- Reportage
- Barcelone
On était au lancement de la nouvelle chaussure d’Andrés Iniesta
Il y avait à boire et à manger à cet évènement : des journalistes, des designers, une conférence, des accents catalans, des taxis, un freestyler, Andrés Iniesta et une chaussette à crampons aux nouvelles sensations.
C’est à l’ombre de la tour Agbar, sortie de la psyché de Jean Nouvel, que se situe le musée du design de Barcelone. Habituellement délaissé des touristes, qui lui préfèrent les charmes de l’architecture de Gaudi ou le bordel des Ramblas, l’endroit a été choisi par Nike pour abriter le lancement mondial de sa nouvelle paire de crampons : la Magista. « Magi » pour magique, et « Sta » pour Regista. Putain de brainstorming. Pour l’occasion, journalistes, bloggeurs et fashionistas en tout genre sont présents. Sean, le freestyler coiffé comme Sean Paul, est là aussi. Ballon à la main, il propose à quelques journalistes une démo de son football d’otarie. Peine perdue. La lumière a foutu le camp pour mieux illuminer l’apparition d’Iniesta et de son teint porcelaine. La scénographie fait son petit effet, et le joueur, vêtu de ses nouvelles pompes et de son équipement du Barça, est mitraillé par les flashs des appareils photo, avant de disparaître. L’assemblée est maintenant invitée à se rendre dans un amphithéâtre pour le cours de marketing.
Au vrai, cet évènement en grande pompe (sans mauvais jeu de mots) est le coup d’envoi de la Coupe du monde pour Nike. La preuve, c’est Marc Parker qui déboule, le boss de la marque américaine. D’abord, Brésil et ADN de la firme oblige, il nous parle de Ronaldo, le vrai, le vasectomisé, histoire de faire passer le message et les mots-clés : vitesse, innovation, football, plaisir. On croirait entendre Thomas Thouroude. Puis, à la façon des présentations Apple, Mister Parker parle de révolution, mais de révolution en chaussons. Trois nouveaux mots-clés qui serviront de fil conducteur à la présentation : foot, fit, traction. En clair, cette chaussure va à l’essentiel : prendre son pied. En effet, la tige est fine et le chausson intégral. D’où cette première impression aussi troublante que troublante de chaussette à crampons. Revient Iniesta. Qui s’assoit à son tour sur un haut tabouret, avant de répondre à un journaliste qui mélange tout : l’anglais et l’espagnol d’abord, les questions de type conférence de presse (au Brésil, l’Espagne aura la chance de marquer l’histoire ; l’ambition d’être au top chaque saison avec Barcelone ; l’impact du départ de Puyol, en tant que joueur comme en tant que personne, son désir de finir du mieux possible pour Puyi car personne, au fond, ne représente plus le Barça que lui) et les questions de type communiqué de presse ensuite. Andres insiste alors sur les sensations que procure son nouvel outil de travail : son confort, la précision du contact avec la balle, et la tenue de cette chaussure, qui lui va « comme un gant » .
La conf’ finie, Andresito ne s’attarde pas, et ce sont maintenant, dans une salle adjacente, les designers de la Magista qui prennent le mic’. À l’image de Denis Dekovic, qui insiste sur le travail d’équipe entre lui et les joueurs. L’idée de départ est fluide : les footballeurs, en particulier les meneurs, ont besoin de regarder le jeu pour faire parler la magie et donc d’une chaussure qui leur permette de ressentir au mieux le cuir. En l’enfilant, les joueurs ont vite été conquis. Lors des essais, Mario Götze aurait ainsi livré la formule qui fait mouche « c’est comme si cette chaussure me suivait » . Quand on lui demande ensuite quels sont les joueurs français qui ont effectué les essais, il hésite, avant qu’un de ses collègues ne lui glisse les noms de Matuidi et Sakho. Logiquement, Denis préfère revenir sur Iniesta, qui, plutôt que Ronaldo ou Neymar, a été désigné comme ambassadeur de la pompe car « Andrés est un visionnaire sur le terrain » . Le designer de répondre ensuite à une question concernant le look : « Comme ils ont tous le même maillot, la seule façon pour les joueurs d’exprimer leur style sur le terrain passe par les chaussures, c’est pour cela qu’on a insisté sur l’aspect graphique, la texture et la couleur, ce jaune qui historiquement est la couleur de la vitesse chez Nike. » Toujours selon Dekovic, le football n’est plus le même depuis la dernière Coupe du monde. « Le Barça a tout changé. Ou a en tout cas changé la façon de le voir. Avec eux, le jeu est devenu plus sensible et précis. On ne pense plus au but pour le but mais à prendre soin de la balle, à créer et attaquer. » Mes que un club. Dehors, les chauffeurs de taxis qui attendent la sortie d’Iniesta (même s’ils ne savent pas qu’il est là et se foutent royalement de ce qui se trame à l’intérieur) et des invités sont bien loin de se préoccuper du swag qu’aura le meneur de la Roja au Brésil. Devant leurs moteurs qui tournent, les moustachus fument en regardant alternativement le soleil qui monte dans le ciel et leurs godasses qui traînent par terre : des chaussures à gland.
Par SCW et JPS, à Barcelone