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Osmani : « C’était un signe de respect envers ma religion »
À 29 ans, Florent Osmani a réussi un double exploit : faire parler du championnat macédonien et rester dans un club moins de vingt jours. Une performance peu banale provoquée par l'écusson du FK Skopje, son ancien nouveau club. De confession musulmane, le joueur cachait en effet la croix catholique du logo quand il entrait sur le terrain. Entretien sans salade.
Tu es resté dix-sept jours au FK Skopje. Qu’est-ce que tu retiens de ce passage express au club ? En fait, entre ma signature et ma résiliation anticipée, je suis resté au total vingt jours au FK Skopje. De ce club, je ne retiendrai que des mauvais souvenirs à cause des jours difficiles que j’ai vécus. L’entraineur me voyait comme un monstre. Je suis soulagé d’être parti.
Si tu as quitté le club aussi vite, c’est à cause de son écusson. Tu peux nous en dire plus ?J’ai quitté le FK Skopje parce que je suis musulman. En fait, l’écusson du club comporte une croix catholique que je ne pouvais afficher sur moi, donc je la cachais. Mais le directeur sportif et le président n’ont pas accepté ma décision, donc j’ai décidé de partir dans un club où je pourrais jouer librement selon mes convictions. Le club et moi nous sommes entendus pour résilier le contrat.
Pourquoi vouloir à tout prix cacher cette croix ? J’ai caché cette croix parce que mes croyances musulmanes ne me permettent pas d’afficher des icônes chrétiennes sur mon maillot. Je l’ai fait par convictions personnelles, pas pour choquer.
Comment cachais-tu cette croix ? Je la recouvrais d’une fine couche de plâtre.
Du coup, tu as joué quelques matchs avec la croix cachée ? Ou c’était juste à l’entraînement ? Au final, je n’ai joué que trois matchs avec le club. Mais à chacune de ces rencontres, amicales en plus, la croix était cachée sur mon maillot. Et seulement la croix, pas l’écusson !
Qu’en ont pensé tes coéquipiers ? Mes coéquipiers ont été compréhensifs et ne m’ont fait aucun reproche. Au contraire, certains joueurs m’ont même soutenu et encouragé. C’est la direction du club qui n’était pas d’accord.
Mais quand tu as rejoint le club, tu n’as pas vu que le logo du club comportait cette croix catholique ? Si, je savais que l’écusson comportait une croix catholique avant de signer au FK Skopje. Mais l’opportunité d’y jouer était intéressante, donc je me suis dit que je cacherai cette croix et voilà. Je ne pensais pas que ça deviendrait un si gros problème. Mais quand j’ai vu les réactions du président et des entraîneurs, j’ai commencé à réaliser. Ça a pris des proportions auxquelles je ne m’attendais pas du tout.
Beaucoup de personnes te reprochent ton geste, et disent que c’est une honte. Quelle est ta réponse ? Il n’y a aucune honte ! Je ne me sens pas mal à cause de mon geste. Au contraire, c’était un signe de respect envers ma religion, pas d’irrespect envers les catholiques ou le club. Je ne suis pas un fanatique ou un extrémiste. Pas du tout. Je respecte juste ma religion, c’est tout.
Est-ce que tu comprends que certains supporters du FK Skopje soient blessés par ton geste ?Avec le recul, j’imagine bien que certains supporters ont pu être blessés parce que je cachais une partie de l’écusson. Mais honnêtement, je pense que la majorité me comprend et sait que je n’ai pas voulu cacher l’écusson du club, mais seulement un symbole.
Tu savais que le Real Madrid, lui, l’a carrément supprimée de son logo pour mieux s’exporter dans les pays musulmans ? Tu en penses quoi ? À mon avis, le Real Madrid l’a enlevée parce que les gens en Europe respectent davantage les autres religions. Les grandes équipes européennes respectent leurs joueurs musulmans, et je pense qu’ici, dans les Balkans, la situation est un peu plus compliquée.
Pourquoi ?Dans les Balkans, la mentalité est différente. Le racisme et le nationalisme sont beaucoup plus présents, beaucoup plus forts. En Europe de l’ouest, les gens respectent bien plus les religions et les autres, notamment en Allemagne, en France, en Suisse ou en Italie. Ici, c’est plus compliqué.
Maintenant que tu es de nouveau sur le marché, tu penses pouvoir vite rebondir ?Je suis libre donc je cherche à droite à gauche. J’ai déjà quelques contacts avec d’autres équipes, j’attends encore quelques jours mais je vais trouver un nouveau challenge. Je n’ai aucun doute.
Et si jamais tu ne retrouves pas de club après ça ? Si jamais je ne trouve pas de nouvelle équipe, je ne sais pas ce que je vais faire. Je me vois bien chauffeur de taxi. J’ai pris l’habitude de voyager. (Rires)
Propos recueillis par Adrien Hémard