son retour de l’équipe nationale, il n’a pas été totalement en confiance à l’entraînement. Il a reçu un coup au pied, cela l’a totalement déséquilibré. Il allait de mieux en mieux puis, soudain, en une seconde, ça s’est arrêté. Malheureusement, c’est le football. Nous essayons de tirer le meilleur d’Adama, mais ce n’est pas si facile… »
Voilà un autre pépin : Adama Traoré est assez souvent assujetti aux blessures. Notamment aux épaules, pas top pour un joueur dont la qualité principale est la vitesse.« Le staff a eu une idée très intelligente, parce qu’ils savaient que j’avais des problèmes avec mon épaule. Ils ont dit qu’on devait essayer de me mettre de l’huile pour bébé. Les adversaires me prenaient le bras, mais n’arrêtaient pas de glisser », souriait-il au Telegraph. Depuis, tout va mieux à ce niveau-là pour celui qui s’était auparavant disloqué l’épaule gauche quatre fois entre juillet 2018 et mars 2020. De quoi rêver plus grand, sans doute même trop grand. « Si j’ai l’occasion d’aller à Madrid, bien sûr que je partirai », avouait-il à La Sexta. Avant le Real, c’est à Tottenham qu’il avait une touche cet été, où le piston de NES n’a pas suffi. S’il jouit d’une belle cote en Angleterre, le prix demandé – au moins 30 briques – reste trop élevé selon les acheteurs. Pas si illogique, pour un joueur qui produit moins d’occasions que Romain Saïss cette saison (2,2 contre 1,8 expected goals). Cette méforme a au moins un avantage : les défenses ne se méfient plus autant de lui qu’avant. Arsenal et Manchester United sont prévenus, c’est en avançant en sous-marin qu’Adama est le meilleur.
Par Emile Gillet