- Culture foot
- Neil Hannon
« On pardonne la main de Thierry Henry, mais on n’oubliera jamais »
Quand il ne balade pas sa voix de crooner et son look de dandy sur le terrain de la pop, Neil Hannon, leader de The Divine Comedy, se pose devant le foot. Cet été, le chanteur nord-irlandais sera derrière les deux Irlande et pestera, encore et toujours, contre l’hymne anglais…
Vous êtes né à Derry en 1970, peu de temps avant le Bloody Sunday. C’était comment de grandir là-bas ? Petit à petit, j’ai compris que je grandissais dans un endroit particulier. Honnêtement, c’était « fucked up » . Mais je suis super fier d’être nord-irlandais, et de voir l’Irlande du Nord à l’Euro. C’est la première fois depuis mon adolescence qu’on participe à une grande compétition… En même temps que l’Irlande, en plus. Ça revêt un caractère historique. J’habite dans le Sud, mais je viens du Nord : honnêtement, je ne sais même pas qui je vais supporter, surtout s’ils sont amenés à jouer l’un contre l’autre ! Cependant, je pense que l’Irlande du Nord a plus de chances de passer parce qu’on arrive avec de meilleurs résultats depuis les qualifications. L’Irlande n’a pas vraiment de bons joueurs, mais c’est une équipe solide, comme peuvent l’être l’Autriche ou l’Ukraine. Une équipe de bosseurs. Ils vont faire le job, mais on sait tous que ça n’ira nulle part ! (rires)
Que pensez-vous de James McClean, joueur irlandais né à Derry et engagé politiquement ?En Irlande du Nord, il y a de mauvaises personnes qui réduisent le foot à cette rivalité entre unionistes et protestants. Et malheureusement, quand un joueur nord-irlandais décide de ne pas jouer pour l’Irlande du Nord, ça peut pousser ces mauvaises personnes à être pires encore. Ça leur donne presque raison et ils en profitent pour se payer les catholiques. Personnellement, je ne forcerai jamais un Nord-Irlandais à jouer pour la sélection parce que ça renforcerait cette idée qu’il faut choisir son camp. Si les deux Irlande jouaient pour la même équipe, ça rendrait cette donnée religieuse et politique bien moins importante.
Qu’est-ce qui vous a fait aimer le foot ?Il s’est passé quelque chose en moi quand Armstrong a marqué contre l’Espagne à la Coupe du monde 82 (victoire 1-0 de l’Irlande du Nord, ndlr). L’idée que l’Irlande du Nord puisse battre l’Espagne était pour moi tirée par les cheveux. J’ai commencé à suivre Manchester United à la fin de l’ère Atkinson, au moment où sir Alex Ferguson a repris l’équipe. Ce club m’a happé, ensuite. J’essaie de continuer à les supporter, mais c’est devenu difficile. Ça peut paraître bizarre, mais le fait qu’United n’ait rien gagné ces trois dernières années est comme un soulagement. C’est comme si on était repartis de zéro, qu’il fallait tout refaire comme à l’arrivée de Ferguson. C’est plutôt excitant comme perspective. En vérité, je suis plutôt jaloux de Liverpool en ce moment, avec Jürgen Klopp à leur tête. On a besoin d’un type avec autant de passion que lui !
La main de Thierry Henry est-elle toujours dans les têtes irlandaises ?On peut pardonner, mais on n’oubliera jamais. Après, je ne pense pas qu’Henry doive supporter tout ça. Il s’agit avant tout d’une erreur d’arbitrage ! Mais cette élimination nous a coûté une place en Coupe du monde, quand même… Nous n’avions pas joué suffisamment bien pour aller en Coupe du monde en 2010, mais rester bloqués sur ce match de 2009 n’est sans doute pas une bonne idée. Puis Thierry Henry est l’un des plus grands joueurs de l’histoire, l’un des meilleurs qu’il m’ait été donné de voir, même si je hais Arsenal.
En 2007, vous écrivez une chanson que vous estimez parfaite pour concourir à l’Eurovision. Pourriez-vous écrire un hymne pour l’Euro ?Absolument, c’est mon ambition ! J’adorerais ça, mais malheureusement, tout le monde a déjà son hymne. J’aime bien l’hymne irlandais en rugby et j’aimerais que l’Angleterre arrête de chanter God Save the Queen, parce que l’Écosse, l’Irlande du Nord et le pays de Galles sont aussi dans le Royaume-Uni et ils ont leur propre chanson. Si l’Angleterre veut un nouvel hymne, je suis prêt à lui en écrire un.
Vous ne voulez vraiment pas écrire l’hymne de l’Euro plutôt ? Parce que, là, c’est David Guetta qui s’en est chargé…Non ? Ils ne vous ont pas fait ça, quand même ? Oh. Mon. Dieu.
Propos recueillis par Ronan Boscher
À écouter : nouvel album de The Divine Comedy, Foreverland, à paraître le 2 septembre 2016.