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Où en est Martin Ødegaard ?
Le Norvégien prodige fait partie de la sélection qui va essayer de qualifier le pays pour une première compétition internationale depuis 2000. Désormais propriété du Real Madrid, Ødegaard apprend la patience chez les réservistes de Zidane, équipe avec laquelle il apprend des dures luttes face à d’aguerries formations de D3 espagnole. Un apprentissage à la dure pour lâcher l’étiquette de Justin Bieber du foot.
La dernière fois que la Norvège a disputé une grande compétition, c’était l’Euro 2000. L’époque de Tore Andre Flo, Dan Eggen, Erik Mykland, Henning Berg, Kjetil Rekdal ou encore d’un tout jeune Monégasque nommé John Arne Riise. Au moment où cette sélection emmenée par Lars Lagerbäck se fait sortir dès la phase de groupes par l’Espagne et la Yougoslavie, ne confirmant pas le joli 8e de finale joué deux ans plus tôt au Mondial, Martin Ødegaard est âgé d’un an et demi. Lors de France 98, il était dans le ventre de maman. Le temps file à une vitesse grand V, et aujourd’hui, ce gamin blondinet est l’un de ces vikings en mission pour permettre à la Norvège de revenir sur la scène internationale, 15 ans après.
Elle n’est pas forcément la favorite de cette double confrontation face à un autre revenant, la Hongrie, en salle d’attente depuis bien plus longtemps encore : 30 ans et le Mondial 86. Cette Hongrie séduit depuis le début des qualifications et aura la chance d’évoluer à la maison lors du match retour dimanche. Par conséquent la Norvège a tout intérêt à prendre un solide avantage ce jeudi soir à l’Ulevaal Stadion d’Oslo. Fidèle à sa politique depuis sa prise de fonction il y a deux ans, le sélectionneur Per-Mathias Hogmo mise sur un groupe rajeuni. Un choix dicté il faut bien le dire par le vieillissement des anciens cadres que sont John Arne Riise, Morten Gamst Pedersen ou Brede Hangeland, une génération qui a échoué et qu’il faut bien renouveler. Et parmi la nouvelle génération qui émerge, il y a forcément la tête de gondole Martin Ødegaard
Une carrière fulgurante… jusqu’à cet été
Petit rappel en accéléré de qui est ce nouveau modèle de précocité. Martin Ødegaard est né le 17 décembre 1998 et a fait ses débuts en pro avec son club formateur, Strømsgodset, en avril 2014, alors qu’il n’a pas 15 ans et demi. Deux mois plus tard, il marque son premier but en championnat au sein de cette solide équipe qui a conquis le titre un an plus tôt. Dans la foulée il signe son premier contrat pro et débute sur la scène européenne en juillet 2014. En août, il est appelé en sélection chez les A et devient le plus jeune international norvégien de l’histoire, à 15 ans et 253 jours, battant un record vieux de plus d’un siècle. L’automne il y a un an est l’époque où les meilleurs clubs européens se l’arrachent et l’accueillent en test, tentant tous de le séduire avant qu’il n’atteigne ses 16 ans et soit légalement autorisé à poursuivre sa carrière naissante hors de Norvège.
United, Liverpool, le Bayern, Dortmund, le Barça, le Real… Le gamin a le choix et décide de rejoindre le club madrilène, pourtant pas celui de la bande qui fait le plus confiance aux jeunes. Un pari audacieux avec à la clé un contrat jusque 2021 et une indemnité comprise entre 3 et 4 millions d’euros versée à Stromgodset. L’adaptation si jeune dans un nouveau pays et avec ce statut de future star du foot n’est évidemment pas facile, mais Ødegaard s’en tire plutôt honorablement et continue de battre des records de précocité au printemps dernier. Mis à disposition de la réserve madrilène, mais s’entraînant parfois avec la A, où il impressionne Ronaldo, il est appelé en avril dernier et figure sur la feuille de match lors d’une confrontation de Liga face à Almería. Un mois plus tard, lors du dernier match de la saison du Real face à Getafe, il entre en jeu pour une grosse demi-heure et participe à la large victoire 7-3, devenant le plus jeune Madrilène à disputer un match de championnat, à 16 ans et 157 jours. Symboliquement, c’est Ronaldo qu’il remplace ce jour-là sur le terrain…
De Freddy Adu à Justin Bieber
Pourtant, l’ascension jusque-là linéaire coince un peu ces derniers temps. Depuis le début de l’actuelle saison, le jeune Norvégien n’a plus figuré une seule fois sur la feuille de match du Real Madrid. Rafa Benítez doit pourtant composer avec les blessures, mais ce sont d’autres gamins de la Castilla – l’équipe réserve – qui ont jusqu’à présent été appelé : Marcos Llorente et Borja Mayoral. Alors forcément, on imagine déjà Ødegaard fichu, on lui prédit un avenir à la Freddy Adu, on moque son choix de rejoindre si tôt le Real, on l’affuble du surnom de Justin Bieber du foot. On lui prête aussi un caractère fougueux, trop d’impatience et d’arrogance, un jeu soliste qui agacerait ses partenaires. Difficile de démêler le vrai de la rumeur autour d’un garçon protégé du fait de son jeune âge et de son potentiel, pour lequel le Real a fait un pari sur l’avenir.
Ce qui est sûr, c’est qu’avec la réserve du club, Ødegaard continue de travailler ses gammes et que la mise à l’ombre ne peut pas lui faire de mal. Au sein de la très jeune équipe entraînée par Zizou – 20 ans de moyenne d’âge – il reste là encore le benjamin, mais est actuellement le sixième joueur de champ le plus utilisé, avec 10 matchs disputés pour 2 passes décisives et 0 but. Bilan : peut mieux faire, forcément, mais son glorieux coach en a l’air satisfait et lui a déjà confié le brassard à l’occasion. Zidane, qui dirige aussi son fiston Enzo, expliquait récemment dans une interview à L’Équipe Mag que cette expérience de la Segunda B pour les gamins choyés du Real était très formatrice, les équipes en face, avec parfois des joueurs approchant le double de leur âge, leur apprenant le goût du combat physique. Sans compter des terrains bosselés parfaits pour l’endurcissement.
« J’ai 16 ans, je gère les choses du mieux possible et j’ai une longue route devant moi. Je ne suis pas pressé et il n’y a aucune raison que je m’inquiète » , tempérait l’intéressé il y a quelques jours, alors qu’on lui prêtait des envies d’ailleurs par le biais d’un prêt : Getafe cet hiver, après la rumeur Villarreal de l’été dernier. Les vidéos qui circulent de ses prestations au sein de la Castilla montrent qu’il n’a en tout cas rien perdu du talent qui l’a rendu si précoce : technique délicieuse dans les petits espaces, grosse vitesse d’exécution, intelligence de jeu très largement au-dessus de la moyenne… Dans l’axe ou sur le côté droit, le milieu offensif pourrait disputer ce jeudi sa 8e sélection internationale, déjà, bien qu’il ait aussi perdu cet été sa place de titulaire en sélection, depuis l’émergence de concurrents nommés Markus Henriksen (AZ) et Jo Inge Berget (Malmö). Composer avec la concurrence et les critiques, apprendre l’humilité et la patience… Lui à qui tout réussissait presque trop facilement jusqu’à présent entre dans une période plus dure de sa toute jeune carrière. Pas la moins formatrice pour le futur.
Par Régis Delanoë