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On était au « match de rêve » de la Coupe de France
L'US Châteaugiron contre l'US Saint-Malo, deux formations d'Ille-et-Vilaine et six divisions d'écart : telle était l'affiche du « match de rêve », opération proposée par la FFF pour ambiancer le 6e tour de la Coupe de France. Une finale des petits avant l'entrée des clubs de L2 au tour suivant. Bilan : une belle valise concédée par les locaux évidemment, mais au moins, la galette-saucisse était bonne et l'ambiance bien cool.
« Une semaine qu’on ne pense qu’à ça ! Au taquet pour tout préparer, c’est pas rien pour un club comme le nôtre, et d’ailleurs ça commence à tirer dur. » Le coup d’envoi n’a lieu que dans une heure, mais ce bénévole de l’US Châteaugiron a déjà le physique du gars qui joue de la moulinette avec les bras pour demander le changement. Les visages sont tirés, il y a de l’excitation mêlée à de l’inquiétude dans cet avant-match du côté du club qui reçoit. Difficile d’organiser la venue de plus d’un millier de personnes quand l’affluence moyenne est en deçà de la centaine. Difficile de mettre en place le matos d’une chaîne de télé nationale quand les matchs habituels de l’équipe fanion le week-end peinent à intéresser les médias locaux. Difficile enfin d’avoir pour opposition une formation de CFA quand les adversaires le restant de la saison évoluent six crans en dessous. Alors oui, tout ça est bien compliqué, ça fatigue, mais en même temps, n’allez surtout pas les plaindre. Car cette rencontre de gala, historique dans l’histoire des footballeurs locaux, ils sont allés la chercher, victime consentante d’une opération lancée il y a de ça quelque temps par la FFF et appelée le « match de rêve » .
Pour faire clair et concis, cette affiche singulière a été conçue pour rendre un peu sexy le sixième tour de la Coupe de France. Apporter un regain d’intérêt supplémentaire avant l’entrée en lice des clubs pro, en mettant en avant un des petits poucets de la compétition à ce stade. La carotte promise par la fédé est la suivante : des conditions d’organisation comme chez les grands (panneaux, officiels et tout et tout), la vraie Coupe de France exhibée au public et une retransmission en direct de la partie sur Eurosport 2 et le site de la fédé, avec Thomas Bihel aux commentaires, Alain Roche en consultant et Carine Galli sur le terrain. Un challenge motivant pour un club qui a su mobiliser ses troupes, récolter de nombreux soutiens publics (dont ceux du grand frère le Stade rennais) et ainsi remporter l’espèce d’applaudimètre virtuel qui a eu lieu sur la page Facebook dédiée, devançant un autre club breton, Landerneau. Officiellement désigné vainqueur de l’opération il y a une semaine, l’US Châteaugiron a dû se démener dans la foulée pour convaincre d’accueillir ce match à domicile sur le synthétique de cette commune située à une grosse vingtaine de minutes au sud-est de Rennes. Le terrain d’honneur – dotée d’une petite tribune – étant en réfection, c’est donc sur une fausse pelouse assez vilaine, blindée de petites billes noires, que l’US Saint-Malo, actuelle neuvième du groupe D de CFA, a été reçue. En face, l’équipe fanion de Châteaugiron pointe au huitième rang du groupe J de PH, juste au-dessus du niveau district.
« Rentre chez toi, ta mère a fait des crêpes ! »
La disposition est la suivante : un rectangle de synthétique entouré par une main courante, une butte en guise de tribune principale d’un côté du terrain, et de l’autre un podium grand comme une remorque agricole surmonté d’un barnum et sur lequel se place le duo de commentateurs télé. Deux caméras sont disposées sur des échafaudages de chantier. La billetterie comptabilise 1350 spectateurs, dont les plus bruyants portent maillot jaune, les traditionnelles couleurs du club, et se tassent d’un côté de la butte. L’audience du kop est jeune, enthousiaste, et est menée par un capo en veste Lonsdale qui porte fièrement le porte-voix dos au terrain, comme les vrais. Et c’est lors de l’avant-match que les supporters se font le plus entendre, chauffés par un speaker de luxe, le fameux Jacky Sourget, ancien ambianceur du Roazhon Park quand celui-ci s’appelait encore route de Lorient et qui les encourage à reprendre le tube du coin, « Galette-saucisse je t’aime » . Les adversaires du jour, eux, sont accueillis d’un chambreur « rentre chez-toi, ta mère a fait des crêpes » , pour une thématique de chansons que ne renierait pas la marque Francine.
La première occasion amorcée par « Neu-N’œil »
Frissons à l’entrée des joueurs sur la pelouse, avec la musique de la fédé qui résonne et la Coupe de France posée sur un podium en carton. Sitôt le protocole achevé, le trophée est rangé précieusement dans son écrin, une valisette à roulette façon bagage à main gardée précieusement par une officielle de la FFF. Le coup d’envoi est donné, et surprise, ce sont les locaux qui s’illustrent les premiers : sur une action amorcée par Jean-Étienne Provost, surnommé « neu-n’œil » par certains spectateurs amassés derrière la main courante, l’attaquant Maxime Piriou hérite du ballon et décoche la première frappe cadrée du match. Une poignée de minutes plus tard, celle de son coéquipier Alan Denis s’envole en revanche. Les Diables noirs de Saint-Malo ne s’inquiètent pas de cette entame poussive de leur part et ouvrent la marque sur leur première réelle occasion par Abou Maïga de la tête, à la 21e minute. Trois minutes plus tard, le break est fait avec un deuxième but signé Rémy Jous d’un tacle rageur. Et histoire de bien calmer l’ambiance, un troisième but est marqué avant la demi-heure de jeu par ce diable de Maïga – aucun lien avec Modibo a priori. Le score s’alourdissant, la mauvaise foi fait son apparition. « C’est pas normal, peste un quinqua qui vient de se servir une pinte (4 euros, la belle affaire), normalement on joue en jaune. Pourquoi que ce match on le joue en rouge ? C’est la télé qu’a imposé ça, je suis sûr… » Les conspirationnistes sont partout.
Derrière un des buts, les gamins de l’US Saint-Malo venus pour l’occasion encourager leurs aînés balancent du classique « et un, et deux, et trois, zéro ! » Ils manquent en revanche de référence pour saluer les quatrième, cinquième et sixième buts des Corsaires en seconde période, tous inscrits dans le dernier quart d’heure de jeu par Anthony Vermet, Benoît Bisson et encore Abou Maïga pour un triplé personnel. Le président de Châteaugiron, Jean Calvarin, n’était pas loin du compte niveau prono, lui qui avait imaginé une défaite 0-5. L’élimination était acquise avant le coup d’envoi. Alors tant pis si l’aventure s’arrête là pour ses ouailles. Au moins, ça a offert une sacrée vitrine à ce club amateur aux 483 licenciés. La fête a été belle, la rencontre agréable quoique déséquilibrée, et la galette-saucisse remarquable. Toujours soigner les fondamentaux.
Par Régis Delanoë, à Châteaugiron