- International
- Éliminatoires Euro 2016
- Pays-Bas/Lettonie (6-0)
Oranje pressés, vendanges tardives…
Le 6-0 passé aux Lettons à Amsterdam préserve les chances de qualification des Pays-Bas et maintient, pour l'instant, un Guus Hiddink quasi démissionnaire avant la rencontre. Mais la route vers France 2016 sera encore très longue et très dure.
Le gâchis
Les trois premiers buts néerlandais inscrits en première mi-temps par Van Persie, Robben et Huntelaar ont certes provoqué de chaudes effusions collectives sur le gazon de l’Arena. Mais par la suite, l’affaire étant pliée, les trois autres buts qui portèrent le score à 6-0 – Robben et Huntelaar à nouveau, et Bruma – ne déclenchèrent plus qu’une joie plus mesurée. La caméra surprit même un échange de sourires complices entre Robben et Sneijder après que ce dernier eut raté de peu un coup franc direct frôlant le poteau du gardien obèse, Kolinko. Décontraction… Au coup de sifflet final, pas de triomphalisme, non plus : les Oranje avaient fait le boulot et rien d’autre. En fait, ils ont dû tout simplement réaliser que depuis la Coupe du monde (troisièmes), ils avaient sacrément déconné… Parce que passer un 6-0 à la Lettonie, même faible, c’était appliquer le tarif habituel des scores très élevés que les Pays-Bas infligeaient toujours auparavant à n’importe quel adversaire lors des phases éliminatoires ! En renouant avec les victoires tabassantes, le souvenir honteux des défaites en Tchéquie (1-2) et en Islande (0-2) a dû leur faire très mal. Parce que d’un point de vue comptable, les 6 points de retard accumulés sur ces deux adversaires ont transformé cette phase de qualification en véritable parcours du combattant. D’autant plus que trois heures après le 6-0 asséné aux Lettons, la Reptchèque battait l’Islande à dom (2-1), maintenant ce même écart de 6 points (12 points contre 6 aux Hollandais) qui expédiera au mieux les Pays-Bas à la deuxième place qualificative.
Parce que les données sont claires. Portée par sa dynamique de leader, la République tchèque est bien partie pour finir première. À moins de s’écrouler, ce qui peut aussi arriver, elle garde la main sur ce groupe A. Car pour lui passer devant, les Hollandais devront faire un quasi-sans-faute, à savoir gagner tous leurs matchs ou presque. Avec leurs deux défaites initiales, ils sont grillé tous leurs jokers. Ils pourront refaire leur retard en battant à dom l’Islande, la mettant à égalité avec eux (9 points pour l’Islande, ce matin). Mais même une victoire face aux Tchèques ne les ramènerait qu’à trois points de la bande à Plašil et Čech. Or, les Tchèques auront tout à gagner en bétonnant pour arracher le nul 0-0 à Amsterdam. L’Islande pourrait faire pareil, la Turquie aussi : bétonner sévère, voilà le danger qui va s’offrir aux Tulipes… On rappelle que même en cas d’égalité au sommet entre Pays-Bas et Tchéquie ou Pays-Bas et Islande (c’est possible !), c’est la différence aux points particulière qui les départagera et ensuite la différence de buts particulière entre équipes. Pas facile ! Les Pays-Bas devront ainsi infliger un 3-0 aux Islandais, vainqueurs 2-0 à l’aller pour les dépasser. On arrête là… Ce scénario très pessimiste ne repose que sur des suppositions. Et puis même en finissant parmi les meilleurs troisièmes, les Pays-Bas barragistes pourraient se qualifier quand même. Mais ce contexte très difficile, présent et futur, existe bel et bien. C’est même pour ça que les Oranje étaient au bord du précipice avant la Lettonie. L’obstacle a été passé, et très bien passé, mais les inquiétudes demeurent.
Férocité
Mardi soir, la défaite en amical à dom contre le Mexique (2-3) avait alourdi le climat au sein de la sélection, provoquant vendredi la sortie ahurissante de Guus Hiddink, la veille du match contre la Lettonie : « Je quitterai mon poste en cas de défaite. Un partage des points serait-il suffisant ? Je ne pense pas. » Il faut dire que le bon vieux Guus alignait une quatrième défaite sur cinq matchs depuis sa succession à Louis van Gaal… C’est à ce moment-là qu’il reçut le soutien de ses joueurs, dont on s’était parfois bien demandé s’ils ne l’avaient pas lâché. Wesley Sneijder était monté au front médiatique : « Si on perd ce match, on est tous responsables et on doit tous démissionner. Battons la Lettonie et le problème sera réglé. » Mais c’est Arjen Robben qui remit les choses en place, sous forme de mea culpa collectif : « Oublions le Mondial. Le problème n’est pas tactique. Le problème, c’est la mentalité. Il faut arrêter de croire que nous sommes bons, car, en réalité, nous ne sommes pas bons. » Traduction : ce sont d’abord les joueurs qui sont responsables du marasme. Bien vu… Car on a pu reprocher les errements tactiques de Hiddink (défense à trois, coaching inopérant), ainsi que son manque d’autorité et sa perte du charisme d’autrefois, ce sont bel et bien les Oranje qui ont déjoué à Reykjavík, après avoir pris les Tchèques d’un peu trop haut… Outre l’attitude pas très pro, Robben a aussi mis le doigt là où ça fait mal : « Quand on ne sait pas défendre, il faut savoir attaquer. » La pure vérité ! À Amsterdam, les trois buts mexicains ont encore mis la déliquescence défensive batave en évidence. Quant à l’attaque néerlandaise, elle était à l’image d’un Van Persie, auteur d’un seul petit but en qualifs face aux Kazakhs (3-1), et sur péno en plus ! C’est le défenseur De Vrij qui avait marqué à Prague (1-2), et les milieux Sneijder et Blind qui avaient marqué face au Mexique…
Du coup, afin de repartir sur des bonnes bases avant de jouer la Lettonie, tout le monde s’est responsabilisé : « Tout ce que je peux dire, c’est que nous avons suivi une préparation spéciale, a expliqué Guus après le 6-0. On a revu tous nos matchs, on s’est beaucoup parlé et on savait où il fallait intervenir. » Les Oranje se sont « dit les choses » , comme le soulignait très clairement Robben : « L’important est de régler le problème générationnel entre les trentenaires (Robben, Huntelaar, Van Persie, Sneijder, ndlr) et les plus jeunes. Ils doivent comprendre qu’il faut jouer chaque match comme si c’était le dernier. Et d’autres victoires tomberont. » La faute aux jeunes ? Pas faux. Mais un peu court… Mais, peu importe ! Les Pays-Bas ont l’excuse d’avoir déploré les absences toujours dommageables de Strootman – son retour est pour bientôt – mais aussi de l’infortuné Vlaar, qui a rechuté très tôt face au Mexique, cette semaine. Pour sa reprise en mars face à la Turquie, à Amsterdam, la sélection devrait être au grand complet et la mécanique oranje redémarrer. Dimanche soir face à la Lettonie, Hiddink a surtout brillé tactiquement en faisant les choses simplement. C’est-à-dire en remettant d’abord chacun à sa place selon un 4-1-3-2 très audacieux. Cillessen dans les buts. Une défense à quatre : Van der Wiel (pas mal : Janmaat devra batailler désormais), Bruma (auteur de son premier but en sélection), De Vrij et Willems. Blind enfin en 6, devant la défense ! Même si ce pauvre Daley est sorti blessé au bout de 20 minutes. On parle d’une absence d’au moins un mois… Plus haut, une ligne Robben, Sneijder, Afellay très en forme. Wesley a assuré correctement, Afellay a confirmé son retour en grâce en sélection. Quant à Robben, il a encore prouvé avec ses deux buts (oui, oui : la « spéciale Robben » , deux fois !) et une barre sur coup franc qu’il était bien le meilleur attaquant de la planète depuis deux ans (on dit bien « attaquant » , pas « buteur » : Messi et CR7 dominent cette catégorie). Devant, Huntelaar (un doublé convaincant) et Van Persie (un but de la tête à la 6e qui a déclenché l’avalanche) ont rassuré. Malgré encore quelques trous d’air derrière, tous les attaquants ont planté. Habituellement, c’est le signe fort que les Oranje redeviennent féroces…
Par Chérif Ghemmour