- Cameroun
- 70 ans de Roger Milla
On était aux 70 ans de Roger Milla
À l’occasion du 70e anniversaire de Roger Milla, un match de gala a été organisé en son honneur, au stade omnisports d’Ahmadou Ahidjo de Yaoundé. Cette rencontre opposait d’anciens Lions indomptables à une sélection d’anciennes gloires africaines venues du continent entier. Retour sur cette journée riche en émotions.
Le 20 mai 2022 est une date sacrée au Cameroun. C’est le jour où le pays fête le 50e anniversaire de la République. Mais c’est aussi pour les Camerounais l’occasion de célébrer les 70 printemps de Roger Milla, l’homme que l’on surnomme ici « le meilleur joueur du siècle dernier ». Il est 14 heures dans le quartier de Mfandena et le fair-play, un bar situé devant le stade, est déjà plein. « C’est prévu pour 15h, mais à ta place, je n’irais pas trop vite », prévient Stéphanie, la stadière, en terminant son « booster », une boisson interminable mélangeant gin et tonic. D’ailleurs, malgré l’horaire et l’orage qui s’annonce, l’établissement accueille un véritable melting-pot d’officiels, de policiers, de stadiers et de locaux, tous occupés à siroter des Smirnoff Ice ou des 33 Export, en enchaînant des brochettes de bœuf, de rognons et de gros escargots.
Des selfies, des stars et des coups de pression
L’heure sonne finalement. La foule investit les tribunes. Au milieu de la cohue, quelques petits malins profitent de l’entrée d’un van noir, dans le parking de l’enceinte, pour se faufiler à des places plus intéressantes. Tandis que sur la pelouse, le speaker commence à chauffer l’assistance, dans les vestiaires, le légendaire Rigobert Song distribue les dernières consignes. « Ehhhh grand coach, j’espère que tu as choisi les meilleurs ! », balance un invité, tout en prenant des selfies avec qui a le malheur de passer devant lui. En même temps, la tentation est forte, car la crème du football camerounais est de sortie : Pierre Womé, Joseph-Antoine Bell, Stéphane Mbia, Jean II Makoun, Samuel Eto’o… L’équipe adverse n’a pas à rougir, non plus : El-Hadji Diouf, Khalilou Fadiga, Trésor LuaLua et, entre autres, le triple champion du monde de kung-fu Dominique Martin Saatenang. Tous ont fait l’effort de venir célébrer la légende des Coupes du monde 1990 et 1994.
L’écran géant du stade retrace les plus beaux moments de la carrière de l’emblématique numéro 9. Ses buts d’anthologie, ses pas de makossa endiablés et son imperméable sourire lumineux… « C’est un grand jour de fête, Son Excellence nous régale, une fois de plus ! », s’exclament des officiels. Son Excellence, un autre des surnoms de Roger, depuis qu’il est devenu ambassadeur itinérant du football camerounais dans le monde. Le match va bientôt commencer, et chaque entrée de joueur sur la pelouse suscite un tonnerre d’applaudissements. Mention spéciale à Samuel Eto’o, « le commandant du Cameroun », qui est cependant resté particulièrement discret pour ne pas voler la vedette à son illustre aîné. Le format de la partie est on ne peut plus particulier : trois périodes de trente minutes chacune, avec une pause à chaque fois pour des animations de qualité. La partie débute, et le speaker annonce la couleur aux filous venus se placer trop près de la pelouse : « On vous a préparé un grand show, quittez le terrain, sinon la sécurité va s’occuper de vous. »
Kung-Fu Panda, des unijambistes et des adieux
Achile Emana ouvre les hostilités grâce à un combo accélération à 2 km/h suivi d’un ballon piqué devant le gardien qui fait vrombir la ville aux sept collines. Le public est cependant moins tolérant avec Saatenang, quand ce dernier rate un contrôle : « Depuis quand Kung-Fu Panda tape dans un ballon ? », lâche un gamin hilare, faux maillot du Real sur les épaules. La fin du premier tiers-temps pointe le bout de son nez et alors que des danseurs enchaînent des chorégraphies Michael Jacksonesques, le public se régale d’une première opposition entre unijambistes qui montrent leurs skills malgré leurs béquilles. La seconde période s’ouvre grâce à un but de la pépite du football féminin camerounais, Ajara Nchout. La chouchoute du stade omnisports enchaîne les dribbles et autres feintes qui font lever l’assemblée. Des actions qui plaisent moyennement au chef des bénévoles, qui enchaîne les remontrances à son équipe, un poil dissipée : « Vous êtes ici pour travailler, pas pour regarder le match, alors concentrez-vous ! »
Le deuxième tiers-temps pointe le bout de son nez et un autre spectacle prend place sur le terrain. Après les unijambistes, c’est au tour de personnes de petites tailles de s’affronter pendant dix minutes. Des trombes d’eau s’abattent sur Yaoundé, mais le moment crucial arrive : la 70e minute. C’est l’heure pour le Big Roger d’entrer dans la partie. L’instant est tellement solennel que tous les protagonistes de la partie s’arrêtent afin de laisser la légende inscrire son but. Il l’assure, ce sera son dernier. « C’est la dernière fois que je chausse les crampons. Merci à tous, du fond du cœur pour votre amour et votre soutien », annonce un Milla ému jusqu’aux larmes. La rencontre ne reprendra pas, mais cela n’a pas d’importance, le public est ivre de bonheur et s’amasse vers les vestiaires à l’affût de photos. Une organisatrice se plaint du manque de tact de certains : « Faites sortir tout le monde, si on fait des exceptions, est-ce qu’on va s’en sortir ? » La réponse est non. Mais, est-ce que cela importe ? Non plus.
Par Gad Messika, à Yaoundé
Photos : GM et Iconsport.