- Mondial 2022
- Quarts
- Maroc-Portugal (1-0)
On était avec les fans du Maroc à Doha après Maroc-Portugal
Après la qualification historique du Maroc pour les demi-finales du Mondial 2022, on a accompagné les supporters des Lions de l’Atlas jusque dans le centre de Doha, au souq Waqif, pour les voir communier avec le reste du monde arabe.
Une foule qui s’embrasse, des journalistes qui lèvent les bras au ciel et qui n’en croient pas leurs yeux : le Maroc sera bien à l’affiche des demi-finales de la Coupe du monde 2022. Une première dans l’histoire pour un pays africain, et donc une nouvelle pierre de premier choix posée sur l’édifice de cette campagne 2022 d’ores et déjà légendaire. Pour les joueurs, pour Walid Regragui, mais aussi pour l’ensemble du peuple marocain. En particulier pour la frange, nombreuse et bruyante, qui était présente à Doha.
« L’équipe nationale ne nous a jamais autant donné d’émotions que pendant cette Coupe du monde »
En quittant le stade Al Thumama en direction du bus qui fait la jonction entre l’enceinte et le métro Free Zone, Khalid, qui agite fièrement son drapeau marocain, donne rendez-vous : « Là, on part tous dans deux directions : soit vers Mshreib pour voir le match des Bleus, soit vers le souq Waqif pour faire la fête ! » Mshreib étant « le nouvel écoquartier futuriste branché » de la capitale qatarie, autant passer par le souq d’abord qui se trouve à dix minutes à pied. Mais avant, il y a donc une vingtaine de minutes de bus et autant en métro à s’enfiler. Dans l’autocar, Said n’arrive pas à décrocher ce sourire qui remonte jusqu’à ses lobes. Ce quinquagénaire aux yeux bleus a pris ce samedi matin l’un des sept avions affrétés spécialement par le gouvernement marocain pour garnir le contingent de supporters des Lions de l’Atlas face au Portugal. Il est 22h15 heure locale, son vol retour pour le Maroc décolle à 2h du matin. Mais pour vivre ces émotions-là, cela valait le coup : « L’équipe nationale ne nous a jamais autant donné d’émotions que pendant cette Coupe du monde, avance t-il. Ce qui est magnifique, c’est que l’on peut voir que tous les pays africains, arabes et maghrébins sont derrière le Maroc aujourd’hui. Maintenant, j’espère que l’on ne va pas affronter la France en demies, car Mbappé et Dembélé me font peur… » Au bout du chemin, il ne fait aucun doute que le voyage en métro de quelques arrêts sera épique.
À l’intérieur de la station, les supporters marocains chantent et capturent avec leurs téléphones des scènes qu’ils regarderont encore dans 30 ans. Dans la rame, certains jouent du tambourin, d’autres escaladent ce qu’ils peuvent pour figurer sur les vidéos souvenirs. Reda, tout de rouge vêtu, commente en bon observateur : « Les gars que tu vois là, ce sont plein d’ultras des grands clubs du pays comme le Raja, le Wydad… Ils sont venus pousser la sélection ! » Déjà présent face à l’Espagne, Reda était à Al Janoub ce matin à 10h pour récupérer l’un des 5000 billets réservés par la Fédération afin que le stade Al Thumama rugisse pour l’équipe nationale maghrébine. Comme Saïd, il doit repartir à 2h du matin à cause du travail. Mais il hésite : « On vit un moment historique, ça m’embête de partir maintenant… En plus, on est les ambassadeurs du monde arabe, ainsi que de toute l’Afrique ! Notre parcours, d’une certaine manière, légitime le nombre de places plus important qui sera octroyé au continent africain lors du prochain Mondial à 48 ! »
Les Bleus dans les yeux
Sur les coups de 23h, Aurélien Tchouaméni a mis les Bleus sur les bons rails, mais au souq Waqif, ce n’est pas vraiment ce qui intéresse la masse. Sauf Reda, qui glisse avant de s’engouffrer dans une artère parallèle : « Ce qui m’inquiète, c’est qu’on perd à chaque match des titulaires sur blessure. Ce soir, c’est Saïss, la dernière fois c’était Aguerd… Si on joue face à la France, j’ai peur de ce que va nous faire Mbappé. » Pour les autres, c’est le vent de fraîcheur qui souffle sur le marché historique de la ville qui accapare l’attention. Comme depuis le début de la compétition, Marocains, Algériens, Pakistanais ou encore Libyens se mélangent, chantent ensemble et font des photos pour célébrer « leur Coupe du monde » , la première dans un pays arabe et musulman. Reconnaissables en partie grâce à leur thobe blanche, les Qataris prennent aussi parfois part à ces démonstrations de joie quand ils n’impressionnent pas l’auditoire avec un faucon posté sur l’avant-bras. Eux sont conscients qu’ils ont réussi une partie de leur pari, à savoir servir de point de ralliement culturel entre des peuples qui ne se connaissent pas vraiment, et l’inattendu parcours du Maroc couplé aux bonnes performances de la Tunisie au premier tour – ainsi qu’à l’exploit de l’Arabie saoudite face à l’Argentine d’entrée – ne fait que renforcer cette certitude.
Devant l’un des food-trucks proposant des sandwichs falafel ou poulet shawarma à trois euros, installés à l’extrémité du souq, deux vieux Marocains regardent, par-dessus l’épaule du client qui se tient devant eux, Harry Kane prendre à contre-pied Hugo Lloris. « Nous, on veut affronter la France au tour suivant, clament-ils. Parce que nos deux peuples sont amis ! » En quittant la place, un fan des Lions de l’Atlas tente de nous glisser un petit pont avec un ballon mal gonflé. Il échoue, puis dans un sourire, tente de se justifier malgré le concert de klaxons et d’enceintes portables crachant l’air de l’hymne de la Coupe du monde de Gims remixée. En vain. Le temps passe, la fête bat son plein, et le but de Giroud n’y change rien. Le penalty raté de Kane non plus : ce sera bel et bien Maroc-France pour une place en finale. Karim, qui suivait sur son téléphone l’issue du penalty d’un œil, veut y croire : « On n’a pas pris de but face à la Belgique, la Croatie, l’Espagne et le Portugal : on peut le faire aussi face aux Bleus ! » Une chose est sûre : mercredi, sur les coups de 22h et quoi qu’il advienne, le stade Al Bayt chantera à la gloire des Lions de l’Atlas.
Par Andrea Chazy, à Doha
Tous propos recueillis par AC