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Oranje tropicales !
C’est fait ! Comme il y a quatre ans, les Pays-Bas ont été les premiers de la zone Europe à se qualifier pour la Coupe du monde. Retour sur une campagne sans surprises, mais riche d’enseignements, sous la direction d’un tyran nommé Louis van Gaal…
À la une du site d’infos néerlandais qui fait référence, ad.nl, une carte postale de la baie de Rio. Copacabana, la plage, le Pain de Sucre… Ça fait rêver les Bleus. Pas les Oranje qui, eux, y seront. Une petite victoire 2-0 en Andorre, hier soir, a plié l’affaire grâce à un doublé de Van Perceuse. C’est d’ailleurs le capitaine des NL (immatriculation voiturière) qui atténuera la fausse note de la sortie de ses coéquipiers en restant un peu plus longtemps qu’eux avec les supporters et en leur offrant son maillot… Bilan : 8 matchs, 7 victoires, un nul, 22 points, + 20 (24 buts pour, 4 contre). Déjà qualifiés alors qu’il reste encore deux matchs à disputer. Didier Deschamps appréciera.
Parcours express, as usual…
Pas de triomphalisme aux Pays-Bas : la qualif était attendue au vu d’un groupe jugé « facile » . C’est dire la confiance de la Hollande du foot pour sa sélection ! Car en France, jouer la Turquie et la Roumanie (en plus des nations plus « faibles » comme Hongrie, Andorre ou Estonie), on s’en serait fait toute une montagne… Pas les Pays-Bas, qui ont déroulé tout en profitant des résultats de leurs concurrents qui se sont mutuellement neutralisés. À la différence de la France, une règle d’or pour les Oranje (qui vaut aussi pour l’Allemagne et l’Espagne) s’impose à chaque éliminatoire : ils savent battre les petites équipes. Une banalité, mais qui prend tout son sens dans ces longs parcours qualificatifs (malgré le 2-2 en Estonie, vendredi soir). Ainsi, les Pays-Bas squattent toujours rapidement le haut du classement grâce à des victoires très chargées en buts : ils emmagasinent de la confiance tout en inspirant la crainte de leurs adversaires plus cotés dont ils prennent la mesure au cours de matchs intensément appréhendés. Leur sentiment de supériorité (qui n’est pas exactement de l’arrogance, on reviendra une autre fois là-dessus) faisant le reste…
Pour mener à bien cette campagne de qualif, Louis van Gaal a adopté une stratégie de rupture avec l’ère Van Marwijk, débarqué après l’Euro 2012 catastrophique. Avec ses deux adjoints ajacides, Patrick Kluivert et Danny Blind, il est revenu à un schéma traditionnel en 4-3-3 (sorte de 4-2-3-1 pour son prédécesseur) et a misé sur la jeunesse. Mais avant toute chose, il fallait purger le groupe Oranje du poison de l’Euro 2012. À sa prise de fonction, il a donc convoqué quatre cadres (Van Persie, Robben, Sneijder et Van der Vaart), les sommant de « se dire les choses en face » . Ce qu’ils firent, à la satisfaction du coach ( « ça a assaini les choses » ). L’aventure pouvait commencer…
Sang neuf et 4-3-3
Van Gaal a fait le ménage. Au milieu, il a mis au rencard Van Bommel et N. De Jong, au profit des jeunes Leroy Fer, Jonathan De Guzmán et bien sûr Kevin Strootman (23 ans). Le milieu def du PSV passé à la Roma cet été est symboliquement devenu l’homme du renouveau chez les Oranje, au point qu’il s’est vu confier le brassard à certains matchs. Au milieu encore, Van Gaal a lancé le jeune Adam Maher (20 ans, passé de l’AZ au PSV) qu’on présente comme le successeur de Sneijder et Van der Vaart. Selon une politique propre à détruire tout statut de sénateur ou de joueur trop bien installé en sélection, le coach a introduit une concurrence féroce (voir le traitement infligé au pauvre Sneijder) et saine : exit ou mis sur le banc, les Van der Wiel, Heitinga, Mathijsen, De Jong ou Kuyt ! À leur place : Wijnaldum, Blind, Van Rhijn, De Vrij, Martins Indi, Van Ginkel ou Van Wolfswinkel, voire Clasie… Pour bien marquer le coup, lors de l’amical Pays-Bas – Italie de février dernier, il y avait dix joueurs nouveaux par rapport au onze de départ qui avait débuté l’Euro 2012 contre le Danemark. Un seul rescapé : Robin van Persie. Résultat : un groupe élargi d’une trentaine de joueurs qui doivent lutter en clubs chaque weekend, au pays ou à l’étranger, pour gagner vraiment leur place en sélection ! Chez les Bleus, Évra, Sagna, Benzema bénéficient (ou ont bénéficié) quoi qu’il arrive de la confiance parfois quasi aveugle de Deschamps…
Mais le rajeunissement du groupe a quand même montré ses limites en défense, qui demeure le point faible des Oranje. On s’en est aperçu à nouveau en Estonie (2-2) : les deux buts encaissés ont mis en lumière les carences axiales de la paire du Feyenoord De Vrij-Martins Indi. Les gars sont bons et polyvalents, comme les deux latéraux gauche et droit, Daley Blind (fils de Danny) et Daryl Janmaat. Mais c’est pas encore ça. Le « bon vieux » Ron Vlaar, sur le banc, dépanne à l’occasion, mais on miserait aussi bien sur la très bonne paire du PSV Karim Rekik – Jeffrey Bruma. Problème : que ferait-on de Martins Indi, considéré comme le futur taulier de l’arrière-garde néerlandaise ? Il a déjà servi en latéral gauche, mais Daley Blind s’est imposé au poste… Des problèmes de riches, pour l’instant, tant que l’attaque plantera toujours « un but de plus que l’adversaire » . Dans le secteur offensif, Van Gaal a d’ailleurs tranché : exit Huntelaar, pourtant performant en sélection et actuellement blessé. C’est Robin van Persie le n° 9. Buteur et capitaine, point barre ! Il est l’homme lige du sélectionneur et tant pis pour Sneijder, ex-boss des Oranje y compris à l’arrivée de Van Gaal. Comparés avec le tactiquement « prudent » Bert van Marwijk, les Oranje renouent donc avec Van Gaal avec un foot plus audacieux, plus direct, qui va toujours de l’avant, rompant avec la « gestion du résultat » observée au Mondial 2010. Avec les défensifs polyvalents, donc portés vers l’attaque, on parle même aux Pays-Bas du retour à un certain football total. À voir…
Louis, la « tulipe de fer » !
Avec le temps, Van Gaal ne change pas : ultra cassant, colérique et parano avec la presse. Comme avant à l’Ajax, au Barça, avec les Oranje ou au Bayern. Aux Pays-Bas, on loue le bon boulot de Van Gaal, à l’image d’un Ronald de Boer invité avec Marco van Basten à la télé hollandaise, hier soir : « Van Gaal sait où il va, il a des idées bien arrêtées, un plan qu’il suit à la lettre. Sur sa méthode, je n’ai aucun doute. » Reste la manière… Car Killer Louis est en train de caporaliser les Oranje : il intimide ses joueurs au nom d’une discipline de vie ou de terrain bien compréhensible, mais parfois excessive. Le cas Sneijder en est la preuve : le dur boulot de pressing-récupération qu’il lui a imposé (pour le prix de son retour) et qu’il accomplit avec loyauté nuit parfois à son rendement d’organisateur libre. En interviews, les sélectionnés débitent des copeaux de bois, de peur de faire un écart qui déplairait au coach… Van Gaal sait être adorable, voire paternaliste, avec ses gars qui savent aussi l’apprécier et apprendre de lui. Mais il y a son état colérique chronique contre le reste du monde qui plombe une ambiance pourtant au beau fixe au vu des bons résultats… Les journalistes supportent de moins en moins son côté maître d’école au ton professoral ponctué de « je vous l’avais bien dit » , « comme je vous l’ai expliqué plusieurs fois… » Killer Louis a ainsi stupéfait les médias néerlandais en déclarant très récemment à propos de la Coupe du monde à venir : « Je voulais vivre ça une fois dans ma vie. Mais ça m’emmerde de piquer des joueurs sans arrêt à d’autres entraîneurs. Et puis, le travail au quotidien dans un club me manque. À la fin du voyage, j’y retournerai. » Un truc choquant, interprété comme une façon de tirer la couverture à lui et à lui seul : ainsi, Van Gaal ne se soucie que de lui, de « sa » Coupe du monde et de « son » retour en club après la compète. Et quid des joueurs qui sont les premiers acteurs du rêve accompli de Louis de disputer un Mondial ? Une fois de plus, les germes de la discorde s’immiscent chez les Oranje. Mais ce coup-là, c’est plus dans les relations entre coach et joueurs, qu’entre joueurs eux-mêmes qu’ils semblent s’installer. Gare au clash déflagrateur !
Il se murmure que Louis a programmé la fin de son voyage « mondialiste » à la mi-juillet 2014, soit le jour de la finale… Plus sérieusement, lors d’une visite récente dans un centre spécialisé pour jeunes trisomiques, à la question « Pensez-vous que les Pays-Bas seront champions du monde au Brésil ? » , Louis a répondu que « non… Mais nous avons une chance. » Quand même lucide, le gars… Sinon, Louis a déclaré que le onze de départ qui affrontera la France le 5 mars prochain sera, sauf accident, l’équipe type qui débutera le Mondial 2014. Louis van Gaal a des certitudes à long terme. Didier Deschamps, toujours pas…
Par Chérif Ghemmour
PS : le Mondial 2022 n’aura pas lieu au Qatar.
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