- Angleterre
- D2
- Sheffield-Brentford (1-0)
On était au retour de Sheffield United en Championship
Après six ans de lutte en League One, Sheffield United est enfin de retour dans l’antichambre de la Premier League. Remplis d’espoir depuis l’arrivée de Chris Wilder sur le banc, les supporters des Blades attendent une saison positive de leur équipe, dans la lignée du défunt exercice. La première journée de championnat va en tout cas dans leur sens.
Il n’a pas fait la bringue vendredi soir, de peur de louper le réveil. Habitant à Manchester pour son travail, Phil devait se lever de bonne heure ce samedi matin pour prendre un bus National Expressvers Sheffield, sa ville natale. Ce trajet de deux heures, il le réalise dès qu’il le peut. Mais ce 5 août 2017, il ne l’aurait raté pour rien au monde. « Notre premier match en Championship depuis 2011, je l’attendais avec impatience, sourit-il. J’aime revenir à Sheffield. C’est une ancienne cité industrielle mais le centre-ville est très accueillant. Il y a l’université, des bars sympas et, surtout, le stade de Bramall Lane, qui n’est qu’à dix minutes de marche. J’ai hâte d’y retourner et d’y retrouver l’ambiance des grands matchs, surtout aujourd’hui. Je pense qu’il va y avoir du bruit. » Et pour cause, relégué en League One (3e division anglaise) à la fin de la saison 2010-2011, le club a mis du temps avant de retrouver une division dans laquelle il se sent à sa place. « Nous avons accumulé les mauvais choix d’entraîneurs et de joueurs, analyse Phil. Mais depuis la saison dernière, un vent d’optimisme souffle dans les travées. Cela fait du bien, car pendant notre période en League One, l’atmosphère autour du club était souvent très négative. »
Cet élan de fraîcheur coïncide avec la mise en fonction de Chris Wilder comme manager. Originaire de Sheffield, ancien joueur de Sheffield United et fan de Sheffield United, cet ancien coach de Northampton Town a su rassembler supporters, dirigeants et joueurs derrière la cause du club. Au « Red Lion » , un pub à la devanture invitant les supporters adverses à ne pas s’attarder, Stuart, Mick et Nyl s’accordent à souligner l’importance de Wilder dans le renouveau de leur club. « Il a réussi à former un groupe et à apporter un véritable esprit d’équipe, dit Mick. Quand il est arrivé l’année dernière, nous sortions d’une saison pourrie sous Nigel Adkins. Wilder a rafraîchi le groupe en remplaçant certains cadres par d’autres joueurs, sans transférer de noms ronflants, et la mayonnaise a pris. » « Le fait qu’il ait confié le brassard de capitaine à Billy Sharp, qui est un gars formé au club, a également eu un impact, notamment auprès des fans, enchérit Nyl. Il n’y a pas de stars chez nous mais tout le monde joue l’un pour l’autre, c’est ça notre force. »
Les implants capillaires du coach de Wednesday
Cette cohésion de groupe sera-t-elle cependant suffisante pour se sauver en Championship ou mieux, y faire bonne figure ? Selon les supporters, la réponse est oui. « Si nous poursuivons sur les bases de la saison dernière, nous pouvons viser la colonne de gauche, reprend Mick. Au vu de notre préparation et de nos six victoires en autant de matchs, je ne crois pas que nous devons nous inquiéter. » La réception de Brentford, considérée comme une des bonnes équipes du championnat, ne refroidit pas les trois potes qui pronostiquent tous une victoire des Blades.
À l’exception de Chris, venu avec son fils Dean, qui voit plutôt un nul. « 1-1, prédit-il. Ce serait déjà pas mal car notre adversaire du jour est costaud. Mais pour le reste de la saison, je ne me fais pas de souci. Nous avons un excellent entraîneur qui ne se fait pas des implants capillaires, comme celui de Sheffield Wednesday. » Le sujet « rivalité » est lancé. D’aucuns imaginent ainsi les fans de United se réjouir de revivre des derbies contre leur voisin honni d’Hillsborough. « Pas vraiment, dégaine néanmoins Chris. Pourquoi ? Parce que c’est un enfer pour l’équipe qui perd. Ne va pas bosser le lundi si ton club a perdu durant le week-end. » Et Stuart d’enchaîner : « Je ne pense pas qu’il y ait une rivalité aussi féroce ailleurs en Angleterre. Les derbies de Premier League entre les deux Manchester ou le Merseyside Derby n’ont rien à voir avec le nôtre. Je pense qu’il n’y a que le Old Firm de Glasgow et Ajax-Feyenoord qui s’en rapprochent. Ne vous baladez pas n’importe où en ville avec une écharpe de l’équipe adverse le soir après un match. L’atmosphère est hostile. »
Le plus vieux terrain du monde
Pour ce premier match du retour en Championship, les trois acolytes s’accordent pour dire que « ça va être chaud. Les 28 000 spectateurs vont faire du bruit. » « Il n’y a pas de mal car cela s’était un peu évaporé ces dernières années, pointe Chris. Nos joueurs ne mouillaient pas le maillot et la magie de Bramall Lane avait disparu. Mais depuis l’an dernier, l’ambiance est de nouveau de la partie. » Considéré comme un des stades les plus bruyants du Royaume-Uni, Bramall Lane en est également un des plus vieux. « LE plus vieux !, certifie Greg, la soixantaine et un mulet à la Chris Waddle sur la tête. Le tout premier club de football de l’histoire, le Sheffield FC, a évolué ici avant de déménager à Coach and Horses Ground. » Il s’agit en fait du premier club non-scolaire de l’histoire. Mais cela dit, les dires de Chris et son débardeur sur les épaules sont corrects. La venue de Pelé en 2007, lors des 150 ans du Sheffield United célébrés à Bramall Lane, en est la preuve.
« Wednesday f*cked up again ! »
Au moment de l’entrée des joueurs sur la pelouse, The Greasy Chip Butty Song peut retentir. L’hymne du club, que l’ensemble de l’assistance reprend en cœur, donne autant de frissons que les Bubbles de West-Ham ou le You’ll Never Walk Alone de Liverpool. C’est bon, le kop gueule de toute ses forces, le match peut commencer. Si le premier quart d’heure est dominé par Brentford, qui ne passe pas loin d’ouvrir la marque, la bataille des tribunes est largement remportée par les fans locaux. Et lorsque les visiteurs font enfin entendre leurs voix après trente minutes de jeu, c’est tout Bramall Lane qui les acclame ironiquement. Sur le terrain, le poteau du nouveau latéral gauche des Blades, Enda Stevens, fait mousser encore un peu plus les travées avant que le capitaine Billy Sharp ne fasse chavirer l’armée rouge et blanche quand son ballon repris de la tête trouve l’objectif. La mi-temps est sifflée, l’occasion de retrouver un peu de calme… et de voix. « Ça ne durera pas longtemps, lance Greg. Ici, la tradition veut que, si on gagne le toss, on attaque en direction du kop en deuxième mi-temps. Donc j’ose espérer que nous allons encore marquer. »
Les espoirs de Greg sont presque exaucés quand les buts de Clarke et Sharp sont annulés en tout début de seconde période. Logiquement ? « Don’t think so » , grimace Greg. Alors que Sheffield résiste aux assauts londoniens, l’atmosphère dans les travées se réchauffe encore un peu lorsque les supporters apprennent la défaite de Wednesday à Preston. « Wednesday f*cked up again ! » , entonne le kop. Au coup de sifflet final, soulagement et fierté gagnent le cœur des fans. Leur équipe est bel et bien de retour dans l’antichambre de la Premier League. « Si nous avions fait match nul, nous l’aurions accepté mais avec un brin de déception, avoue Greg. Mais cette victoire prouve que nous faisons le poids. C’est donc très positif. » David, son compagnon de tribune, y va également de son petit commentaire. « J’appelle ce genre de journée « une journée parfaite » : nous avons gagné et Wednesday a perdu. Pour que le week-end soit totalement réussi, il faudrait que Leeds perde également dimanche. Je me réjouis donc de voir leur résultat demain. » Pas de bol pour David, Leeds l’a emporté 2-3 sur le terrain de Bolton.
Par Antoine Billa, à Sheffield