- France – Ligue 1 – 26e journée – Rennes/Sochaux
On fait comment sans Alessandrini ?
Tout allait bien en ce début d’année à Rennes, vraiment trop bien pour un club d’ordinaire abonné à la poisse. Alors sans prévenir, elle a fini par débarquer cette foutue poisse, fauchant la révélation de la saison Romain Alessandrini en pleine ascension. Frédo Antonetti va donc devoir recomposer son animation offensive. Comment ? Plusieurs pistes s’offrent à lui, même si aucune n’offre de garanties. Décryptage.
À Rennes, il faut avoir un esprit sacrément rationnel pour ne pas soupçonner son club de cœur d’être victime d’une malédiction. Un maraboutage, une conspiration, un complot qui se joue tout là-haut, au royaume des Dieux, et dont on ne peut constater les débats qu’impuissants, ici-bas, simples mortels supporters… C’est vrai quoi, tout allait trop bien en ce début d’année 2013, ça en devenait louche : le podium se rapprochait en L1, la finale de Coupe de la Ligue était brillamment obtenue et tout le monde ou presque reconnaissait la qualité du trio de milieux offensifs composé de Julien Féret, Jonathan Pitroipa et Romain Alessandrini. Ce dernier était même récompensé de sa superbe première moitié de saison en étant convoqué par Deschamps pour le match amical des Bleus face à l’Allemagne. Non vraiment, c’était top, super top même. Beaucoup trop top, en fait. Il fallait bien qu’un truc merde, à un moment. Et comme par hasard, ce fut à Lille, un déplacement qui réussit rarement au Bretons – coucou Nico Fauvergue !
La perte d’un joueur frisson
C’était vendredi dernier, en match avancé de la 25e journée. On jouait la 36e minute de jeu et Romain Alessandrini, au duel avec Ronny Rodelin, s’écroule. Se tient le genou droit. Grimace. Et comprend vite. La sale blessure qu’il vient de récupérer, il la connaît très bien pour l’avoir déjà pratiquée à l’autre genou en 2009 : rupture des ligaments croisés. Le diagnostic effectué le lendemain le confirme. Nul besoin d’être expert en kiné pour savoir que cette « rupture des ligaments croisés » , c’est la blessure crainte par tous les footeux, celle qui éloigne des terrains pour des mois et des mois. Fauché en pleine ascension, Romain Alessandrini est donc contraint de déclarer forfait pour le reste de la saison, laissant un grand vide sur le flanc gauche de l’attaque rennaise. Car l’ancien Clermontois pèse 13 buts – dont 10 en L1 – et 5 passes décisives, toutes compétitions confondues depuis l’été dernier. Rayon stats, c’est ce qui se faisait de mieux jusqu’alors, devant Mevlüt Erding (12 buts, 6 passes), Julien Féret (10 buts, 5 passes) et Jonathan Pitroipa (7 buts, 5 passes). Et au-delà des chiffres, Alessandrini a énormément pesé dans le jeu de sa nouvelle équipe autant que dans l’état d’esprit. Un promu de Ligue 2 qui a découvert avec enthousiasme l’élite et qui a su saisir sa chance, avec plein de culot dans ses frappes et ses prises de risque. Un joueur frisson qui va manquer au public de La route de Lorient, à ses coéquipiers et à son entraîneur, contraint de composer sans l’un de ses éléments cadres.
Ngando, l’autre gaucher
Comment Frédéric Antonetti peut-il faire sans son numéro 19 ? Plusieurs solutions s’offrent à lui, aucune n’apparaît totalement satisfaisante. Premier cas de figure : ne rien chambouler de l’équipe type et remplacer poste pour poste : donc garder Féret au centre derrière la pointe Erding, garder Pitroipa à droite et insérer le seul autre élément offensif gaucher de l’effectif à la place d’Alessandrini : Axel Ngando. Après tout, du très peu qu’on l’a vu, le neveu de Patrick Mboma s’est très bien débrouillé : à peine entré en jeu en fin de rencontre à Lorient le 2 février, il a offert une égalisation inespérée. C’est aussi un des meilleurs éléments récemment sortis d’un des meilleurs centres de formation de France et un talent appelé dans toutes les équipes de France de jeunes. Le problème, c’est qu’il n’a que 19 ans et qu’il apparaît un peu tendre pour en faire un titulaire en puissance, alors même qu’Antonetti semblait vouloir miser sur l’expérience en cette deuxième moitié de saison, pour bien appréhender les échéances à venir (recrutements de Diarra, Mensah et Ilunga cet hiver).
4-2-3-1 de coach Antonetti
Une autre option consiste à mettre un droitier sur ce flanc gauche de l’attaque. Abdoulaye Sané par exemple, ou Cheick Diarra, deux autres jeunes du club, mais qui ont quand même un peu plus de bouteille que Ngando. Les rares fois où ils ont pu s’exprimer cette saison, ces deux-là ont en plus montré des signes de progrès encourageants. Dans un registre plus frileux, pourquoi ne pas non plus envisager la montée de Mavinga en milieu de terrain, maintenant que son poste de défenseur gauche est doublé par Hérita Ilunga (forfait cet après-midi) ? C’est pas dit que ça fonctionnerait, mais ça peut se tester, en symétrie de ce qui se fait déjà parfois sur le côté droit avec la montée du défenseur latéral Romain Danzé en milieu de terrain. En parlant d’expérimentation, il y a aussi possibilité d’insérer la recrue norvégienne Anders Konradsen dans le 11 de départ, quitte à devoir bousculer un peu le traditionnel 4-2-3-1 de coach Antonetti. Mais Konradsen est quand même attendu dans un registre plus récupérateur et plus central, en suppléant d’Alou Diarra.
Nouvelle chance pour S. Diallo ?
Champion du monde de l’entraînement
Troisième possibilité : repositionner Jonathan Pitroipa sur l’aile gauche, un poste qu’il a pratiqué par le passé avant l’éclosion d’Alessandrini. C’est ce qu’il y a de plus « naturel » à faire, même si on ignore la fraîcheur physique du Burkinabé de retour de sélection et qui va peut-être finir par « coincer » à force d’accumuler les matchs. Et puis c’est dommage de ne pas le laisser évoluer à droite, où il semble s’être épanoui comme jamais depuis quelques mois. En plus, cela ne résout pas complètement le problème, car avec Pit’ à gauche, on en fait quoi de ce couloir droit ? Pendant la CAN, trois joueurs ont été tentés à ce poste : Romain Danzé, Julien Féret et Sadio Diallo. Aucun n’a vraiment convaincu. Surtout pas Julien Féret, dont le registre un brin poussif ne se prête pas franchement à un jeu de couloir, mais bien plus à une position centrale. Danzé alors ? C’est l’option « sécurité » , mais offensivement, son apport paraît insuffisant – aucune passe décisive cette saison. Reste donc Sadio Diallo, dont Antonetti a parlé en des termes élogieux cette semaine. « Si un jour il fait en match ce qu’il fait à l’entraînement, a-t-il prédit, on aura un grand joueur. » Preuve qu’il continue de lui faire confiance et de voir en lui un futur tout bon. Après tout, en début de saison ce devait être lui la grosse affaire venue de L2, plus encore qu’Alessandrini. L’ancien Bastiais rayonnait sur l’Île de Beauté, et on lui prédisait une irrésistible ascension en élite. Mais force est de constater que pour l’instant, ce n’est pas trop ça… Trop timide, Sadio Diallo n’est encore jamais parvenu à peser dans le jeu rennais, malgré quelques titularisations et pas mal d’entrées en cours de match. Cette blessure d’Alessandrini doit lui permettre d’enfin exprimer son talent. À lui d’en profiter. Et à Rennes d’espérer que le sort cesse de s’acharner.
Par Régis Delanoë, à Rennes