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On était aux 60 ans du CA Ribéracois
Ce week-end, le club de la petite commune de Ribérac, en Dordogne, et futur participant du Vrai Foot Day en octobre prochain, fêtait en apothéose son soixantième anniversaire, au bien nommé stade Jean-Pierre Escalettes. L’ancien président de la FFF était de la partie, la chaleur humaine du Sud-Ouest aussi.
Une fois entré dans le bourg après avoir sillonné les départementales périgourdines, c’est vers le terrain de rugby que la signalisation « stade municipal » vous guide. Ici à Ribérac, bourgade de 4000 âmes, la concurrence de l’ovalie est évidemment féroce. Autant dire que voir le club de football du coin fêter sa sixième décennie d’existence, ce samedi 15 juin, est tout sauf anecdotique : le CAR Football (à prononcer « C.A.R. » comme un sigle), pour Club Athlétique Ribéracois, est un sacré morceau d’histoire et de passion que tout le monde est d’accord pour inscrire en tant que définition de convivialité. Et comme la moitié de siècle n’avait pas été fêtée dignement, c’est le moment de se rattraper : tout le monde ou presque a son tee-shirt collector.
« Des troisièmes mi-temps homériques »
Mais ce qui rend cette journée encore plus spéciale, c’est la venue de l’idole Jean-Pierre Ecalettes, qui a joué, entraîné et entamé sa carrière de dirigeant à Ribérac au début des années 1960 avant d’amorcer son ascension vers les cimes du foot français. Voilà neuf ans que le Biterrois de naissance, mais Bordelais de cœur n’a plus mis les pieds dans sa cité d’adoption. La dernière fois, c’était le 2 mai 2010, date à laquelle on a donné son nom au stade, juste au pied du collège-lycée dans lequel il a passé une vingtaine d’années, lui le professeur d’anglais de profession, et où il a aidé à créer une section foot-études ( « l’une des premières en France » ) lorsqu’il dirigeait le district du 24. À son arrivée discrète avec sa femme en fin de matinée, celui qui a cessé ses activités après le cauchemar sud-africain enchaîne les bises amicales de retrouvailles, pendant que la sono passe d’Indochine à Kaaris en toute décomplexion. « Je viens ici tous les dix ans… La prochaine fois, ça va être dur, sourit l’homme de 84 ans. J’ai énormément de souvenirs marquants avec ce club. Certains matchs, certaines troisièmes mi-temps homériques… On retrouve les copains 40 ans après, changés, mais toujours avec la même énergie et le même amour du foot. »
Au moment des discours, juste avant de commencer à lever le coude, le président de la communauté de communes Didier Bazinet se remémore avec nostalgie « la Renault 16 blanche » de JPE, qui fut en même temps son prof et son coach, comme beaucoup de gamins de l’époque (certains élèves ont même joué à ses côtés). L’intéressé rend hommage à « Jojo » , le regretté Georges Belotto, qui gérait l’auto-école du village et était aux tout débuts du club. La co-présidente Maria Baptista écrase elle une larme au moment de rendre hommage à Bernadette Bart, « la mémoire du club » et héroïne de la journée que beaucoup appellent encore « Madame Bart » . Présente au CAR pendant 38 ans du temps où le café Le Français qu’elle tenait avec son mari faisait office de siège social du club, l’ex-trésorière a tenu à se retrousser les manches pour remettre le nez dans les archives, histoire que la fête soit plus belle. « J’ai recherché tous les anciens du club, j’ai dû envoyer plus de 620 courriers d’invitation à l’anniversaire ! » Tous n’ont pas pu répondre présent, mais ça en jette.
Bernadette ne s’est pas arrêtée là : c’est en grande partie elle qui a permis de mettre sur pied spécialement pour l’occasion la petite exposition retraçant les exploits du club jaune et vert (les couleurs de la ville) depuis 1959 : l’occasion de découvrir, notamment, qu’une équipe féminine était apparue dès l’aube des années 1980. Les faits d’armes les plus marquants sont récents, avec un cinquième tour de Coupe de France (le plus important car synonyme de jeu de maillots offert), atteint à trois reprises depuis le début du nouveau millénaire. Dont une fois face à Trélissac, club phare du département alors en CFA, à la maison en 2014. « Il n’y avait que 2-0 à la mi-temps, se souvient Florian, défenseur central de l’équipe. Finalement, on en a pris 8… »
Bouclier de Dordogne et Ultramarines
Aujourd’hui, l’équipe fanion stagne en première division départementale. « On est un peu les Poulidor du district, se marre Anthony, l’arrière gauche et community manager du CAR. On loupe tous les ans la montée en Régional, cette saison ça s’est joué à un point. Mais en futsal, on est allés en demies de la Coupe de Dordogne ! » En réalité, c’est plutôt sur un autre terrain que le CAR brille : « Ça fait deux ans qu’on remporte le Dordogne Football Clash, rappelle fièrement Anthony. C’est une coupe départementale des réseaux sociaux, on affrontait un club tous les jours et il fallait récolter le plus de likes, donc on a mobilisé tout le monde. Le club n’en a pas dormi, ça s’est joué dans les dernières secondes, on a limite dû relancer des ex ! » Résultat, le bouclier de la victoire trône sur la petite estrade aménagée.
L’après-midi est déjà bien entamée lorsque les joueurs de l’équipe actuelle se mettent à table et commencent à faire travailler les cordes vocales. Les chants de vestiaire sont sophistiqués puisque plusieurs éléments ont fait ou font encore partie des Ultramarines (nous sommes à 1h30 au nord-est de Bordeaux), même si beaucoup ici ont préféré supporter une autre écurie située dans les Bouches-du-Rhône. Un ambitieux « Avec nous Escalettes ! » se fait même entendre. Sans succès : l’octogénaire est bien trop occupé à taper la causette avec de vieux camarades. « En 1958, j’ai été muté ici, je ne savais pas placer Ribérac sur une carte ; j’ignorais que j’y vivrais 25 ans et que mes enfants y naîtraient, j’ai une part de mes racines ici » , confesse-t-il entre un gros gâteau coupé et distribué, et le coup d’envoi d’un match des anciens donné (sur demi-terrain, il ne faut pas déconner).
Escalettes prend aussi le temps de mesurer le chemin parcouru : « Ce parcours, c’est une question de hasard, d’opportunités. J’en suis fier, même si ça s’est très très mal terminé en 2010. Je n’en ai jamais parlé et je pense que je n’en parlerai jamais, je ne suis pas là pour faire du mal à l’institution, et bravo à ceux qui ont pris les rênes. Mais ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est de me dire qu’un secrétaire d’un petit club du fin fond de la Dordogne puisse un jour devenir président de la Fédé : il y a une voie démocratique. » « Lolette » , champion de Dordogne en cadets avec Ribérac au milieu des années 1970, se souvient lui d’un joueur « très respecté et très aimé, qui ne lâchait pas le morceau sur le terrain, à la Luis Fernandez » , et d’ « un dirigeant formidable » .
Ventriglisse, coupe buvette et Trois Cafés Gourmands
Sur la pelouse en herbe, l’activité ventriglisse fait fureur, et pas que chez les plus petits : David, qui joue avec l’équipe première et dirige aussi les jeunes, enchaîne les lignes droites de glissade avec ses U13 avant d’évoquer son club chéri : « Il y a quelques années, on était dans la mouise, le club payait certains joueurs. Mais ensuite les joueurs ont aidé financièrement et aujourd’hui ça va mieux, plus personne n’est payé et l’ambiance est super. Ce n’est pas à Trélissac ou Bergerac que tu verras ça, là-bas les joueurs prennent leurs primes et se cassent à la fin du match. Une atmosphère comme ça, tu ne vois ça qu’en district. » En parlant d’ambiance, on entre dans le vif du sujet : la banda Les Bleuets, venue de Saint-Pierre-d’Eyraud (aucun lien avec Jacques-Henri, a priori) fait son apparition pour lancer pour de bon les festivités de la soirée.
Au milieu de la petite foule qui se masse par centaines de personnes pour enregistrer l’affluence record du lieu, un bon nombre de survêtements jaune et noir : depuis un an, on a officialisé une belle amitié avec l’USAB d’Annesse-et-Beaulieu, et une petite trentaine de représentants du club voisin a réservé ses couverts. Cela offre des chants fraternels plutôt sympas : « Le CAR ! L’USAB ! Allez allez, ce soir on va tout casser ! » Une semaine avant, les deux équipes faisaient déjà la bringue ensemble, comme l’explique Anthony : « L’USAB organisait un tournoi de sixte et on a remporté la coupe buvette. À la fin de la journée, je crois qu’on était à plus de 245 bières descendues. »
Amour entre Ribéracois et Annessois, toujours : pendant que la fanfare s’offre une pause fraîcheur avant d’aller réveiller les tables investies par les plus anciens, l’animation musicale est notamment assurée par « Francky » , qui n’est autre qu’un ancien coach d’Annesse-et-Beaulieu. Ce dernier commence son court set par la magnifique ballade basque « Hegoak » . Dans le club-house, beaucoup gardent un œil sur la finale de Top 14 qui sacrera finalement Toulouse. Puis, une fois que tout le monde est plongé dans l’obscurité, vient l’apogée de la nuit périgourdine : Anthony et consorts craquent quatre ou cinq fumigènes, au moment où les cuivres reprennent du service. Un tableau exquis dans lequel Escalettes, pour qui la soirée est terminée, slalome entre les étincelles pour se frayer un chemin, et qui offre plusieurs minutes de transe collective. La beuverie se prolonge jusqu’à l’aube ; l’une des dernières images marquantes de la célébration étant le léger écroulement du chapiteau de la scène à cause d’un pogo lancé sur le tube de Trois Cafés Gourmands chanté a cappella – et avec brio – par la mascotte de l’équipe Clément, dit « Chabaye » . Le signe évident d’une soirée réussie.
Par Jérémie Baron, à Ribérac (Dordogne)
Tous propos recueillis par JB
Photos : JB
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