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On était au pot d’arrivée d’Éric Besson au Blanc-Mesnil

Par Alexandre Doskov, au Blanc-Mesnil
5 minutes
On était au pot d’arrivée d’Éric Besson au Blanc-Mesnil

Le Blanc-Mesnil Sport Football était jusqu'alors un club anonyme de National 3, mais ça, c'était avant. En effet, son nouveau président se nomme Éric Besson, et l'ancien ministre n'est pas venu pour rester les mains dans les poches. La preuve, il a déjà amené Sabri Lamouchi et Daniel Bravo dans ses bagages.

La vague macroniste du printemps a envoyé des flots entiers de personnalités politiques au Pôle Emploi. Anciens ministres déchus, députés à la dérive terrassés dans leur circonscription, hauts fonctionnaires dont plus personne ne veut… Des dizaines de têtes, connues et moins connues, qui vont devoir activer leurs réseaux en urgence pour trouver un poste pas trop moche dans le privé ou ailleurs. Éric Besson, lui, a déjà quitté les ors de la République depuis cinq ans et est loin de tout ça. Plutôt du genre à tourner la page sans se poser de questions, le ministre de l’Industrie de Nicolas Sarkozy n’a même pas assisté à la passation de pouvoir avec Arnaud Montebourg à son ministère en 2012 et a foncé tête baissée dans le secteur du conseil et du lobbying.

Mais déjà, monsieur Besson s’imaginait un destin quelque part dans le football. « Je discute avec des clubs de Ligue 1. J’ai des propositions que j’examine » , susurrait-il à l’oreille du Dauphiné Libéré en 2012. Un quinquennat plus tard, son vœu est enfin exaucé. Enfin, presque. Car si ce mercredi 6 septembre, Éric Besson a bel et bien convoqué la presse pour annoncer qu’il s’emparait de la présidence d’un club de football, le club en question est celui du Blanc-Mesnil, qui squatte actuellement en National 3. Pour la Ligue 1, Éric Besson attendra. Mais comme il l’a lui-même annoncé, il est au début d’une « aventure humaine terriblement excitante » . Avec, au bout du chemin, cette belle ambition martelée plusieurs fois : « L’objectif à moyen terme est de faire émerger un club professionnel. » Un sacré programme.

Éric Besson vs Kylian Mbappé

Mais Éric Besson, habitué aux feuilles de route ministérielles et aux plannings de réformes, a tout calculé. La montée en National dans les cinq ans, et la professionnalisation entre cinq et dix ans. « Ambitieux, pas irréaliste » , ajoute celui qui était passé de Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy en un passement de jambes. L’annonce valait bien une conférence de presse, organisée dans une salle attenante au stade Jean-Bouin du Blanc-Mesnil. Petit souci, le PSG organisait au même moment la conférence de presse de présentation de Mbappé. Une concurrence balèze qui a réduit la présence journalistique à cinq petits médias, le reste de l’assistance étant composé de personnes du club et d’employés communaux. Pas de quoi affoler Besson, relax et sans cravate, qui était venu accompagné d’une belle brochette pour fêter son arrivée à la tête du BMSF.

Autour de lui, sur l’estrade, quelques huiles parmi lesquelles Thierry Meignen, alias monsieur le Maire, fier de rappeler que lui aussi a « porté ce maillot » , mais aussi quelques cols blancs, le coach, et Sabri Lamouchi. Première surprise, l’ancien Auxerrois est l’un des parrains du projet. Deuxième surprise, il est présenté par Besson comme « un vieil ami, un homme intelligent, délicat, subtil, chaleureux et fidèle. Le seul avec qui je voulais faire ça. » Les deux hommes affirment s’être rencontrés au Qatar quand Lamouchi y terminait sa carrière et que Besson y traînait pour affaires – « chez Bruno Metsu » précise même le nouveau président –, avoir sympathisé, et être restés potes depuis. Du coup, Lamouchi se retrouve dans l’aventure, même s’il est précisé qu’il ne s’agit que d’un « parrainage symbolique » , et qu’il n’aura « aucune responsabilité opérationnelle » . Daniel Bravo, absent et excusé, aura le même rôle.

Deux du Blanc-Mesnil en finale de l’Euro

Monsieur le maire, lui, est plus loquace et jette beaucoup de fleurs à sa ville, tout en en gardant un peu pour lui-même. Grand fan des politiques sportives, Thierry Meignen veut voir l’objectif social derrière le projet sportif – « Le sport est un vecteur pour changer l’image de la ville à l’extérieur » – et rappelle que lors de la finale du dernier Euro, il y avait un ancien du Blanc-Mesnil dans chaque camp, Rafaël Guerreiro et Moussa Sissoko. L’accent est mis sur la formation et sur la volonté de créer un partenariat avec des collèges et lycées du coin pour monter une section sports-études dès la rentrée prochaine. Au bout de la table, le coach Alain Mboma ne touche pas au micro, mais acquiesce.

Un grand concert de bonnes intentions avant d’en arriver à la question que tout le monde se pose : mais pourquoi Éric Besson, ancienne personnalité politique nationale et élu de la Drôme, qui voulait prendre la tête d’un club de Ligue 1, arrive-t-il en Seine-Saint-Denis aux manettes d’un club de cinquième division ? La réponse passe par un story-telling parfaitement maîtrisé, et par un monologue sur l’amour du football : « J’étais forcé d’aimer le football. Je suis né au Maroc, je n’ai pas eu le choix. Pour survivre, il fallait aimer le foot. Au début, je détestais ça, et j’ai joué quatre ans gardien de but au pensionnat. Ensuite, j’ai été victime du syndrome de Stockholm et j’ai adoré. J’aime tout dans le football, le jeu, la psychologie, la tactique, les business models… » , avant de conclure en jurant qu’il adore aller hurler dans les plus beaux stades du monde avec son fils.

Otis

Une histoire d’amour donc, mais aussi des rencontres. Éric Besson n’est pas venu pour nous embobiner, et il le confesse : « Je n’ai pas dit, toute ma vie : « Je rêve de devenir président du Blanc-Mesnil. » Il y a deux mois, personne n’aurait pu prévoir que je serais ici. » Mais il s’est laissé séduire quand on lui a mis la proposition sous le nez et s’est attaché aux hommes qui sont venus vers lui. Une version Blanc-Mesnil du monologue d’Otis dans Mission Cléopâtre : « Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que ce sont d’abord des rencontres. Des gens qui m’ont tendu la main, peut-être, à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres, forgent une destinée. »

Éric Besson est donc prêt à chanter la vie, à danser la vie, et a commencé son boulot de président en assistant à tous les matchs de ses gars depuis le début de saison. Mais gare à l’enthousiasme, mister president est un homme occupé qui a déjà prévenu qu’il ne passerait « pas tout son temps au Blanc-Mesnil » . Car Éric Besson a prévu de rester président de sa société de conseil, mais aussi maire de Donzère, la petite commune de la Drôme qu’il dirige depuis 1995. Ou comment garder un emploi du temps de ministre, même quand on ne l’est plus.

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