- CAN 2013 – Quart de finale – Burkina Faso/Togo
On va chanter Jonathan Pitroipa
Alain Traoré blessé et forfait jusque la fin de la compétition, le Burkina Faso va devoir tout miser sur son autre atout offensif : Jonathan Pitroipa. Plus mature, plus efficace aussi depuis quelque temps, le dribbleur fou à la morphologie de coureur de fond semble fin prêt à endosser cette grande responsabilité.
« Jonathan a les deux qualités du footballeur de très haut niveau : la capacité à répéter les courses à haute intensité et la vélocité, cette vivacité gestuelle. » Préparateur physique depuis plus de dix ans et collaborateur historique de Frédéric Antonetti, Nicolas Dyon a vu quantité de joueurs défiler sous ses yeux experts. Après avoir tâté des cuisseaux à la chaîne et étudié les pulsations cardiaques de centaines de sportifs, il est formel : Pitroipa a des capacités physiques rares. Et nul besoin en effet d’avoir un bac +7 en médecine sportive pour être émerveillé du comportement sur un terrain du Burkinabé, capable de multiplier les accélérations, de toujours se montrer disponible pour ses coéquipiers et de slalomer pour éviter au maximum les contacts. Joueur subissant le plus de fautes en Ligue 1, le Rennais est un vrai poison pour les défenses adverses, qui finissent par s’agacer de le voir durer 90 minutes sans jamais paraître fatigué. Depuis son arrivée en France à l’été 2011 en provenance de Hambourg, il n’a même jamais été blessé. Pourtant, Antonetti ne l’épargne pas en le titularisant systématiquement. L’entraîneur corse sait que les qualités de dynamiteur de Pit’ sont indispensables à l’animation offensive rennaise. Il a d’ailleurs récemment obtenu de la Fédération burkinabé de football qu’il puisse effectuer un aller-retour express en Bretagne en plein avant-CAN pour disputer la demi-finale de Coupe de la Ligue contre Montpellier. Un match qu’il a disputé en intégralité, se montrant comme très souvent depuis le début de saison ultra précieux, avec une lumineuse passe décisive à son actif.
L’exemple du Parc des Princes
À la fois rapide et endurant, Jonathan Pitroipa fait parfois penser à Gervinho pour sa capacité à foutre la zone dans n’importe quelle défense par ses mouvements imprévisibles et sa technique déroutante. Un coup dans le zig, un coup dans le zag, tu ne sais jamais bien ce qu’il va faire du ballon. Lui-même ne semble pas toujours le savoir d’ailleurs… Dribbleur fou, il peut parfois céder à la facilité de trop tricoter. Surtout, il a longtemps traîné une réputation d’ailier hyper maladroit face au but, héritage de ses années d’apprentissage en Allemagne où il faisait encore preuve de trop de fébrilité au moment d’armer ses frappes. Avec Rennes, il affiche pourtant des statistiques franchement intéressantes : 11 buts et 13 passes en 50 matchs toutes compétitions confondues la première saison, 7 buts et 5 passes en 22 matchs la seconde. Encore parfois très hésitant au moment de conclure lors de ses premiers mois en Bretagne, le bon John semble avoir franchi un cap psychologique depuis quelque temps. Lui qui avait tendance à jouer tête baissée et à paniquer dès qu’il pénétrait dans la surface adverse s’y sent désormais à l’aise, prenant plus de responsabilités. Il a aussi gagné en altruisme et sait se sacrifier pour le collectif si les conditions de jeu l’imposent. Exemple au Parc des Princes en novembre dernier lors de la victoire héroïque des Rennais vite réduits à 9, avec un Pitroipa abandonné seul en pointe et qui a permis grâce à son travail de harcèlement, de remonter un grand nombre de ballons, évitant aux siens de sombrer dans un système d’attaque-défense.
Leader de terrain
C’est donc un Jonathan Pitroipa plus mature et plus complet qui est arrivé en Afrique du Sud disputer cette Coupe d’Afrique des nations. Plus sûr de lui aussi, puisqu’il se sait « capable de faire gagner un match à l’équipe » . Au Burkina, les rôles sont bien définis : Dagano et Kaboré sont les leaders de vestiaire, Pitroipa et Traoré les leaders sur le terrain. Depuis que ce dernier a dû quitter les siens sur blessure, c’est donc à Pitroipa seul qu’incombe la responsabilité du jeu des Étalons. À 26 ans et pour sa troisième CAN, il semble bien que ce soit le bon moment pour lui d’endosser ce rôle de meneur de troupes. Fidèle à la sélection depuis 2006, il en est déjà à 3 passes dé’ et un but inscrit dans la compétition. Face au Togo aujourd’hui, le peuple burkinabé va encore compter sur les exploits de cet étonnant bonhomme au physique de marathonien et à la divine technique. La chanson qui lui a été dédiée au pays est formelle : « Dieu nous a donné Jonathan Pitroipa. »
Par Régis Delanoë