On était au Vicente Calderon

Les Madrilènes du sud ont leur équipe : l’Atletico. Le club –l’un des plus médiatisés d’Espagne– a une réputation de club populaire et familial. Pourtant, sous ses airs de foire à la saucisse, d’ambiance “bon enfant”, et de public familial, le stade Vicente-Calderón hier soir, c’était peut-être le stade le plus con d’Europe.

Premier exemple. À la 64ème minute, reprochant à Manolo Lama, commentateur pour la radio Cadena Ser, de chanter un peu trop fort le troisième but du Real, les rangées devant la tribune de presse se retournent et lui balancent tout un tas de projectiles dans le visage. Pas besoin de hools. Ici, les projectiles, ce sont les gamins et les pères de famille qui les lancent.

Une minute plus tard, c’est Manuel Pelligrini lui-même qui est victime d’une pierre qu’il reçoit à deux centimètres de l’œil droit. Personne ne dit rien et personne ne se plaint. De toute façon, personne n’a rien vu. Quand on demande des explications au service d’ordre, on nous ordonne de ne pas filmer sous peine d’expulsion de stade.

Au bord de la pelouse, cannettes de bière, briquets et bouteilles en verre. Pas le droit de se retourner, ni de regarder le public. C’est que l’Atletico est mené 3-0, c’est donc de la faute des journalistes. Nous, on aimerait bien que nos petits articles, nos petits reportages et nos petites interviews aient la répercussion qu’on leur prête, mais jusqu’à preuve du contraire, aucun article n’a créé aucune défense en carton ou autres attaquants en plastique. C’est même plutôt l’inverse qui est vrai.

Les socios sont mécontents. Très bien, alors donnons-leur la parole. En 1992, le propriétaire du club propose d’ouvrir le capital aux supporters. 85% des socios n’adhèrent pas au projet et se marrent. En 2005, sous la pression des ultras, excédés par la direction, cette dernière propose une action pour chaque renouvellement d’abonnement. Résultat : plus de la moitié des socios préfèrent toucher les 8,5€ (soit la valeur d’une action) plutôt que d’avoir le droit de vote et la possibilité de peser dans les décisions du club qu’ils supportent. C’est à n’y rien comprendre.

Atletico, l’effroyable imposture ?

L’Atletico a été victime de propriétaires véreux, de médias parfois trop proches du pouvoir (Real et Barça, ndrl) et de sanctions discutables. Mais c’était il y a longtemps et l’Atletico, c’est quand même le troisième palmarès et la troisième afición du royaume derrière les deux géants. Pas mal pour un persécuté.

Côté foot le Real déroule en première mi-temps devant une équipe rouge et blanche qui a peur de son propre stade. A 0-3 au bout d’une heure, certains s’en vont, les autres insultent joueurs et journalistes. Quand à la 79ème, Agüero marque le deuxième but de l’atleti (2-3), le stade vibre et aime à nouveau ses joueurs. Mais le match s’arrête sur un miracle de San Iker et quelques bagarres dans le kop. La police intervient à peine.

En Espagne, le Vicente-Calderón n’est sans doute pas le stade le plus chaud, le plus violent ou le plus intelligent. D’ailleurs ce n’est pas ce qu’on lui demande. On se dit juste que si les Colchoneros sont 18èmes du championnat après 10 journées, éliminés de la Champions et en sont déjà à leur deuxième entraîneur de la saison, ce n’est peut-être pas vraiment la théorie du complot ou de la malchance qu’il faut invoquer.