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On était au dernier Clásico de Milito

Par Ruben Curiel, au Cilindro d'Avellaneda
On était au dernier Clásico de Milito

Diego Milito commence sa tournée d’adieu. Avec son Racing, son numéro 22, dans son Cilindro. Contre Independiente, l’attaquant argentin jouait son dernier Clásico. On y était.

Tous les chemins ne mènent pas vraiment à Avellaneda. Pour rejoindre le sud-ouest de Buenos Aires, où quelques centaines de mètres séparent deux stades, ceux du Racing et d’Independiente, il faut se préparer à un long trajet. Il y a le classique, celui où un bus bien trop plein parcourt la ville avant de laisser une foule bleu et blanc aux abords du Cilindro. Il y a l’autre, celui où des supporters éminents privatise un bus à coups de billets glissés dans la poche du chauffeur. Une zone de non-droit où Independiente en prend pour son grade, où les bières passent entre toutes les mains, et où les voix se chauffent avant de pénétrer dans le colisée. Dans les rues qui encerclent l’impressionnante enceinte de l’Académia, un nom est dans toutes les bouches. Celui de Diego Milito.

Le Prince, revenu chez lui pour terminer sa carrière, va prendre sa retraite en juin prochain. En 2014, il a soulevé un titre que le Racing attendait depuis 2001, année où le jeune Diego enchaînait déjà les buts sous la tunique céleste et blanc. « Milito hay uno solo » – il y a un seul Milito en français – gueule le peuple du Racing. À quelques mètres de là, dans le stade du voisin, Gabriel, frère de, brillait sous le maillot du Rojo, le rival du Racing. Deux frères, deux stades, deux clubs. Aujourd’hui, alors que Gaby tente de relancer sa carrière d’entraîneur après un échec à Estudiantes, Diego entame sa tournée d’adieu. Avec, en point d’orgue, la volonté d’ajouter la Copa Libertadores à son palmarès. Mais surtout, celle de briller pour son dernier Clásico, chez lui, dans un Cilindro qui ne l’oubliera jamais. Récit.

Bouteilles cachées et « hommage à l’européenne »

Une heure avant le coup d’envoi, sous le soleil hésitant de l’automne argentin, les supporters se réunissent. On discute de la composition de l’équipe, du « match bien plus important de mercredi en Copa Libertadores » (le Racing affronte l’Atlético Mineiro, en huitièmes de finale de la C1 sud-américaine, ndlr). Surtout, on imagine le dernier Clásico de Milito. Alors que tous les scénarios y passent, c’est le moment de franchir l’immense barrière de police. Clásico oblige, la fouille y est bien plus sérieuse qu’à l’accoutumée. Le temps de cacher les bouteilles d’alcool dans la terre – « on viendra les récupérer après le match » , précise un hincha de l’Acadé –, la foule avance vers le Cilindro. « Aujourd’hui, il faut gagner coûte que coûte. LesClásicos, c’est comme ça. Il n’y a plus de beau football, c’est fini ça. Tu peux gagner avec un but du genou à la dernière seconde, ce sera aussi beau qu’un 3-0 » , balance Sergio, maillot de Lisandro López sur le dos.

Alors que la compo du Racing tombe, les visages se crispent. « Ce sera Milito et dix autres » , affirmait Facundo Sava, en conférence de presse avant le match contre le rival de toujours. Effectivement, l’entraîneur du Racing a conçu une feuille de match surprenante. À l’orée du huitième de finale aller à la maison contre Mineiro, le « Colorado » fait tourner. Pas de Licha, pas d’Oscar Romero, mais un Diego Milito accompagné de Roger Martínez en attaque. Le débat fait rage. Ici, « c’est plutôt logique d’envoyer les remplaçants à la guerre avant la Libertadores » , là, « unClásico, ça se gagne, et ce n’est pas avec cette équipe de guignols qu’on peut le faire » . Parqués dans la tribune popular, les supporters du Racing lancent les hostilités. Pendant tout l’échauffement, Milito est ovationné. « C’est son match, on lui a préparé un hommage à l’européenne, à la vingt-deuxième minute » , annonce Javier. Sous une pluie de papelitos (on a vu des matchs arrêtés pour moins que ça…), les joueurs entrent sur la pelouse. Le Clásico est lancé.

« Mais putain, qui entraîne ? »

Ce supporter bien alcoolisé avait raison. Alors que les deux équipes ne jouent plus rien dans ce tournoi de transition, elles offrent un spectacle affligeant. Au bout de cinq minutes et deux semblants d’occasions pour le Rojo, les discours changent. « Je signe tout de suite pour un match nul » , affirme Javier, qui déchire les papelitos qui jonchent le sol pour ne pas se bouffer les ongles. Il faut un petit pont de Diego Milito pour enflammer un public, qui attend visiblement le mercredi avec impatience. Une banderole explicite, adressée à l’ennemi rouge, l’affirme : « On s’en bat les couilles de toi et de ce match, on joue la Copa. » Vingt-deuxième minute. Alors que le football n’est toujours pas au rendez-vous, le Cilindro se lève. « Milito hay uno solo » , entonne une nouvelle fois le stade bleu et blanc. L’intéressé applaudit. « Donnez la balle à Milito, c’est son match » , grogne un supporter vêtu d’un masque de Spiderman aux couleurs du Racing. Les défenseurs centraux semblent avoir entendu la consigne et ne font que balancer vers le Prince qui, à 36 ans, ne peut plus s’amuser à se battre entre deux colosses.

Sur le terrain, le dixième Clásico d’Avellaneda de la carrière de l’ancien Milanais ne donnera rien. Après la mi-temps, les supporters scandent le nom de Romero et de Lisandro, histoire de voir un peu de jeu. Les changements espérés arrivent enfin, à vingt minutes du terme. Mais à la surprise de tout un stade, c’est Milito qui laisse sa place à Romero. Le Principe offre son brassard à Aued, se tourne vers toutes les tribunes et salue la foule. « C’est triste comme dernier Clásico, mais le coach a raison de ne pas le cramer pour les prochains matchs » , baragouine un supporter au maillot de l’Inter. Alors que le Cilindro gueule cette fois-ci le nom de Lisandro López, l’ancien Lyonnais entre à dix minutes du terme. « Mais putain, qui entraîne cette équipe ? Sava attend que les gens gueulent le nom des remplaçants pour les faire entrer. Ça fait deux heures qu’il s’échauffe, il va brûler » , crie ce même fan, en s’approchant de la rambarde, comme si l’entraineur pouvait entendre sa gueulante. Quelques occasions plus tard, le match se termine. Diego Milito reste quelques minutes sur la pelouse, et les supporters du Racing lui offrent ce qu’il reste de leurs voix. C’était la dernière de Milito face à l’ennemi. Il est temps de quitter Avellaneda. En passant par la planque. Et ce supporter déçu de conclure : « Diego, on ne l’oubliera jamais. En revanche, il faut qu’on récupère ces bouteilles, pour oublier ce match de merde. »

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