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Osasuna, des larmes aux rires
De retour en Liga, Osasuna nage en plein bonheur. Plus qu’un succès sportif, ce retour au premier plan met surtout fin à un feuilleton judiciaire aussi long qu’épuisant pour les supporters gorritxoak. La délivrance est arrivée.
Les larmes sont séchées, les sourires remontent jusqu’aux oreilles. Mieux, les supporters gorritxoak enjambent les semblants d’obstacles qui entourent le terrain central de la Ciudad Deportiva de Tajonar et s’entassent autour de leurs héros. Les jeunes pousses de José Manuel Mateo peuvent être fiers : trois ans après une descente dans les abysses des divisions régionales, ils viennent de faire remonter la réserve d’Osasuna en Segunda Division B. Un exploit qui les place, presque, sur une ligne d’égalité avec leurs aînés de l’équipe-fanion, eux aussi auteurs d’une montée, cette fois en Primera Division, huit jours plus tôt. La ville de Pampelune est en ébullition. « Nous avons avancé les fêtes de San Fermin » , se réjouit même la direction d’un club mythique, tombé dans l’oubli sportif le temps de deux exercices passés dans l’antichambre de la Liga. Pourtant, d’oubli, il n’y en a aucun lorsqu’il s’agit d’évoquer Osasuna en des termes judiciaires. Depuis désormais un an et demi, le club de Navarre se trouve embourbé dans un feuilleton procédurier qui mêle matchs arrangés, dette faramineuse et détournement de fonds. Ambiance.
Patxi Izco, « une conscience tranquille » et 80 millions de dette
Depuis 1990 et la décision du gouvernement de Felipe Gonzalez de transformer les clubs de Primera et Segunda Division en sociétés anonymes, la fierté est grande chez les socios rojillos. À l’instar du Real Madrid, du FC Barcelone et de l’Athletic Bilbao, le Club Atlético Osasuna, de sa dénomination complète, fait partie du cercle très fermé des clubs appartenant, tout au moins légalement, à ses supporters. Un amour-propre qu’ils doivent, en grande partie, à Fermin Ezcurra, président du club entre 1971 et 1994, et grand artisan des caractéristiques si démocratique d’Osasuna. Cette trace indélébile dans l’histoire du club, Patxi Izco souhaite également la laisser. Lui, l’homme fort de Pampelune de 2002 à 2012, écrit depuis la loge présidentielle la plus belle page sportive du stade d’El Sadar : une finale de Copa del Rey en 2005, un tour préliminaire de Ligue des champions en 2006 et une demi-finale de Ligue Europa en 2007. Autant de marches gravies qui le rapprochent du titre honorifique de plus grand dirigeant du club. Un statut qu’il conserve jusqu’en février 2015, lorsque le juge d’instruction de Pampelune Fermin Otamendi ouvre la boîte de Pandore des Gorritxoak.
La gestion du club, que Patxi Izco considérait à son départ, en 2012, comme « la plus professionnelle de l’histoire du club » , se retrouve ainsi confrontée à quelques contradictions arithmétiques. Par exemple, lorsqu’il quitte son poste, il nie toute perte financière face aux socios, alors que les caisses du club annoncent une dette gargantuesque de 80 millions d’euros. Idem, diverses sorties en espèce ne trouvent aucune justification, des virements de plusieurs centaines de milliers d’euros sont destinés à des sociétés offshores, et les recettes liées à la billetterie ou au droit à l’image ne sont pas toutes déclarées. Autant de fautes qui poussent Osasuna, fondé en 1920 et soutenu par tout un peuple, au bord de la radiation du football professionnel. Pis, il se retrouve même au bord de la disparition pure et simple. « Je sais ce que je devais justifier et je l’ai justifié » , soutient d’abord Izco, à la sortie de sa première audition chez le juge d’instruction, avant de conclure sa visite d’un dérangeant : « J’ai la conscience tranquille. » Une affirmation que contredisent les quinze millions d’euros sortis sans justification des caisses du club entre 2004 et 2014.
Des matchs arrangés pour une descente assurée
Car Patxi Izco n’est pas le seul président mis en cause par le juge d’instruction Fermin Otamendi. Son successeur, Miguel Archanco Taberna, et toute sa direction sont également en bisbille avec la justice de Navarre. Mais plus encore qu’une gestion calamiteuse, les investigations mettent en lumière une série de matchs arrangés. C’est en tout cas ce que révèle l’ordinateur d’Angel Vizcay, ancien gérant d’Osasuna. Lors du dernier exercice en Liga du club, la direction des Rojillos offre 250 000 euros à l’Espanyol pour assurer un match nul lors de l’avant-dernière journée (1-1), puis 650 000 euros au Betis : 400 000 pour battre Valladolid (4-3) et 250 000 pour laisser Osasuna s’imposer lors de la dernière journée (2-1). Un investissement pour rien, donc, puisqu’il n’empêche pas le club de Pampelune de descendre en Segunda Division… Deux ans plus tard, les larmes laissent enfin place aux sourires, et la manne financière de la montée en Liga va enfin permettre au club de payer ses dettes auprès du fisc espagnol. Mieux, aucun des anciens dirigeants d’Osasuna n’est resté dans l’organigramme du club.
Par Robin Delorme