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On était au lancement de la FC Talents Academy
À Saint-Paul, commune située sur la côte ouest de l’île de la Réunion, s’est tenue la première édition de la FC Talents Academy initiée par Didier Agathe, du 5 au 12 janvier. Revenu sur sa terre natale, l’ancienne gloire du Celtic transmet à la jeune génération réunionnaise les valeurs d’une possible réussite.
Le ciel est gris, mais la température ambiante atteint des sommets bien supérieurs à un mois de janvier passé en France métropolitaine. Loin de l’hémisphère nord, Grégory, neveu de Didier Agathe, explique que les tempêtes de pluie sont aussi régulières que passagères en cette période. « Ce sont des dépressions, cela fait maintenant quatre ou cinq jours que ça dure, raconte le jeune conducteur dans la voiture louée pour l’événement. Des cyclones se baladent dans l’océan indien en ce moment, mais ils ne vont pas se diriger droit vers l’île. » Si Ava et Irving lâchent ainsi leurs effets secondaires, les averses tropicales ne gênent pas la FC Talents Academy dans sa mise en place, bien au contraire.
« Ce que je souhaite voir, c’est la qualité du contrôle et de la passe »
Accompagnée de ses collègues bénévoles dans la pièce principale du stade olympique de Saint-Paul, Dolly est au four et au moulin sous la tribune présidentielle. « Avec l’activité, les nuages évitent d’avoir trop chaud, analyse la responsable logistique de l’association. Du coup, ça nous permet de garder un maximum la tête froide ! » Une réflexion certainement partagée par les 280 joueurs de 14 à 26 ans retenus pour participer à la première édition de ce rassemblement international à La Réunion. Car sous le chapiteau ouvert sur la pelouse, des recruteurs de pays anglophones sont là pour détecter de possibles Sinama-Pongolle, Hoarau ou Payet 2.0.
Parmi eux, Sam Fagbemi étudie avec attention les entraînements des jeunes catégories. « Je suis là pour repérer le talent avant tout, peu importe la position du joueur sur le terrain, souligne le scout de Manchester City, téléphone portable toujours prêt à être dégainé. Pour chaque évaluation, je mets une note : A, B ou C. Un joueur doit au minimum obtenir A ou B dans chaque domaine pour être éligible. J’évalue trois domaines : la technique, la vitesse et l’intelligence de jeu. Ce que je souhaite voir, c’est la qualité du contrôle et de la passe. Le dribble est aussi évalué, mais reste plus secondaire. » En plus du Citizen, Adam Walker (Blackburn Rovers) et Ian Lavery (Everton FC) étoffent le panel d’enrôleurs souhaitant admirer le jeu dans sa simplicité.
Le boum du DOM
Longtemps confrontée à des difficultés de médiatisation, La Réunion trouve désormais un nouveau souffle grâce, entre autres, aux efforts quotidiens de Didier Agathe. Le cerveau principal du projet devenu réalité explique son action de façon très simple. « Cette académie est faite pour offrir aux meilleurs jeunes ce que je n’avais pas à leur âge pour percer : un encadrement technique de grande qualité, des recruteurs venus d’Europe ou d’universités américaines, et surtout un moyen de développer sa conception du football, explique le finaliste de la Coupe UEFA 2002-2003. Au niveau du coût, l’inscription pour la semaine est fixée à 200 euros. Au PSG en juillet dernier, tu payais 450 euros pour la même durée, au FC Metz ils sont en train d’en faire un à 530 euros… Le but, c’est vraiment de donner une opportunité à un maximum de monde. »
Également initiatrice de l’idée d’implanter un pôle de recrutement dans le 974, la licence professionnelle d’entraîneur obtenue par Didier Agathe à Belfast lui offre la possibilité de ramener l’une des grandes pointures de l’Irish FA : Nigel Best. « Ce que je vois dans l’engagement et l’effort est bon, confesse le formateur d’entraîneur depuis 2005. L’approche mentale des joueurs par les coachs est aussi essentielle. Il faut savoir quand complimenter ou recadrer, afin d’optimiser leur rendement. » Sur le terrain, les jours d’entraînement s’enchaînent et la fatigue s’accumule, surtout quand le soleil tape sur le crâne des joueurs, parmi lesquels Lohan, habitant de la commune voisine de Saint-Gilles-les-Bains. « Je ne suis pas venu pour jouer au foot à La Réunion, mais pour voyager, nuance le garçon de 21 ans, originaire de Montpellier. J’enchaînais les boulots en cuisine ou dans le bâtiment, et puis j’ai vu cette opportunité sur Facebook avec des recruteurs d’Angleterre. Je me suis dit « Pourquoi pas ? »Les conditions sont impeccables, je ne regrette pas ce choix. Après je le sais, c’est ma dernière opportunité de percer. »
« Mon objectif, c’est de mettre 200 euros et de partir »
Au fur et à mesure, les recruteurs repèrent ceux qui « savent jouer avec la tête quand ils n’ont plus les jambes » , comme le synthétise Lavery. La tête, c’est d’ailleurs un sacré sac de nœud chez les Réunionnais, attachés à leur île et peu enclins à quitter leur cocon. « Ici, on parle plus généralement du problème rougail saucisse, évoque Guy, dont le fils est gardien chez les U19 du FC Lorient. C’est un plat typique de La Réunion. Quand les jeunes partent en centre de formation, beaucoup ont le mal du pays et abandonnent tout pour retrouver leur petit confort. Mais entre manger des pâtes pour devenir un footballeur de haut niveau ou se gaver de rougaille saucisse à La Réunion, il faut faire un choix ! » Ce choix, Alan semble l’avoir déjà fait. À 18 ans, le défenseur central de La Capricorne impressionne et fait partie des meilleurs joueurs du stage, maturité incluse. « Mon objectif, c’est de mettre 200 euros et de partir. Dans la vie, il faut savoir ce que l’on veut. Moi, je veux être footballeur et vivre de ma passion. » Sobre et efficace.
Malgré une absence remarquée à la conférence de présentation de l’académie prévue lundi, Joseph Sinamalé, maire de Saint-Paul, s’est par la suite rendu au stade pour assurer à Agathe son soutien dans l’opération. L’adjoint au maire Jean-Marc Aure était quant à lui présent à la fameuse cérémonie. « La mairie de Saint-Paul a participé à la mise en place logistique et à l’accueil des participants en collaboration avec l’association, résume l’invité. Le stade olympique est mobilisé pour que le stage se passe dans les meilleures dispositions. » Prête à accompagner l’association financièrement dans les années à venir, la mairie ne serait pas contre de futurs projets en commun avec les clubs partenaires. « Dans le football, il n’y a pas de frontière, renchérit Aure. Si un club comme Manchester City, Everton ou Blackburn souhaite venir faire un match amical à La Réunion et que cela se réalise, le mot fierté serait faible pour toute la ville de Saint-Paul. » De quoi envisager une Réunion à grande échelle.
Par Antoine Donnarieix, à Saint-Paul