- Euro 2012
- Groupe D
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On s’est promené sur l’île suédoise
Les Suédois sont les supporters les plus nombreux de cet Euro en Ukraine. Dont une bonne partie, 5000, qui loge dans un camping le long du Dniepr, monté par l'association des fans de la sélection. Entre deux matchs, on y boit, on y mange ou on part pour la journée en excursion à Tchernobyl.
Pour trouver le camping, il suffit de courir derrière les scooters Domino’s Pizza qui viennent livrer les Regina ou les Margarita. À la cadence d’un métro : toutes les deux minutes. Au bout d’un pont qui traverse le Dniepr, 5000 Suédois en tente, qui ont souvent faim et tout le temps soif. Le Camp Sweden, monté par l’association des supporters de la sélection pour se loger à moins de 20 euros par jour, est l’une des curiosités posées à la marge de cet Euro. Il est aussi posé sur la presqu’île de Thrukanov, en plein centre de la capitale ukrainienne. Un espace extra-territorial telle une ambassade dans lequel on ne peut entrer sans le bracelet des campeurs ou une autorisation spéciale délivrée par une armée de bénévoles reconnaissables à leur T-shirt « Crew » . Ils ont même leurs attachés de presse pour gérer le flot continu des médias ukrainiens et étrangers qui viennent filmer des supporters en train de soigner leur gueule de bois, faire la sieste, se baigner ou aller prendre la douche.
« On ne pensait pas qu’il y aurait autant d’intérêt » , s’étonne d’ailleurs l’un d’entre eux, Viktor Högberg, en guidant une visite de 20 minutes maximum pour les télévisions. Car, à l’intérieur, ce camping ressemble à un camping, sauf qu’il n’est occupé que par des Suédois. Un camping séparé du reste de l’Ukraine par une palissade en aluminium sur laquelle sont collées quelques petites annonces. Classique: « Cherche billet pour les quarts » . D’autres plus contextuelles : « Pour les personnes inscrites à l’excursion pour Tchernobyl, veuillez vous présenter 24h avant pour faire vérifier vos passeports » . Enfin, l’une, scotchée par un Ukrainien, offre la possibilité de « tirer avec un Kalashnikov pour 89 dollars » .
La magie Zlatan
Depuis l’Euro 2004 au Portugal, l’association des supporters organise les campements de ses membres. Ils étaient ainsi 2500 en Allemagne en 2006 et en Autriche en 2008. Ils sont le double à Kiev, dont beaucoup se sont tapés entre 30 et 40 heures de route en camping-car. « Là, on est peut-être plus nombreux parce que Zlatan avait annoncé sa retraite internationale après cette compétition. On voulait tous voir une dernière fois de la magie » , estime Anton, en rouillant devant sa tente alors que deux de ses potes se sont fait, pour 160 euros, une journée de visite sur le site de la plus grande catastrophe nucléaire de l’humanité : « T’es obligé de mettre un pantalon et des manches longues pour aller là-bas ! Je peux pas, il fait trop chaud. »
À l’entrée du camping, Brice, un Français expatrié à Stockholm : « La sélection, tous les Suédois sont derrière. Ils mettent leur rivalité de club de côté tant qu’ils sont ici, et ils se mettront sur la gueule une fois rentrés. » À l’opposé, un autre Anton, venu de Linköping, estime qu’ « on est peut-être aussi nombreux parce qu’on n’a pas vraiment l’occasion de s’enflammer avec nos clubs dans les compétitions européennes. » Pour Brice, il existe d’autres raisons : « Quand la fédération met en vente les billets, qui étaient d’ailleurs à 30 euros, les supporters sont prioritaires. Ce n’est pas la FFF qui sert d’abord la soi-disant grande famille du football des dirigeants. »
L’armée jaune et bleue
À l’entrée du camping, un bar tenu par des Ukrainiens est devenu un autre territoire conquis par l’armée jaune et bleue, même si certains se demandent comment les prix peuvent doubler entre le matin et le soir. À l’une des tables, Glen Hysen, ex-capitaine de la sélection à la Coupe du monde 1990 en Italie, devenu éditorialiste d’un journal sportif, décapsule une bière sur le terrasse. Ex-joueur de Liverpool et de la Fiorentina, il se rappelle de son premier voyage ici, du temps de l’Union Soviétique : « J’étais venu en 1980 avec les moins de 21 ans. À l’époque, on était tombés sur le seul distributeur de Coca de tout le pays. J’avais mis une pièce. Je m’attendais à voir descendre une canette ou un gobelet en plastique. En fait, c’était un verre. Le même pour tout le monde. Pas la peine de vous dire que l’Ukraine de cet Euro n’a plus rien à voir avec celle que j’avais connue. » Pas la peine, non.
Par Joachim Barbier, à Thrukanov