- C1
- Finale
- Livepool-Real Madrid (0-1)
On était avec les fans de Liverpool dans Paris
Près de 40 000 supporters de Liverpool s’étaient réunis, ce samedi, dans une fan zone installée sur le cours de Vincennes dans le 12e arrondissement de Paris pour suivre la finale de la Ligue des champions. Récit d’une soirée qui a tourné au vinaigre pour ces fans des Reds après la défaite de leur équipe contre le Real Madrid (0-1).
Ils espéraient tous qu’une septième fois, Liverpool allait mettre la main sur la C1. Malheureusement, la soirée de rêve n’est jamais arrivée. Pire, ce n’est pas seulement le souvenir d’une désillusion sportive que garderont ces fans des Reds de leur déplacement dans la Ville Lumière. Pour certains, ce sera même celui d’un cauchemar sans fin. Alors que la majorité des supporters spoliés par un Madrid plus que réaliste regagnent les bouches de métro sur les coups de minuit, les esprits s’échauffent. À cran après des jets de bouteilles de la part de fans, les CRS en viennent même à matraquer des Anglais sur une terrasse du quartier. Un épisode qui symbolise la défaillance des autorités pour organiser cette finale.
Chants, alcool et pralines
Et dire que tout avait bien commencé dans l’après-midi. Dès 15 heures, la marée rouge déferle déjà sur la fan zone dans une atmosphère festive et non sans une certaine confiance. « We’re running round Paris with the cup [Nous allons faire le tour de Paris avec la coupe] », entonnent des groupes de supporters dans les rues voisines. Une mélodie bien connue des visiteurs d’Anfield depuis quelques semaines. « Vous ne voyez pas ça avec le PSG ! Il n’y a que Liverpool qui peut faire se déplacer autant de monde, chambre Sanjay qui a fait seize heures de route pour voir la finale à Paris avec ses frères. Chez nous, certains sont d’Edimbourg, d’autres de Liverpool, d’autres encore d’ailleurs. On débarque des quatre coins du Royaume. » Le spectacle est bon enfant place de la Nation. Du rouge partout, jusque sur la statue. Autour, les fans s’amusent à envoyer de grandes savates dans des ballons et à les voir retomber au milieu de la foule à quelques mètres de là. Certains se font même shooter dans leurs bières dont ils laissent les cadavres au sol. L’endroit en est d’ailleurs jonché, ce qui ne ravit pas les agents d’entretien qui peinent à les ramasser.
Tandis que la sécurité met fin aux espoirs de certains soiffards en rappelant que « la vente d’alcool, c’est Macron qui ne veut pas », d’autres rechargent leurs glacières de munitions achetées en amont… pour mieux les oublier plus tard. Une aubaine pour Ross qui fait justement le tour de la place à la recherche d’un houblon devenu denrée rare. « Je suis peu inquiet parce qu’ils ont remonté toutes les situations jusqu’ici, commente-t-il en décapsulant la bière qu’il vient de voler. Benzema va forcément nous en mettre un, mais on va gagner 3-1 ». Plus loin, on se chauffe la voix à coups de « Allez, Allez, Allez » et « Oh When the Reds Go Marching In ». Quand un feu de Bengale aux couleurs d’Everton est craqué au milieu des fumées rouges, les vice-champions d’Angleterre s’arrêtent, constatent et demandent en chœur « What the fuck, What the fuck, What the fuck is going on ? » avant de repartir de plus belle. Dans la fan zone, les mêmes huées se font entendre quand le visage de l’ancien coach des Toffees Carlo Ancelotti apparaît sur l’un des trois écrans du cours de Vincennes. Tout le monde est prêt au moment où le « You’ll Never Walk Alone » retentit. Mais la pression des voisins de derrière qui tentent de se faufiler et les retards successifs du coup d’envoi ont raison de la patience des supporters.
Typical Madrid
Lorsque le match démarre enfin, la pression stérile mise par les hommes de Jürgen Klopp sur la cage madrilène tracasse les Reds de Nation. « On connaît la chanson. Avec le Real, il en suffit d’une », entend-on dans la fan zone. Alors, forcément, le but refusé à Benzema après plusieurs minutes d’incompréhension est célébré comme si Liverpool avait ouvert le score. À la pause, les litres descendus toute la journée se font sentir, que ce soit aux toilettes où l’on se presse pour se soulager dans la cohue, ou devant les stands de hot-dog. « Bonjour, sausage ! I’m fucking starving [Bonjour, saucisse ! Je crève la dalle ] », beugle même un Anglais à une serveuse débordée, avant de la presser pour ne pas manquer la reprise.
Les supporters assistent ensuite impuissants au but de Vinicius Junior. Trop tendus – ou bourrés – pour chanter hormis pour l’entrée de Firmino, les lads râlent sur chaque coup de sifflet de Clément Turpin, fulminent à chaque occasion et défoncent des gobelets de rage à chaque parade de Thibaut Courtois. Celle de la 81e minute devant Salah est celle de trop. La mine déconfite, certains quittent déjà les lieux malgré les « Stay » impératifs d’autres fans prêts à en découdre. Dégoûtés, les Reds fuient finalement comme un seul homme dès la fin de la partie, et les derniers fumigènes sont craqués dans une ambiance lourde. « Je ne suis pas déçu, je suis en colère. Je l’aime, mais Mané a été absent, alors qu’on croyait en lui… La meilleure équipe perd ce soir, résume David qui est venu d’Irlande spécialement pour le match. Honnêtement, je ne sais pas trop quel bilan tirer de cette saison… Ok deux coupes gagnées aux penaltys, mais ça reste frustrant. » Il sera interrompu par le chaos qui s’empare de la place de la Nation pendant que le Real célèbre sa Decimocuarta sur les écrans. Qu’il se fasse en voiture, en avion ou en Eurostar, le retour sur les bords de la Mersey aura un goût amer.
Par Gabriel Joly, à Paris
Tous propos recueillis GJ. Photos : GJ/Icon Sport.