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On fait le bilan de la phase de groupe des Bleus

Par Mathieu Rollinger, à Budapest
5 minutes
On fait le bilan de la phase de groupe des Bleus

Après avoir regardé le groupe de la mort dans les yeux, l’équipe de France est bien en vie au moment d’aborder la phase éliminatoire de l’Euro. Mais les trois matchs déjà disputés ont chacun laissé une impression différente, et obligent aujourd’hui à minorer le statut d’immense favori dont les Bleus bénéficiaient en attaquant la compétition.

« Notre équipe nationale est dans les meilleures équipes mondiales. Ne pas être dans le dernier carré, ce ne serait pas une faute, pas du tout, mais ça ne correspondrait pas à notre valeur. » Au moment de définir les objectifs des Bleus à l’aube de cet Euro 2020, c’était Noël Le Graët avant l’heure. Le président au double tréma ne faisait que dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas : cette équipe débarquait en favori de cet Euro. Vingt jours et trois matchs plus tard, Didier Deschamps et ses hommes sont bien dans les temps, du moins sur le plan comptable, puisque sortis en tête du groupe le plus relevé de cette édition. Mais si les champions du monde ont plus qu’assumé leur statut en Allemagne (1-0), les deux nuls concédés à Budapest contre les Hongrois (1-1) et les Portugais (2-2) laissent dans leur sillage un flot de doutes qui n’attendent qu’à être levés. Au point de se retrouver aujourd’hui avec plus d’incertitudes que lors de l’arrivée à Munich il y a dix jours de cela.

L’état d’esprit, mais sinon ?

« Satisfait d’être encore une fois au rendez-vous », Didier Deschamps ne l’avouera pas, mais il faut lire entre les lignes pour comprendre qu’il en a conscience. « Certaines sélections ont pu dégager de meilleures impressions que la nôtre, constatait-il en conférence de presse, sans citer la Belgique plus que l’Italie ou les Pays-Bas. Mais une nouvelle compétition va commencer. Avoir gagné contre l’Allemagne a été très important pour nous. Avoir pris ce point dans un contexte particulier contre la Hongrie nous a offert la qualification avant ce match(contre le Portugal). Comme je l’ai dit aux joueurs, il n’y avait pas de calculs à faire. On n’a pas tout bien fait, mais l’état d’esprit était là, on peut encore améliorer des choses. »

C’est une constante observable dans toutes les équipes sportives : quand on met l’accent sur l’état d’esprit, c’est très souvent parce qu’il y a des manques. Un peu comme lorsqu’on dit à une personne qu’elle est gentille à défaut de pouvoir citer une autre de ses qualités. Dans le cas des Bleus, souligner la solidarité qui unit ses membres est nécessaire (il n’y a qu’à voir l’abattage d’Antoine Griezmann contre l’Allemagne pour s’en apercevoir), mais n’est pas forcément juste. Déjà parce qu’après l’ouverture du score de Cristiano Ronaldo, les attitudes montraient de l’agacement, mais aussi un poil d’abattement. Hernandez et Griezmann pestaient au moment de recevoir leur jaune, Kimpembe avait le nez dans les chaussettes après avoir concédé une faute sur CR7, Koundé manquait un contrôle facile… Ces signes ne trompent pas, et il a fallu attendre un penalty gratté avec pas mal de vice par Kylian Mbappé pour remettre les Bleus d’aplomb.

Système DD

Qu’est-ce qui trottait alors dans les têtes des joueurs pendant ce quart d’heure de chaleur ? Certainement la sensation que leur plan ne se déroulait pas exactement comme ils l’espéraient. Quand ce n’est pas la défense qui se fait ouvrir, comme lorsque Fiola et Sallai ont profité du laxisme de Pavard et Varane samedi dernier, c’est l’ensemble de l’animation offensive qui déconne. Ce trio offensif considéré comme un des tout meilleurs du continent n’a pour le moment pas trouvé son rythme de croisière. Le retour de Benzema ne semble pas déconcerter Mbappé, qui bouffe toujours autant la profondeur quand ce n’est pas le ballon ou la feuille, mais réduit l’influence d’Antoine Griezmann, ne sachant plus trop où se placer, alors qu’il pouvait avant ça jouer les yeux fermés autour de Giroud. Tout ça n’est en rien irrémédiable, mais ces interrogations sont à coupler avec celles sur le système.

Sur ces trois matchs, Didier Deschamps a proposé trois schémas tactiques différents : un milieu en losange avec Griezmann en soutien des attaquants contre l’Allemagne, un 4-3-3 plus classique contre la Hongrie, et un 4-2-3-1 plus hybride contre le Portugal à la manière de 2018. « Ça me paraissait être la meilleure disposition sur un plan individuel et collectif, mais ce ne sera pas pour autant systématiquement ça pour la suite », expliquait DD. Sauf que Corentin Tolisso n’est pas Blaise Matuidi et Jules Koundé n’a pas autant de repères à droite que Benjamin Pavard. Et alors que tous les autres joueurs étaient censés être dans leurs meilleures dispositions, c’est tout le côté droit qui a grincé. La preuve que deux compétitions ne se ressemblent pas. Et si les Bleus ont beau répéter être passés à autre chose, les références à la campagne de Russie demeurent omniprésentes, comme si elle était gage d’une future réussite. Ce serait oublier que les plus grandes équipes ont pourtant toujours connu de belles désillusions lors qu’elles se raccrochaient aux acquis du passé.

Des cailloux dans les pantoufles

Alors oui, Benzema a lancé sa compétition, Pogba a été rayonnant deux fois sur trois, Kanté est toujours le maître des ombres… Mais sinon ? Didier Deschamps n’a pas assez fait de turnover pour qu’on puisse se rendre compte de la réserve qu’il a sur le banc (Coman, Lemar, Tolisso, peut-être Giroud, mais ensuite…). Il faudra aussi se casser la tête pour pallier les pépins physiques des arrières gauches de métier, tout comme trouver une solution durable à droite. Il faudra se fixer sur un schéma dans lequel chacun se sente à l’aise. Et tout ça dans des matchs couperets dans lesquels il ne faudra pas se rater. Les Bleus, après cette phase de poules, ont surtout raté l’occasion de se rassurer. La dynamique n’est pas cassée, la Suisse ne sera pas un obstacle infranchissable, mais tout ces cailloux dans les pantoufles devront être rapidement évacués pour que cette aventure ne se termine pas dans un grand flou.

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