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« On me dit que j’ai une grosse tête, pas en boulard, mais en superficie… »

Props recueillis par Benjamin Asseraf
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Romain Thomas vit une saison inattendue avec le SCO d'Angers. Titulaire en défense centrale, il raconte son parcours. Entre des kilos en trop, un Brest qui tourne mal, la main tendue de l'UNFP et de Carquefou, et la confiance de Stéphane Moulin, entretien d'un mec qu'on dit ressembler à Grand Corps Malade, David Rozenhal et même Thomas Berdych.

Tu commences à Brest où tu joues très peu. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?Il faut plutôt demander au coach… Pour ma première année chez les pros là-bas, à 20 ans, j’étais prêté à Pacy-sur-Eure en National. Ensuite, la deuxième année où je suis revenu au club, à 21 ans, j’ai fait une saison blanche. Bon, pour différentes raisons, sûrement que je n’étais pas assez prêt pour commencer dans le milieu, mais bon, après, j’avais des manques un peu partout. J’aurais aimé qu’à un moment donné, quelqu’un me prenne un peu en main, comme on prend en main un jeune joueur pour qu’il progresse. Mais je n’en veux à personne.

Du coup, tu te retrouves sans rien, à faire un stage avec l’UNFP. Ça consistait en quoi ?En gros, ils organisent des stages pour les joueurs au chômage ou en fin de contrat. Je n’avais pas forcément envie d’y aller parce que, naïvement, je me disais que je pourrais retrouver un club sans ça. Mais heureusement que je l’ai fait, parce que je pense que sinon, le foot, c’était terminé pour moi. J’ai passé un mois à jouer dans un groupe de vingt-cinq joueurs, comme si on était un vrai club. Des entraînements, des matchs amicaux, et le but, c’est que les joueurs se fassent repérer par des clubs. J’arrive en juillet 2010, je n’ai toujours aucun appel et je sens que ça va être compliqué, jusqu’à l’appel de Denis Renaud, l’entraîneur de Carquefou, qui me demande de venir voir un peu là-bas, comment ça se passait. J’avais pas trente-six solutions, donc j’y suis allé et j’ai signé à Carquefou en CFA. J’avais un contrat fédéral parce qu’on ne peut pas signer pro dans ces clubs-là, en amateur.

Saison 2010/2011, tu débarques à Carquefou. Deux saisons plus tard, vous montez en National. Une folie à l’époque !C’était complètement fou. Je fais une première saison pleine, c’est un peu une renaissance parce que j’ai eu la chance d’avoir un coach comme Denis Renaud qui m’a laissé m’épanouir et progresser en jouant les matchs. Je fais deux saisons à plus de trente matchs et, lors de la deuxième, on a le bonheur de monter avec un record de points en CFA. Je n’avais pas trop envie de partir, j’étais bien là-bas et j’ai fait une troisième année à Carquefou. On fait une bonne saison, on joue la montée pendant longtemps, puis au final, ça ne le fait pas, et fin 2013, je signe à Angers.

Thierry Laurey m’a coaché aux stages UNFP. Un super entraîneur, un super mec qui m’a pris sous son aile aussi. Heureusement que j’ai eu ce genre de personnes pour progresser, parce qu’un sportif de haut niveau, c’est 70% dans la tête.

En quelque sorte, Carquefou, ça a été l’école de la vie pour toi…Oui, ça a été un passage important parce que j’ai complètement repris confiance en moi et j’ai fait « reset » sur mon passage brestois. De 14 à 22 ans, j’ai été là-bas, j’ai vécu de belles années, mais mon échec avec les pros… Ça m’a fait du bien d’aller à Carquefou, parce que j’étais dans un autre environnement, je partais de chez moi aussi. Sincèrement, pour tout te dire, quand j’étais là-bas, j’avais comme ambition de progresser, d’être le meilleur et j’ai eu une opportunité en 2013 avec Angers. Stéphane Moulin m’a appelé pour me dire qu’il était intéressé, que je ne partais pas titulaire. J’ai accepté et finalement, j’ai joué dès le début. Une saison pleine la première année, une belle saison l’année dernière où on monte, et aujourd’hui, je continue en Ligue 1, c’est fantastique.

Du coup, t’as fait de pro à amateur, le parcours inverse habituel… Alors avant d’aller à Brest, j’ai commencé à Landerneau, un petit club local, jusqu’à mes 13 ans. Mais c’est vrai qu’à mes 13-14 ans, j’étais dans un club professionnel. C’est vrai que généralement, quand tu arrives dans un club pro, tu y restes, ou tu pars dans un autre club pour continuer, mais moi, je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu. Il fallait que je trouve un autre chemin, que je me dirige vers autre chose. À la fin du stage UNFP en 2010, je me suis dit que c’était peut-être fini, je n’avais rien. Enfin si, j’avais un club de deuxième division hollandaise qui m’avait appelé, mais ça ne me disait rien. J’attendais quelque chose en France, j’avais très peu d’appels. Pourtant, j’avais été très sérieux lors du stage UNFP, je pensais avoir fait bonne impression. Mon coach, c’était Thierry Laurey, qui est au Gazélec maintenant, j’avais appris pas mal de choses. Un super entraîneur, un super mec qui m’a pris sous son aile aussi. Heureusement que j’ai eu ce genre de personnes qui m’a fait progresser, parce qu’un sportif de haut niveau, c’est 70% dans la tête. En 2010, j’étais à deux doigts de basculer dans la vie « normale » .

T’as eu quelques « galères » , mais au final, t’as réussi à sortir la tête de l’eau ! Je me suis senti bien quand j’ai commencé à enchaîner les matchs avec Angers, la première année où j’ai signé. À la fin de la première saison, je voulais revenir en Ligue 2, pas pour prouver aux autres, mais simplement pour moi, pour me dire : « T’as travaillé depuis tout jeune, t’es retourné en amateur à Carquefou, et tout ce travail que t’as fait te permet d’être revenu dans le monde pro » . La première saison pro en 2014, je me dis que j’ai franchi une autre marche et que le but, c’est de s’installer là, tout en progressant, et pourquoi pas monter avec Angers en Ligue 1, et c’est ce qu’il s’est passé l’année d’après.

Bon, on ne va pas se mentir, avec le SCO, vous êtes en train de faire trembler tout le monde, sauf le PSG…Je ne sais pas si on fait peur, mais on est déjà pris beaucoup plus au sérieux que lors des premiers matchs, donc c’est déjà une belle réussite. On voit que quand tu travailles et que t’es en adéquation avec toi-même, avec le groupe et avec l’entraîneur qui essaye d’être le plus juste possible, ça prend bien. Et c’est ce qui s’est passé. Les résultats du début de saison nous ont fait prendre confiance en nous et depuis novembre-décembre, on est pris beaucoup plus au sérieux. Maintenant, c’est intéressant, et le SCO n’est pas là par hasard non plus. On fait de belles choses, mais le plus dur, c’est de le faire sur une année complète, c’est là où on verra si on est vraiment au niveau.

Tu parles de quelque chose qui marche bien. Justement, quand on vous voit jouer, on a l’impression de voir une équipe qui s’entend surtout très bien…Oui, c’est sûr. On s’est mis en tête qu’il n’y avait pas de star dans l’équipe et que la star, c’était nous, l’équipe. Le coach a fait passer ce message, et tout le monde l’a compris, ce qui a donné une copie assez sympa, assez propre. On reste quand même ambitieux en travaillant dur chaque jour, pour essayer de réussir encore longtemps. On doit rester exigeants envers nous-mêmes et envers nos coéquipiers pour voir jusqu’où on peut aller. C’est sûr qu’à un moment, il y aura un peu de fatigue, mais sincèrement, on vit une aventure humaine incroyable et les gens ne s’en rendent pas forcément compte. On avait beaucoup de joueurs qui étaient néophytes en Ligue 1, qui n’avaient pas joué beaucoup de matchs. Le fait d’être là, c’est fou…

C’est fou, mais quand vous prenez 5-1 à Paris, ça fait redescendre sur Terre ?Redescendre sur Terre non, parce qu’on ne s’est jamais vus plus beaux qu’on est. Chaque week-end, on donne le maximum. Après, le truc, c’est que tu vas au Parc des Princes. Si on regarde bien depuis le début de la saison, il y a beaucoup d’équipes qui ont beaucoup souffert là-bas. Quand tu joues contre une équipe aussi sérieuse et appliquée qu’eux… Nous, on est sérieux, on suit notre chemin, mais t’as beau être concentré, à un moment, le moindre détail, le moindre relâchement te fait perdre le fil. Nous, on est tombés contre un PSG de gala, mais je pense qu’il faut en tirer le positif.

Apparemment, j’ai une grosse tête, donc on me chambre un peu avec ça dans le vestiaire… Mais quand je dis grosse tête, c’est pas le boulard hein, je parle de la superficie.

T’arrives à tirer du positif d’une défaite 5-1 ?Ça va nous servir pour cette fin de saison, faut pas se mettre un coup de massue derrière la tête. Lille en a pris six, Lyon en a pris cinq, Toulouse aussi en a pris quatre ou cinq… Voilà… Au PSG, ils se préparent pour gagner la Ligue des champions, nous on se prépare à jouer le maintien, donc il faut relativiser sur ce qui s’est passé. Faut apprendre, individuellement et collectivement. Plus que des mauvaises performances individuelles, c’est toute l’équipe qui a été dépassée. C’est la classe au-dessus. À la 70e minute, quand y a 5-1, tu te dis que c’est comme ça ce soir et qu’il faudra mieux se préparer.

1 mètre 93 pour toi, t’es déjà bien grand, mais il paraît que t’as perdu plusieurs kilos…Non… Ça, c’est quand j’étais à Brest… Le fait, à un moment, de partir, de prendre un appartement seul, le fait de plus être chez toi, dans le cocon familial, sans le vouloir, tu manges normalement, mais tu fais peut-être pas les bons plats qui correspondent à l’alimentation d’un sportif de haut niveau. Donc sans le vouloir, je suis monté pas loin des 90 kilos. Bon, je fais 1,93m, donc j’étais pas gros, mais pour être bon et pour durer sur un terrain, il faut être affûté, et je ne l’étais pas assez. Après le stage de l’UNFP, j’ai repris confiance et j’ai perdu ce que j’avais en trop. Parce que c’était un peu flippant pour moi, par rapport à ma mobilité, à ma capacité à enchaîner les courses régulièrement dans les matchs… À un moment donné, tu te blesses plus souvent, t’as des petits soucis, et puis tu te régales moins quand tu te sens pas bien dans ta peau. Mais à ce moment-là de ma carrière, je n’étais pas au courant des choses qu’il fallait faire pour être performant, et ça je l’ai appris tout seul avec le temps.

La défense d’Angers fait partie des meilleures de Ligue 1. Derrière, tu fais la paire avec Ismaël Traoré. Lui est plutôt besogneux, alors que toi, tu as l’image du défenseur propre. On se trompe ?Il dégage plus de puissance que moi, qui suis peut-être plus présent dans les domaines aériens, l’un est gaucher, l’autre droitier, ça nous donne différents angles de vue. Ça se passe très bien. On est complémentaires, on discute, et une bonne charnière centrale, si elle veut être performante sur la durée, il faut que ceux qui la composent soient complémentaires. Sans les mêmes qualités et les mêmes défauts. Depuis le début de la saison, on joue avec beaucoup de simplicité, de concentration, ce qui fait qu’on fait très peu de fautes de placement et qu’on donne peu de ballons à l’adversaire. On parle de nous deux, mais c’est une équipe. Tous ensemble, on défend bien. Romain Saïss, devant nous, fait une belle saison aussi. On travaille tous ensemble, on est un bloc.

Parallèlement au foot, tu es également engagé avec Muco29, tu peux nous en dire un peu plus sur ton rôle ?Muco29, c’est une association qui est située dans le Finistère, pas loin de chez moi. J’aime faire plaisir aux gens et je trouve important qu’avec notre métier, on fasse profiter les autres et encore plus les enfants qui sont atteints de différentes maladies. Leur donner le sourire, c’est avec grande joie que je le fais. C’est important de faire partager un peu notre sport en rendant visite parfois. Sinon, je m’occupe d’essayer de récupérer des maillots en Ligue 1, puis eux les revendent pour récolter des fonds. Eux, ça les aide, et ça rend les enfants heureux. Avec ma petite notoriété, j’essaye de faire plaisir.

Tout le monde parle de toi en bien, t’es un bon mec, tu joues bien au foot, impliqué dans le milieu associatif… T’as bien un défaut quand même ?Ça, il faudrait demander à ma femme… Un défaut par rapport à ma vie privée ? Non… (rires) Non, même pas. C’est vrai que j’ai des qualités dans le sens où j’aime faire plaisir aux gens, et mon défaut, ça serait peut-être, justement, de ne pas assez penser à moi. Par moment, il faut savoir être un peu plus égoïste et j’ai du mal à le faire. Mais sinon…. On me chambre un petit peu dans le vestiaire avec… Apparemment, j’ai une grosse tête, donc ils me chambrent un peu avec ça… (il coupe) En revanche, grosse tête, c’est pas le boulard hein, c’est la superficie.

On t’a déjà dit que tu ressemblais à Grand Corps Malade ?Oui… On me l’a déjà dit. On m’a déjà dit Rozehnal, Thomas Berdych au tennis, mais bon, moi, ce que je leur dis dans le vestiaire, c’est que je ressemble un peu à tout le monde !

Donc à choisir, ce serait le slam ou le football ? Le foot ! (rires) Le slam, je ne pourrais pas être performant là-dedans, donc je reste dans mon domaine.

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