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Tanchot : « Je me suis demandé dans quel bourbier je m'étais mis »

Propos recueillis par Maxime Brigand
14 minutes

Arrivé début juillet pour reprendre un club de Ligue 2, Oswald Tanchot s'est finalement retrouvé à la tête d'une équipe de National 1 fin août. Sa mission est désormais simple : retaper le FC Sochaux et le redéposer à sa place. Entretien.

Tanchot : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je me suis demandé dans quel bourbier je m'étais mis<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Quand le FC Sochaux vient vous chercher au début de l’été dernier, qu’est-ce qu’on vous présente et qu’est-ce qui vous attire ?

Au départ, le projet a été de rééquilibrer le fonctionnement du club en matière de masse salariale, donc de se libérer de certains gros salaires. Les dirigeants venaient de faire un constat d’échec sur la saison écoulée (Sochaux a terminé 9e de Ligue 2 après avoir perdu dix de ses onze derniers matchs de championnat, NDLR) et avaient l’envie de retrouver un équilibre entre des joueurs formés au club, des joueurs en post-formation et quelques cadres. Un projet toujours ambitieux, donc, mais différent de sa version précédente. Les dirigeants ont estimé que j’avais la capacité de développer des joueurs, une bonne connaissance de la Ligue 2, et j’ai forcément trouvé ce projet attractif. Il y avait l’ambition de jouer la montée en Ligue 1, mais pas sur la première saison, plutôt sur les deux suivantes.

Vous sortiez d’une année sans club. Comment l’avez-vous occupée ?

Je suis allé voir beaucoup de matchs. J’ai la chance d’habiter à Laval, et à proximité, j’avais une offre énorme et de tous les niveaux. Tout au long de la saison, le vendredi, j’étais donc dans un stade de National 1, le samedi, dans un stade de Ligue 2, puis quelquefois, le dimanche, dans un stade de Ligue 1, à Rennes, Nantes ou Angers. Je n’ai pas perdu le contact avec le haut niveau et avec les effectifs, au contraire.

Quel regard aviez-vous sur le National 1 en sortant de cette année d’observation ?

Pour être franc avec vous, quand j’y allais la saison dernière, c’était avant tout pour garder le contact avec le terrain et parce que j’aime le foot, de tous les niveaux. J’y allais aussi pour rester en éveil sur les talents parce que le N1 en regorge. Je me préparais à un futur projet et je voulais être connecté, ne pas perdre le fil, détecter de potentielles recrues pour l’avenir, plus que pour autre chose parce qu’à la base, je n’étais pas très intéressé par un projet N1.

Quand les choses ont-elles concrètement basculé pour vous entre votre arrivée sur le banc d’un club de Ligue 2 et votre premier match, à Bauer, en N1, fin août ?

Jusqu’au bout, j’ai cru qu’on serait en Ligue 2 parce que ce sont les messages positifs que l’on nous transmettait. J’ai cru que ça allait passer jusqu’à l’avis défavorable du CNOSF, puisqu’on nous disait que l’argent avait été viré. On nous disait que ça se passait comme ça chaque année, donc pour nous, à l’intérieur, imaginer qu’on serait finalement recalés était quelque chose d’illusoire.

Qui vous donnait ces garanties ?

Ceux, comme Benoît Delon, le directeur général adjoint du club, qui étaient directement en contact avec les dirigeants. Nous, concrètement, on ne voyait personne du cercle des propriétaires. Julien Cordonnier (le responsable du recrutement du FCSM, NDLR) avait parfois quelques infos, mais seulement au compte-gouttes. Par contre, les nouvelles étaient à chaque fois optimistes. J’ai vu une seule fois Samuel Laurent (l’ancien directeur général, NDLR), il partait chercher l’argent, et pour lui, il n’y avait pas de sujet. On discutait de sport, d’effectif…

On ne pouvait pas se déplacer parce qu’on ne pouvait pas payer le bus. Je n’avais jamais vécu une telle prépa.

Comment vit-on cette bascule ?

J’ai essayé d’être le plus positif possible pour les joueurs, pour les supporters qui venaient chaque jour aux entraînements… Je pense qu’ils avaient envie de voir à la tête de leur équipe quelqu’un avec du courage. Si je n’avais été que négatif, j’aurais envoyé des mauvais signes à tout le monde. Après, le soir, quand j’étais seul à réfléchir dans ma chambre d’hôtel, oui, je me suis demandé dans quel bourbier je m’étais mis parce que pas d’interlocuteurs au quotidien, pas de vision, pas de stage, pas de matchs amicaux, des joueurs qui partent tous les jours… J’ai vite eu un effectif constitué à 90% de jeunes du centre qui, pour certains, n’avaient joué qu’en U17, quelques-uns en U19. On ne pouvait pas se déplacer parce qu’on ne pouvait pas payer le bus. Je n’avais jamais vécu une telle prépa. Après, on apprend de toutes les situations. En tout cas, je l’ai pris comme ça, même si je me suis dit qu’une fois que tout ça serait fini, je serai certainement très amoché parce que j’ai pris beaucoup sur moi.

Vous n’avez jamais pensé à partir ?

Ça m’a, à un moment donné, traversé l’esprit quand j’ai compris qu’on ne faisait que de nous mentir, sauf qu’en face de moi, j’avais des gamins, des joueurs même pas majeurs et j’ai eu envie de rester pour eux. J’aime bien faire les choses pour donner du sens à ce que je fais. Là, le sens de ma mission était d’être là pour ces jeunes. Je voulais être là pour les préparer pour un futur championnat ou pour qu’ils soient prêts en cas d’essais pour eux quelque part. On a donc mis toute notre énergie sur la préparation des séances, sur l’accompagnement de ce groupe.

Ce n’est pas impossible pour un coach d’envisager un projet de jeu dans ce contexte-là ?

Ce qui a été frustrant, c’est de ne pas pouvoir se battre à armes égales avec les autres. Après, on venait d’être réintégré en N1, donc je voulais, là aussi, être positif, mais quand on a commencé notre championnat, le 25 août, on l’a fait sans prépa et sans avoir vraiment eu le temps d’établir un mode de fonctionnement collectif. Les étapes « vie de groupe », « état d’esprit », « projet de jeu », on ne les a quasiment pas faites. Pour compenser, on a multiplié les temps de présence au club, on a doublé presque tous les entraînements, on a fait pas mal de vidéo. En fait, on s’est retrouvé en phase de préparation tout en devant commencer notre championnat.

Quand vous commencez le match face au Red Star, fin août, vous n’êtes pas rincé psychologiquement ?

Il y a eu le plaisir de retrouver un stade, une compétition, un classement, et ça, ça donne de l’énergie, mais oui, il y avait une forme de fatigue. En deux mois, j’ai vécu tellement de choses… Après, la passion a vite repris le dessus, et on a vite vu les joueurs répondre sur le terrain. On a aussi eu la chance de reprendre à Bauer, donc dans un endroit hyperexcitant, où j’adore l’ambiance. Maintenant, plus tôt dans la préparation, je me suis forcément interrogé, je me suis dit : « Tu as fait tous ces efforts, tu as passé tous tes diplômes, tu es parti de la DH pour aller jusqu’à un barrage de Ligue 2 pour potentiellement accéder à la Ligue 1… » Là, je signais pour un projet super ambitieux sur le papier, puis il y a eu cette douche froide, mais finalement, c’est reparti, et ce premier match face au Red Star nous a montré que les joueurs avaient du répondant face à une équipe rodée, avec des individualités fortes, beaucoup de certitudes. On a été menés 2-0 après treize minutes, mais l’équipe n’a pas lâché, elle s’est accrochée et elle a sorti une belle deuxième mi-temps. Ça donne de l’énergie, d’autant que derrière, on avait un match repère à domicile contre GOAL qui nous permettait de retrouver le public.

Un match qui s’est joué devant 14 000 personnes. Ça n’a pas été trop intimidant, compte tenu de la situation ?

Certains joueurs avaient de l’expérience, mais d’autres n’avaient jamais joué devant plus de 100 ou 200 personnes. Pour des jeunes, qui se retrouvent à porter sur leurs épaules le projet du club, devant 14 000 personnes… Pas simple. Eux se sont juste retrouvés là au moment où tout a basculé dans le club, ils n’ont rien à voir avec les soucis financiers, mais c’est à eux qu’on donne une grosse responsabilité et il faut savoir le gérer. Finalement, on prend 3-0 et on est ovationnés. Ça restera une soirée étonnante, forte.

J’ai vu des familles entières aux entraînements cet été et ça m’a vraiment touché. J’ai vu des gens pleurer. Le foot reste un spectacle, il évolue avec son époque, mais à Sochaux, il y a des racines du foot populaire qui tiennent, et il faut en prendre soin.

À quel point est-ce dur de créer un esprit collectif dans ce contexte ?

C’est dur, mais c’est la clé. Plein de problématiques se sont ajoutées les unes aux autres. La première a été le recrutement. Fin août, tu n’as que trois problématiques : tu as les joueurs dans des « lofts » ; ceux qui n’ont pas de club et sont au chômage ; ceux qui sont dans un club, mais sur qui on ne compte pas, donc qui ne sont pas intégrés à 100% dans un projet et qui attendent une porte de sortie. En tant qu’entraîneur, tu as donc des joueurs avec plusieurs histoires personnelles et qui ont des états de forme hétérogènes. Avec tout ça, tu dois faire une équipe capable de jouer à Sochaux, avec une exigence forte et des supporters qui ont connu la Ligue 1 et attendent un certain niveau. C’est une responsabilité de jouer à Sochaux. Quand tu es soutenu par les supporters de ce club, les victoires sont plus belles, mais les défaites peuvent être aussi plus dures. Il faut l’assumer, mais c’est aussi ce qui rend l’aventure passionnante.

Que connaissiez-vous de Sochaux avant de venir ?

Je m’étais renseigné sur l’histoire du club. Je connaissais aussi son histoire moderne. J’ai entraîné au Havre, et ce sont deux clubs qui se ressemblent par rapport à la formation, à l’histoire. L’un est le club doyen, l’autre le premier club pro de l’histoire. Ici, cependant, je pense que la dimension régionale et sociale est plus forte, parce que Sochaux est le club de la région, là où Le Havre est surtout le club d’une ville. Un Havrais est havrais avant d’être normand. À Bonal, le public est un peu plus large, et il y a une forte transmission. J’ai vu des familles entières aux entraînements cet été, et ça m’a vraiment touché. J’ai vu des gens pleurer. Le foot reste un spectacle, il évolue avec son époque, mais à Sochaux, il y a des racines du foot populaire qui tiennent, et il faut en prendre soin.

Est-ce que ces racines peuvent servir dans un recrutement ?

Certaines de nos recrues de l’été avaient d’autres sollicitations en National 1 ou même en Ligue 2, mais quand elles ont vu les rassemblements tout l’été, cette ferveur, oui, elles ont eu envie de faire partie de la reconstruction du FCSM. C’est un beau message. C’est le cas d’Amilcar Silva, par exemple, qui avait une très belle cote sur le marché, ou de Kévin Hoggas, qui est de la région.

Au quotidien, le soutien populaire se manifeste comment ?

Pour le moment, j’ai la chance d’avoir du soutien, mais je ne suis pas dupe. C’est les résultats qui font tout. D’ailleurs, on a enchaîné trois matchs sans victoire et on peut être vite rattrapé par la réalité. Je crois que les gens me sont reconnaissants d’être resté pendant la tempête, mais je n’ai évidemment pas un totem d’immunité comme le président Plessis peut avoir. Souvent, les gens font semblant de s’investir pour « rien », mais lui n’avait vraiment aucun intérêt à revenir. Ce qu’il a fait est juste beau. L’autre jour, en rentrant de Saint-Ouen, je lui ai demandé quel était son meilleur souvenir avec Sochaux et il m’a tout de suite répondu : « C’est là, le sauvetage du club. » Quand on connaît son parcours, ça en dit long.

Cette semaine, on est parti à Versailles le jour du match, on est reparti avec le premier train du lendemain, car c’était le moins cher. On est dans la réalité d’un budget très serré, sauf qu’on est Sochaux, donc les gens ne voient pas toutes nos difficultés.

Aujourd’hui, comment voyez-vous le projet évoluer ?

Comme tout entraîneur, quand la compétition reprend, je reprends mon exigence, même si je sais qu’il y a des choses qu’on ne peut pas régler en six semaines. Dans notre équipe, 100% des joueurs se découvrent. Personne n’avait joué une minute ensemble avant notre premier match de championnat. Il fallait en parallèle gérer le fait que les joueurs devaient trouver des logements, une école pour les enfants, tout ça avec des entraînements doublés. Maintenant, on est Sochaux, on doit trouver les moyens d’être ambitieux, même si là – et ça reste dur à entendre pour les supporters –, l’objectif est avant tout le maintien. On ne peut pas viser autre chose, surtout que là, on vit une période avec des matchs très rapprochés pour rattraper nos retards et des conditions de déplacement qui ne sont pas les plus faciles. Cette semaine, on est partis à Versailles le jour du match, on est repartis avec le premier train du lendemain, car c’était le moins cher. On est dans la réalité d’un budget très serré, sauf qu’on est Sochaux, donc les gens ne voient pas toutes nos difficultés. Les supporters se fichent de savoir qu’on est rentré en bus à 6h du matin du Mans vendredi dernier, alors qu’on doit rejouer trois jours plus tard à Versailles. Eux veulent juste qu’on leur donne des émotions.

Ça vous ramène à une autre époque.

Exactement. Ça me ramène à mes années de La Vitréenne, du Poiré-sur-Vie, mais ce sont des clubs où il était normal que ça soit comme ça. On vivait déjà de l’exceptionnel. Là, c’est une autre forme d’exceptionnel et il faut que moi aussi, dans mes attentes, je sois aligné parce que je veux qu’on ramène Sochaux tout en haut, mais il faut accepter qu’il faudra être patient. Ça peut être frustrant, mais le manque de sommeil, la difficulté de récupération, ça nous pénalise forcément. Maintenant, je vois des gens sérieux à la tête du club, qui ne cherchent pas la lumière et sont parfaitement conscients de la situation, des signaux positifs, des joueurs impliqués… On est dans l’année 1 d’un projet sportif dans un championnat difficile, mais c’est un joli défi.

Avez-vous été surpris par le niveau du N1 ?

Les gens peuvent être surpris de voir GOAL venir nous mettre 3-0, mais c’est un très bon championnat, très âpre, où tout le monde peut battre tout le monde, et ça, de plus en plus. Les projets sont, de plus, très diversifiés. On peut voir, par exemple, un promu comme Rouen jouer sans complexe, à domicile comme à Bauer ou chez nous. Il y a plein de footballs différents, ouverts, pétillants. Il y a des talents dans chaque équipe. Après, j’avais lâché le National quand j’étais au Poiré-sur-Vie, en 2015, et je vais de surprise en surprise.

C’est-à-dire ?

Je n’arrive toujours pas à comprendre comment on ne peut avoir que 16 joueurs sur la feuille de match. C’est 20 en Ligue 1, 18 en Ligue 2. Pourquoi 16 ? On n’a aussi le droit qu’à un certain nombre de personnes sur le banc, donc des personnes du staff doivent aller en tribune. Les temps additionnels ne sont pas les mêmes. Tout est différent, et je trouve que ce manque d’harmonie est un manque de respect. Le N1, ça reste le haut niveau du football français, donc il faut mettre les moyens. Il y a des évolutions, mais ça reste encore du vernis. Je connais des présidents qui se battent pour survivre depuis des années, et il y a une forme d’arrogance de la part des instances face à ce championnat. Il y a des décalages sur les trêves internationales. Je sais, par exemple, qu’il y a un joueur qu’on n’a pas pris parce qu’il y a une CAN et que le championnat de N1 ne s’arrête pas pendant les trêves. Résultat, entre les trêves toutes les six semaines et la CAN, on ne l’aurait eu que… 50% de la saison. C’est pénalisant. Il y a plein de choses concrètes sur lesquelles la FFF doit agir, notamment sur les différences entre contrats pros et fédéraux. Aujourd’hui, cela coûte plus cher de faire signer un premier contrat fédéral qu’un contrat pro, ce n’est pas normal et ça crée des déséquilibres. On peut avancer sur le statut pro de la division, sur un format où on peut imaginer que les réserves de certains clubs seraient intégrées pour que des jeunes se confrontent à la division… En tout cas, il ne faut pas laisser 100% le championnat comme ça.

 

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