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  • Serie A – J11 – Napoli/Juve (3-3)

On était dans un bar napolitain pour Napoli-Juve

Par Eric Maggiori, napoletano d’un soir
On était dans un bar napolitain pour Napoli-Juve

Hier soir, le Napoli et la Juventus ont offert un superbe spectacle (3-3) pour le match en retard de la 11ème journée de Serie A. Au lieu de prendre l’avion et d’aller assister au match au San Paolo, on est allé matter ça au Bambolina Caffè, à Paris, repère du Club Napoli Parigi « Paris San Gennar ». Ambiance chaude et authentique garantie.

Sur le planisphère de l’Europe, il est écrit que pour aller s’offrir un frisson au San Paolo de Naples, il faut parcourir quelques 1 291 kilomètres. En fait, c’est faux. En trois minutes, boum, vous voilà au Bambolina Caffè, sorte de monde parallèle dans lequel Naples se serait invité à Paris. Cela se passe rue Rougemont, dans le 9ème arrondissement. Et ce soir, la rue est plus bleue que rouge. Le Napoli reçoit la Juventus, le pire ennemi. En terme de classement, c’est le 8ème qui reçoit le leader. Et ça, ce n’est pas possible, pour tout tifoso napolitano. L’ambiance est plantée dès que l’on approche du Bambolina Caffè, privatisé pour l’occasion par le « Paris San Gennar », association des tifosi du Napoli dans la capitale française. A quelques mètres de l’établissement, on entend déjà les premières voix chantantes. Faille spatio-temporelle. Tout le monde parle italien, histoire de se plonger totalement dans l’atmosphère de ce match tant attendu. A l’entrée du bar, une petite pancarte a été placardée. Un dessin de E.T. avec un maillot de la Juve, et l’écriteau « Téléphone maison de Pairetto » . Spéciale dédicace au Calciopoli. A l’intérieur, il fait déjà chaud et les hiérarchies sont bien définies. Il y a les assis « qui ont réservé depuis deux semaines » , dixit le patron du bar, et ceux qui sont debout. Le match n’a pas encore commencé, mais Luca, l’accueillant président du Paris San Gennar, lance déjà les premiers chants : « Juve Juve Juve merda » . Besoin de Google Trad ? Il y a de tout. Des jeunes, des moins jeunes, des garçons, des filles, et même un petit garçon de 8 ans, tous habités par la même passion. Celle du Napoli.

« Mais qu’est-ce qu’il a fait, Hamsik ? »

Coup d’envoi. La tension devient électrique. Surtout lorsque Lavezzi, après à peine 30 secondes de jeu, tente une première frappe. Cela suffit pour que Luca, en bon chef d’orchestre, lance un « Chi non salta della Juve è, è » . Qui ne saute pas est de la Juve! Bon, bah, autant dire que tout le monde saute. L’organisation du bar est telle que c’est comme si deux virages se faisaient front. Entre les deux, deux écrans géants, dos à dos. Comme ça, lorsqu’une partie du bar lance un chant, l’autre peut répondre. Un mini San Paolo, vous disait-on. Et l’on ne croit pas si bien dire. A la 17ème minute, Pirlo fauche Lavezzi dans la surface. Pénalty. « Il faut l’exclure ! Il faut l’exclure » . Ça gueule, à droite. D’autres préfèrent rester muets jusqu’à la transformation. Hamsik s’élance. But. Le bar explose une première fois. Mais quelques uns comprennent vite. Monsieur Tagliavento ordonne que le pénalty soit retiré. Deuxième essai. Hamsik envoie un missile. Au-dessus. Luca s’emporte « Mais pourquoi il l’a fait retirer ? Ils sont tous rentrés dans la surface, même ceux de la Juve » . Bah ouais.

Mais la désillusion est de courte durée. Quelques minutes plus tard, Hamsik se fait pardonner en smashant de la tête un ballon qui traîne dans la surface. Cette fois-ci, personne n’annule. Et personne n’empêche nos amis napolitains de hurler et de se prendre dans les bras. Naples est patron du match. Les chants se succèdent. Chiellini en prend pour son grade. Il l’a bien mérité, avec sa tête toute écrasée. Hamsik et Lichtsteiner se fritent. Les deux prennent un jaune. « Mais qu’est-ce qu’il a fait, Hamsik ? » demande incrédule l’un des supporters. « Il a marqué ! » rétorque un autre. Jolie vanne. Un pote français de l’un des tifosi passait par là. « Je repars dans une minute » lance-t-il à son pote. « Attends la mi-temps, il va y avoir un autre goal » répond la copine du pote. Bien vu. Deux minutes avant la pause, Goran Pandev inscrit son premier but sous les couleurs azzurre, d’un joli tir croisé. Bon bah là, on se croirait totalement en Curva. Et que ça chante, et que ça se congratule. Le Napoli est en train de rééditer la prestation de l’an dernier. Alors, 3-0, encore ?

Trois baffes et une douche froide

A la pause, pendant que tout le monde prend l’air ou fume sa petite clope, certains préfèrent rester prudents : « Attention, en deuxième mi-temps, nous allons être fatigués, espérons que l’on ne va pas s’écrouler » . Ça recommence. Et cela ne manque pas. Après seulement trois minutes, Matri réduit l’écart, profitant de la première erreur de placement de la défense napolitaine. 2-1. Ah. Là, ça jette un froid. Mais pas pour longtemps. Luca relance la machine. « Non mollare raggazzi » . Ne lâchez rien. Tout le monde reprend en chœur. Une véritable union sacrée, même à plus de 1 000 bornes de distance. Pendant quelques minutes, la Juve domine et Naples souffre. Mais c’est souvent dans la souffrance que les joueurs de Mazzarri savent se transcender. Et encore une fois, c’est le cas. Pandev rate une passe. « Pandev, tu es un scandale » lui hurle un type au fond. Une minute plus tard, le Macédonien réussit l’enchaînement parfait : contrôle, jongle et reprise du gauche. Buffon est battu. 3-1. De scandaleux, à merveilleux. On joue la 68ème minute et ce coup-ci, tout le monde en est convaincu : Naples a fait le plus dur. « Encore trois baffes à la Juve, trois baffes » . C’est l’euphorie. On chante à la gloire des Partenopei. Mais l’extase est brisée à son apogée.

Estigarribia redonne en effet espoir à la Juve, toujours de ce même côté droit de la défense du Napoli. Lichtsteiner, quant à lui, échappe par trois fois à un deuxième carton jaune, ce qui a le don d’énerver tout le Bambolina Caffè. Surtout Luca, d’ailleurs, qui se lève de sa chaise, furax. A dix minutes du terme, douche froide. Pepe traverse la moitié du terrain, s’offre un une-deux bienheureux avec le défenseur napolitain Fernandez, et trompe De Sanctis. 3-3. C’est dur. Des mains se passent dans les cheveux. D’autres préfèrent fixer l’écran. Des nouveaux chants d’encouragement repartent. Le cœur y est toujours : les Napolitains ont appris à y croire jusqu’au bout. Même si la Juve continue d’attaquer. Le chrono tourne. On entre dans le « Mazzarri Time » , si cher à Edinson Cavani. Mais ce coup-ci, l’Uruguayen n’est pas là. Pas de dernier frisson. Le match se termine sur le score de 3-3. Direction la sortie, pour refaire immédiatement le match. Il y a évidemment de la déception, de la colère pour des décisions arbitrales discutables, mais aussi de la fierté. Oui, ce Napoli-là a une âme et un énorme cœur, et tout ce microcosme réuni devant le Bambolina Caffè en est conscient. Non, ce soir, leur équipe n’a pas gagné. Mais elle leur a donné, comme toujours, de l’adrénaline et du plaisir. Le mot de la fin revient à Giorgio, installé en France depuis deux ans. « Tu sais quoi ? Je ne suis même pas en colère. Pourquoi ? Parce qu’on est très, très forts » . Voilà qui devait être dit.

La vidéo de la soirée :

Le Club Napoli Parigi « Paris San Gennar » a été créé l’année dernière lorsque cinq personnes sur un forum (dont Luca, Donatella et Sabatino) décident de se rencontrer à Paris pour suivre leur équipe de cœur. Leur idée : devenir un point de diffusion de la « napoletanité » afin de faire connaître mieux Naples, sa culture, ses habitants tout en essayant de faire tomber les clichés sur la ville. Le groupe, devenu association, se retrouve désormais au Bambolina Caffè pour chaque match du Napoli.

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