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On était au QG des supporters de Liverpool

Par Valentin Lutz, à Paris
On était au QG des supporters de Liverpool

À l'occasion de la finale de la C1, le Lush Bar, QG de la French Branch, association officielle des supporters de Liverpool en France, accueillait comme pour chaque rencontre les fans parisiens des Reds dans une ambiance bouillante. Ce samedi, il y avait bel et bien quelque chose de Liverpool en plein cœur de Paris.

Au cœur de la douce nuit parisienne, il ne reste plus que quelques éclats de voix épars, vibrant encore de bonheur. La rue des Dames, allée animée qui serpente de l’avenue de Clichy à la mairie du 17e arrondissement, se vide progressivement de sa horde rouge, dirigée vers la place de Clichy par quelques policiers chargés de faire revenir le calme. Quelques instants plus tôt, celle-ci avait fait régner une ambiance survoltée : tandis que les chants se succédaient avec frénésie, un jeune supporter s’était même extrait de la masse rouge pour grimper à un panneau de signalisation, avant d’être ramené sur terre par le propriétaire furieux du Lush Bar. Aux fenêtres, certains riverains se penchaient pour apercevoir le fracas des corps et des voix, voire même pour y participer, à l’image de cet habitant usant d’un cor pour exalter la foule.

Timeless Melody

Liverpool venait de remporter sa sixième C1. Bientôt rejointe par d’autres fans, la centaine de supporters qui s’étaient serrés au Lush Bar pouvait laisser éclater leur joie. Les corps moites et arrosés de bière s’entrechoquaient sur la timeless melody de You’ll never walk alone, déjà entonnée, évidemment, au début du match. Quelques autres se laissaient dériver : un fan à fond durant l’intégralité de la retransmission laissait poindre quelques larmes de bonheur. Un autre, vidé de toute énergie, s’effondrait dans la rue quelques mètres plus loin.

Entre ces deux YNWA, la rencontre, plutôt terne, avait été réchauffée au sens littéral, par la proximité des spectateurs et la chaleur qui embuait les vitres, et au sens figuré, par l’ambiance assourdissante qu’avaient fait régner les chants des fans unis comme un seul homme, à la gloire de Virgil van Dijk ( « he’s our centre half » ), Roberto Firmino ( « the best in the world is Bobby Firmino » ), ou du héros du soir, Alisson. Quelques instants avant la déflagration du premier but, un fan portugais vêtu d’une tunique blanche de Kevin Keegan, dos à l’écran et la tête entre les mains, refusait de regarder la course de Mo Salah, avant de céder à l’euphorie.

Streets of Kenny

Quelques heures plus tôt, dès 14 heures, alors que le soleil commençait à marteler le bitume de sa chaleur estivale, les premiers supporters de Liverpool essaimaient déjà sur les lieux par petits groupes d’un rouge fier et enthousiaste. Le calme n’était alors perturbé que par certains airs fameux diffusés par la sono du Lush, par exemple celui de Dirty Old Towndes Pogues, sur lequel est calqué le chant dédié à Van Dijk. Plus bas dans la rue, un peu comme dans Streets of Kenny de Shack, un designer vendait de grands tote bags aux couleurs des Reds.

Déjà installés en plein cœur du Lush Bar, dont le plafond porte les stigmates de nombreuses effusions de joie (c’est-à-dire de lancers de bière), Andrew, accompagné de deux amis à qui il a prêté deux tuniques sorties de sa collection d’une quarantaine de pièces, est l’un de ces supporters précoces qui sait que la journée va être longue et la soirée éprouvante. Il tente de convaincre Lucien, habitant du quartier habitué de ces rassemblements, « toujours partisan de l’équipe la moins attendue » , donc de Tottenham pour l’occasion. Dans son pronostic pour le match, « trois buts à un pour Liverpool » , il y a une confiance en un club dont on sent l’heure enfin arriver après des années de disette.

Something on my mind

Parmi les nombreux supporters déjà présents sur place, figurait également un certain nombre d’adhérents de la French Branch, qui avaient décidé, contrairement aux 150 membres qui avaient fait le déplacement à Madrid (parfois sans disposer de billets), d’assister au match dans leur repère. Une passion viscérale les anime, toujours présente à leur esprit quelles que soient les circonstances, à la façon du something on my mind des Pale Fountains. Parmi ces fans, Michel, Manuel et Xavier, supporters de longue date, tous déjà partis assister à au moins une rencontre des Reds à Anfield.

Ceux-ci partagent une conviction, celle que le club porte en lui « une irrationalité » qui le différencie essentiellement de tous les autres. En atteste bien sûr la demi-finale disputée contre le Barça cette année, mais aussi des souvenirs plus lointains : Dortmund 2016, Milan 2005 ou Alavés 2001. Gardiens du temple, ils assurent ainsi des liens « essentiels dans la compréhension de l’identité de Liverpool » : avec le passé du club, parfois éclipsé aux yeux de certains par l’actualité récente, et avec la ville, « qu’il faut avoir vue pour comprendre totalement le club » .

Dreaming of you

Dans les heures suivantes, la rue des Dames se remplit progressivement. Dès 17 heures, les abords du Lush Bar sont bondés, au grand dam d’une riveraine inquiète pour sa voiture cernée par la horde rouge. Une heure plus tard, une partie des fans amassés devaient déjà se résoudre à assister au match dans d’autres établissements du quartier. Les sésames nécessaires à l’entrée, payantes pour l’occasion en l’échange de deux consommations, s’étaient en effet envolés rapidement. Priorité été donnée aux membres de la French Branch, dont certains tentaient de s’extirper de la queue qui barrait l’accès au bar, tel Manuel, criant son ancienneté légitime « de plus de onze ans » pour attirer l’attention du propriétaire.

Parmi les heureux supporters non issus de la Branch élus par le sort, Viktor, 18 ans, supporter depuis l’ère Torres. Ravi d’être à « the place to be » , il assurait « avoir rêvé à plusieurs reprises ces derniers jours » d’une victoire renversante de Liverpool, mené trois buts à zéro à la mi-temps puis inscrivant en mode Istanbul quatre buts au cours de la seconde période. Dans le même temps, à Madrid, une bannière reprenait le célèbre titre de The Coral, Dreaming of you. Le scénario incroyable ne sera pas de la partie, au contraire du bonheur partagé qui sera éclusé dans une nouvelle tournée de bière dès le coup de sifflet final.

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Par Valentin Lutz, à Paris

Propos recueillis par VL.
Photographies de Joseph Thomas et Benjamin Hebding.

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