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On était au premier match pro de tennis de Maldini
Le statut de légende de l'histoire du football ne lui suffisait plus, l'ancien défenseur italien a décidé de se mettre au tennis et s'est retrouvé un peu par hasard sur le circuit professionnel mardi où il a disputé un match de double. Nous y étions.
Plongé dans la verdure du Parco di Trenno à la sortie de Milan et à quelques encablures de San Siro, l’Aspria Harbour Club sent bon la rolex, la Porsche et l’ISF. C’est un de ces endroits exclusifs, et par conséquent, réservés aux personnes aisées pour y faire de l’activité sportive – cela va de la gym à la natation, en passant par le foot à 5 et évidemment le tennis – ou juste siroter un verre. C’est ici que Paolo Maldini a établi ses quartiers il y a quelques années. Depuis sa retraite sportive, l’ancien capitaine de l’AC Milan vaque entre sa ville natale et la Floride où il est copropriétaire du Miami FC, équipe de NASL. Il était venu avec ses enfants pour les mettre au tennis, c’est finalement lui qui a chopé le virus ou plutôt Stefano Landonio qui lui a refilé, un prof qui a eu quelques points ATP en double et en simple dans les années 1990. « Paolo avait déjà joué à Forte dei Marmi lorsqu’il était en vacances entre deux saisons, mais comme tout footeux, il ne pouvait pas trop forcer. Là, il s’y est mis de suite à hauteur d’une leçon par semaine » , confie-t-il alors qu’il part s’échauffer. Tête de série numéro un et tenant du titre du tournoi de simple, Marco Cecchinato est en train de venir à bout du Lituanien Grigelis, mais la mini-tribune du court central se vide petit à petit. Sac sur l’épaule, Maldini se balade entre les terrains pour aller se préparer et est forcément la star du jour. Sa deuxième carrière s’apprête à débuter.
« Ils vont peut-être mouiller »
Mais comment un joueur amateur et non classé se retrouve qualifié pour un tournoi professionnel ? L’Harbour Club, en charge de l’organisation de ce tournoi, organisait une compétition « rodéo » deux semaines plus tôt. Elle était réservée à la catégorie 3.3, celle de Landonio qui choisit de se présenter en double avec son élève. Le duo de 47 ans de moyenne d’âge l’emporte et obtient la Wild Card pour le Challenger, la catégorie juste en dessous des 250 du circuit ATP. Jeunes pousses, inconnus, espoirs déchus et anciennes gloires se croisent. Delbonis, Pella, Robredo sont les grands noms de cette douzième édition, ainsi que Jonathan Eysseric, ancien numéro un junior, qui vient de sortir Maxime Hamou en trois sets sur un court annexe : « Je suis un grand fan de foot, d’ailleurs je ne suis pas le frère de mon homonyme Valentin hein(rires). Maldini ça me parle, capitaine de la grande Italie, du grand Milan, un monstre du foot. Je joue aussi le double, ça m’aurait fait marrer de tomber sur lui, c’est comme si on jouait Deschamps à Marseille. Mais c’est une situation exceptionnelle, ça n’arrive jamais sur le circuit. Je ne pense pas qu’il doit avoir un bon niveau, si on échangeait les rôles, j’aurais plus de facilités à me cacher sur la pelouse, jouer simple, défendre, Maldini ne pourra pas. À mon avis, ils vont se faire éclater même s’ils vont les faire jouer un peu. Bon, c’est vrai que ce n’est pas un adversaire comme les autres, peut-être qu’ils vont mouiller, mais moi par exemple, j’ai déjà eu Federer ou Murray en face, ça, ça m’avait mis la pression. »
Un ex 40e Mondial et un Hollandais de 2m05
L’organisation a décidé d’exploiter au maximum la visibilité que lui offre le beau Paolo. Le match est programmé à 17h30 sur le court central où deux tribunes ont été montées pour accueillir une centaine de curieux. Elles se remplissent bien avant le début de la rencontre. Il y a même du beau linge, toute la presse nationale, mais aussi Clarence Seedorf et Beppe Bergomi. Le ciel gronde, l’orage menace, mais les conditions de jeu sont bonnes. C’est de la terre battue, pas l’idéal pour les genoux usés de Maldini, d’autant qu’il reste sur un déplacement en Chine le week-end précédent où il est allé disputer un match de foot entre vieilles gloires. L’arbitre grimpe sur sa chaise et annonce les joueurs « Tomasz Bednarek et David Pel » . Le premier est un Polonais de 35 ans, ex-40e mondial de la spécialité, le second est un Néerlandais de 25 balais, culminant à 2m05. Les deux sont amusés par la situation. « Ils ne sont pas tête de série, le tirage aurait pu être plus difficile » , tente de relativiser Landonio. Le duo italien pénètre dans l’arène sous des applaudissements nourris, mais sobres. Ça reste un public de tennis. T-shirt orange et short blanc, Maldini est parfaitement affûté et s’applique à l’échauffement avec Bednarek.
La rencontre, un huitième de finale, débute avec Pel au service et c’est Landonio qui inscrit le premier point à la volée. Le public s’enthousiasme ! Or, si le prof de tennis a de très beaux restes, Maldini galère. « Je me suis fait un claquage dès le premier point, derrière la cuisse, c’est une rechute » , avouera plus tard l’homme aux cinq C1. Des retours restant dans la raquette aux erreurs d’appréciation, les fautes se multiplient, mais l’envie, la concentration et la volonté sont bien celles d’un ancien athlète de haut niveau. Sur le 3-0, Paolo tient son premier coup droit gagnant. Appliqué à la volée, il sort un genre de revers rotatif à ras du sol à la Federer… mais ça finit dans le filet. Enfin, concernant le service, clairement son point faible, il touche parfois les 150 km/h. Évidemment, le duo adverse est rarement à fond et prend même plaisir à faire jouer Maldini, lequel sauve deux balles de match sur son service avant de céder. 1-6 ; 1-6, en 42 minutes de jeu. Pel est comme un gamin et reste discuter longuement à la fin du match, Seedorf descend sur le court échanger quelques mots avec son compatriote. Les selfies se multiplient, le contexte favorise la proximité. Maldini est dispo, sa popularité est intacte. Il rentre aux vestiaires, souriant et satisfait.
« Le problème, c’est la raquette »
La journée se termine par une conférence de presse dans la salle « Roland Garros » , quelques journalistes tentent bien de lui tirer les vers du nez sur son avenir sempiternellement en suspens, mais Maldini esquive poliment et recentre la discussion : « J’ai ressenti une certaine émotion, c’est comme être diplômé en maths et passer un examen en lettres. Maintenant, ça restera une chose unique, même si des organisateurs d’autres tournois challenger en Italie m’ont appelé, mais j’ai à peine le temps de m’entraîner. Je n’arrive pas à trouver de point commun entre le tennis et le foot, mais l’aspect individuel est intéressant, car c’est un défi avec soi-même, quand vous entrez dans un moment négatif, vous êtes seul à pouvoir vous en sortir. Mon gros problème est la raquette, un instrument qui m’oblige à rester loin de la balle. Travailler dans un autre sport que le foot ? Sincèrement, je ne saurais pas quoi faire, je profite du sport qui me permet de bien me sentir physiquement et mentalement. » Surprise, le cuistot de l’Aspria Harbour Club déboule avec un gâteau : la veille, Maldini a fêté ses 49 ans. Il prend une part et insiste pour que ses adversaires du jour le rejoignent. Pel fait dédicacer des balles de tennis et un T-shirt. Demain, lui et Bednarek rencontreront le duo Grigelis/Kolář en quarts. Le dur retour à la routine des Challenger.
Par Valentin Pauluzzi, à Milan