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On était au stage UNFP
Une bonne vingtaine de joueurs au chômage participe cet été au stage UNFP. On est allé les rencontrer à la pause déjeuner, il y a quelques jours, dans leur QG temporaire de l’Essonne. Pour info, il est prévu qu’ils défilent aujourd’hui en match amical contre Clermont (L2).
Une fois le repas de midi avalé, une bande de footballeurs en short-claquettes déambule dans un hôtel de la région parisienne. Quelques-uns ont goûté à la Ligue 1, mais la majorité provient de Ligue 2, voire de National ou de CFA. Ces vingt-sept joueurs ont un gros souci en commun : tous pointent au chômage. Jérémie Bréchet, Valéry Mézague, Yves Deroff, Grégory Vignal, Rudy Riou et leurs autres camarades « libres de tout contrat » , comme on dit pudiquement, participent donc au stage que l’UNFP (Union nationale des footballeurs professionnels) réserve aux chômeurs du 25 juin au 5 août. Au fait, pourquoi si peu de joueurs estampillés L1 ? « Ils se disent peut-être qu’il ne vaut mieux pas se montrer à l’UNFP, que ce n’est pas bien vu » , suppose Valéry Mézague, vingt-huit ans, autrefois milieu offensif de Montpellier, passé par Vannes (L2) et la D1 grecque.
« Pétaouchnok, l’Azerbaïdjan, la Grèce »
Au lieu de rester seul dans son coin, l’international camerounais a choisi de s’inscrire au stage UNFP. Le bon plan, selon lui, pour convaincre un employeur d’ici le 31 août. En attendant la fin du mercato, le voilà donc dans le centre de remise en forme choisi par l’UNFP, à Lisses (Essonne), commune pavillonnaire de 7 000 habitants. Parmi les stagiaires, à trente-deux ans, son ancien coéquipier sochalien Jérémie Bréchet possède la carte de visite la plus fournie. En fin de contrat à Sochaux, l’ancien défenseur de Lyon, de l’Inter ou du PSV Eindhoven espère rebondir le plus haut possible. « Mais là, franchement, mes objectifs varieront en fonction des clubs qui me demanderont. Et pour l’instant, la demande, elle n’est pas trop là. J’ai refusé des destinations exotiques : Pétaouchnok, l’Azerbaïdjan, la Grèce, j’sais pas où, même si c’est bien payé, tout en net… » , confiait-il la semaine dernière.
L’Azerbaïdjan ? Explications de Bréchet : « Plusieurs agents m’ont contacté. Ils prennent la liste des joueurs libres et cherchent à savoir où ils peuvent nous transférer pour toucher des commissions. Nous, les joueurs, on devient du bétail. Bon, là, on est au début de la période des transferts, c’est sûr que fin août, si je n’ai rien, je prendrai plus ou moins ce qu’il y aura, je n’ai pas trop les cartes en main. À un moment donné, il faut savoir faire la part des choses. Les gens qui attendent trop longtemps restent parfois six mois ou un an sans jouer. » Et c’est long, très long, surtout quand le stage s’achève et qu’il faut s’entraîner en solitaire.
La sélection olympique de Libye en visite
Même constat pour les autres garçons présents dans le salon de l’hôtel. « Ah, toi aussi, t’as eu une proposition pour l’Azerbaïdjan ? Allez, viens, on y va à deux » , blague Rudy Carlier, vingt-six printemps, attaquant formé à Strasbourg et passé par Rouen (National). Lui non plus n’entend pas s’éterniser à Lisses, en ces lieux au demeurant fort agréables. Et dire que personne ne profite du baby-foot ! À Lisses, le centre de remise en forme possède la totale. Balnéo, salle de soins, plusieurs pelouses attenantes… Ces derniers jours, la sélection olympique de Libye – non qualifiée pour les JO 2012 – a également choisi de s’y établir, à l’occasion d’un stage ponctué par une défaite 1-0, dimanche, en match amical face au FC Metz. D’un coup, on comprend mieux la présence du logo de la Fédération libyenne de football, collé sur la porte de l’établissement.
L’UNFP donc. Le syndicat français des footballeurs a commencé à organiser et à financer des stages pour ses adhérents au chômage lors de l’année 1990. L’expérience perdure encore aujourd’hui. Sauf que, d’année en année, le nombre de pros à la recherche d’un club augmente. Là, l’UNFP recense cent soixante-quinze chômeurs. Un pic qui diminuera sans doute au gré du mercato estival, mais tout de même… « Tous les ans, près d’une soixantaine de joueurs font nos stages. Entre 50% et 60% d’entre eux réussissent à retrouver un contrat professionnel ou fédéral. Là, je pense que d’ici une semaine certains de nos stagiaires vont commencer à signer des contrats » , espère Pascal Bollini, directeur des stages UNFP, sosie capillaire de Vincent Moscato, et avant-centre de Niort au début des années 1990.
Une batterie de matches amicaux au menu
Plus les stagiaires ont de l’âge, plus il leur est conseillé de préparer une reconversion et d’anticiper le moment où ils raccrocheront les crampons. Ces précautions valent même pour les footeux les plus chanceux qui touchent des allocations chômage proches de 6 000 euros par mois, le plafond en France. Plus de quatre fois le SMIC, ça vous pose un chômeur ! Malgré des revenus substantiels pour certains, et quel que soit leur âge, tous les joueurs accueillis par l’UNFP passent un entretien individuel avec un membre de Europ Sports Reconversion. Une filiale de l’UNFP où bosse, entre autres, Jacques Glassmann. Oui, celui de l’affaire VA-OM. « Il y a vingt ans, les mecs au chômage n’étaient pratiquement que des gars en fin de carrière, note ce dernier. Maintenant, ça rajeunit, on a des hommes de 22-23 ans. Les clubs sont des entreprises, ils fonctionnent d’une manière pas toujours très cohérente… À l’arrivée, certains joueurs sont obligés de revoir leurs ambitions à la baisse et acceptent des offres venant de clubs amateurs. »
Vers 14h30, en fin de semaine dernière, c’était au tour de Valéry Mezague d’aller réfléchir à son avenir. Comme tous, il ronge son frein depuis plusieurs semaines et attend les matches amicaux pour attirer le regard d’éventuels recruteurs. L’équipe des chômeurs s’est déjà inclinée contre Auxerre (1-0), puis Châteauroux (3-1), et a obtenu un nul face au Mans (1-1). Ce samedi, ils se rendront à Imphy Decize (Nièvre) pour la fête nationale. Là encore, une nouvelle occasion se présente de briller contre une formation de Ligue 2 : Clermont, en l’occurrence. Ensuite, au moins six rencontres attendent déjà la bande de l’UNFP. Dont trois à ne surtout pas rater contre des équipes de L1, si modestes soient-elles : Ajaccio (28 juillet), Reims (1er août) et Troyes (4 août).
Cette année, le stage se déroule en deux sessions. D’abord à Lisses, puis à Vichy, avec un effectif renouvelé, jusqu’au 5 août. Comme d’habitude, un entraîneur au chômage dirige les séances. Ce mois-ci, place au moustachu Pascal Janin. À l’heure de la sieste, l’ex-coach de Brest et Strasbourg raconte : « Mon rôle est de permettre aux garçons de se montrer à leur avantage lors des matches amicaux. Il y a plus de vingt joueurs de champ, donc, en gros, je dois faire jouer quarante-cinq minutes à chacun, je donne le même temps de jeu à tous. Par rapport à ce que j’ai vu, on pourrait rivaliser avec pas mal d’équipes de Ligue 2. » En Ligue 2, justement, Mamadou Bagayoko (ex-Ajaccio, Nice, Nantes) a failli y signer. De passage à Lisses, l’attaquant de trente-trois ans vient d’effectuer un essai à Angers le week-end dernier. Non concluant. Ç’aurait été trop beau…
Par Adrien Pécout