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On était au stade des Alpes pour GF38-Lyon Duchère
Dans la capitale des Alpes, le Grenoble Foot 38 avait un rendez-vous important à négocier pour accéder au National en fin de saison. L’objectif : tenir tête à domicile face à son dauphin, Lyon Duchère. C’est raté.
Le soleil peine à faire son apparition sur le boulevard Jean Pain. Le ciel est blanc, le froid de mise, et l’après-midi dominical vient juste de démarrer. Sur ce même boulevard, la rame du tramway de la ligne C permet aux plus paresseux d’être déposé à l’arrêt Hôtel de ville. Non, l’heure n’est pas à aller fréquenter les bureaux de vote. La bande de jeunes ados installée dans le parc Paul Mistral est bien là pour le rappeler. Muni d’un ballon, l’un d’entre eux s’amuse à dribbler ses camarades. D’une roulette efficace, le jeune au survêtement du Grenoble Foot 38 en élimine deux d’un coup. « Oh ! Regarde ce que je viens de te faire narvalo, t’as pas vu passer la balle, c’était du Ronaldinho ! » Prise au dépourvu, l’une des victimes répond. « Ouais, commence par percer au GF d’abord, ensuite on verra… » Autour d’eux, les Grenoblois commencent à s’attrouper vers le stade des Alpes, bières à la main pour certains. Les traditionnels apéritifs sur les pelouses du PPM sont compliqués, le printemps n’est pas encore à l’ordre du jour. Malgré cela, les Isérois se préparent à célébrer une grande journée, et ce n’est pas pour faire opérer la magie de la Coupe de France face à une Ligue 1. Aujourd’hui, la montée en National peut se dessiner si le GF38 parvient à battre son poursuivant le plus coriace, l’AS Lyon Duchère. La ville s’est mobilisée, il faut gagner cette rencontre, et l’affaire sera bien engagée. Tout le monde y croit.
Tifo pour décor, affluence record
Au milieu de la foule, Adrien fait partie des habitués du stade et voit ses habitudes légèrement chamboulées. Le match démarre dans un quart d’heure, mais la file d’attente est beaucoup plus longue qu’à l’accoutumée. « C’est la première fois que je vois autant de monde cette année, explique l’abonné. Ça fait plaisir, même si je n’ai pas envie de louper le début du match ! » Les vigiles à l’entrée font leurs fouilles traditionnelles, tandis que le kop des Red Kaos se trouve déjà dans le stade, permettant au reste du public de profiter de la résonance depuis l’extérieur de l’enceinte. Comme d’habitude pour les grandes occasions, Grenoble se réunit autour du sport. Les parkas du FCG se mélangent à celles du GF38, preuve d’une union sacrée dans la pratique. L’entrée dans le bâtiment se fait toujours avec fond sonore, les escaliers se montent quatre par quatre pour les plus jeunes, avec minutie pour les plus vieux, mais au bout de l’ascension, le spectacle est le même pour tous : le soleil éclaire la pelouse, tandis qu’un tifo aux couleurs historiques de Grenoble orné du dauphin devance la vue sur la Chartreuse et sa Bastille. Les joueurs peuvent prendre place : 6147 spectateurs sont derrière eux pour ce match de CFA.
Si l’accueil réservé aux acteurs est irréprochable, chaque toucher de balle des visiteurs déclenche des sifflets de bonne guerre de la part du stade. Les banlieusards lyonnais se font siffler comme l’ennemi public numéro un, même si leur deuxième place au classement est totalement méritée. Depuis le début de saison, La Duchère n’a connu qu’une seule fois la défaite. Loin d’être inhibé par l’enjeu, le meneur de jeu Bouderbal part droit vers le but, rentre comme dans du beurre dans la défense et décoche une frappe surpuissante pour ouvrir le score. Un coup de froid bien différent vient de souffler fort dans les têtes grenobloises. Avec du recul, Alexis analyse la situation depuis les tribunes. « L’absence d’Ayari se ressent au milieu. Contre Yzeure la dernière journée, il se fait suspendre, alors que le coach souhaitait le préserver pour ce match. Vu qu’on perdait, il est entré. Il a joué quinze minutes, et il a pris son carton jaune… » Pris à la gorge et tétanisé par l’enjeu, le GF38 sent déjà le traquenard arriver. Même si Nassim Akrour est toujours là pour apporter sa roublardise. Même si Florent David divertit par ses grigris. C’est presque irrémédiable.
« C’est toujours la même chose »
Pour pallier ce pétard mouillé, la buvette trouve toujours des bouches à nourrir pendant la pause. Même si l’on approche de l’heure du goûter, une barquette de frites ou un sandwich à la rosette restent intemporels. Au sein du kop, certains en profitent pour se réchauffer la gorge d’un bon café, avant de tirer à nouveau sur les cordes vocales. Jean-Louis Garcia semble avoir été concis dans le discours envers ses joueurs, puisque les Biancoblu sont les premiers à revenir sur la pelouse. Dans la foule, une odeur de beuh fraîche arrive dans les narines des personnes les plus proches. « Les fumigènes sont interdits, du coup on crée notre propre fumée ! » ironise le fumeur. Pendant ce temps-là sur le terrain, les minutes défilent et rien ne bouge. La Duchère fait bloc, elle tient le coup. Elle rappelle à Grenoble cette année où une équipe de la banlieue marseillaise, aujourd’hui leader du National, venait coiffer le club au poteau pour la montée en 2013-2014. Les premières revendications commencent à descendre des travées, elles prennent la direction du capitaine du GF38. « Oh Thomas, on est tous venu pour vous voir gagner, il faut vous motiver là ! » Il faut surtout marquer.
Les chants diminuent, l’équipe iséroise commence à déteindre sur son public de plus en plus crispé. La possession est nettement en faveur de Grenoble, mais les rares occasions ne permettent pas de délivrance. « Au moins c’est bien, les ramasseurs de balle sont vifs, philosophe un supporter. Le problème maintenant, c’est de mettre une tête sur un de ces putains de corner. On doit en être au vingtième… » Hélas, aucun coup de pied ne permettra d’égaliser. Pire, puisque celui de Tuta dans les arrêts de jeu offrira un succès définitif aux Rhodaniens, plus que jamais en course pour la montée. « C’est toujours la même chose, récapitule Florian. Les supporters se donnent à fond pour bien préparer ce type de rencontres, mais les joueurs ont l’air de jouer avec le frein à main. À force de perdre des matchs comme ceux-là, les gens vont avoir de moins en moins envie de venir voir l’équipe si elle perd. C’est logique… » Un temps sifflés au moment du coup de sifflet final, les joueurs viendront tout de même récolter des applaudissements de courtoisie de la part du public. Parce que Grenoble aimera toujours son club quoi qu’il arrive, et aussi parce que l’amour est aveugle. C’était le cas ce dimanche.
Par Antoine Donnarieix, au Stade des Alpes