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On était au derby de Zürich

Par Nicolas Kohlhuber, à Zürich
4 minutes
On était au derby de Zürich

Alcool, fumigènes, froid et buts, on était au 244e derby de Zürich. Featuring Gilles Yapi-Yapo et Kim Källström.

Un dimanche après-midi pluvieux, froid, des paroles en allemand avec un accent à couper au couteau, une odeur de bière, pas de doutes possibles, nous sommes bien en Suisse germanique. Des chants de supporters et une présence policière digne de la COP21 permettent aux badauds de se rendre compte que le Letzigrund Stadion se trouve à quelques mètres. Construit sous le niveau de la rue, le toit et les projecteurs dépassent à peine au milieu des bâtiments de la Badenerstrasse. Dans les alentours, la majorité des supporters portent des objets dérivés du FC Zürich, club visiteur du jour. Historiquement, c’est le club de la classe populaire, en opposition depuis la fin du XIXe siècle avec le Grash’, représentant la noblesse du principal pôle économique helvète. Depuis une dizaine d’années, la domination a même déteint sur les terrains. Cette saison pourtant, les Sauterelles réalisent un excellent début de saison et pointent à la deuxième place du classement. À l’autre bout du tableau, les adversaires du jour, avant-derniers, risquent de se contenter de la lutte pour le maintien. Les riches se rebiffent.

Boycott et alcool

Aux guichets du stade, de nombreuses places sont encore en vente une heure avant le coup d’envoi. Surprenant ? Pas vraiment. D’irréductibles supporters du GCZ refusent de venir au Letzigrund pour les matchs à domicile. C’est le stade de l’ennemi. Leur seul domicile étant le Hardturm Station, détruit depuis 2008, dont la reconstruction a pris du retard. Les ultras présents bâcheront un message sans équivoque « Forcés à l’exil pour chaque match à domicile » . Le prix des places a dû en refroidir quelques-uns aussi. La place en « populaire » est à 30 euros. Pourtant pas de Zlatan sur le terrain. Un autre Suédois connu de la Ligue 1 foulera pourtant la pelouse : Kim Källström. Capitaine des locaux, l’ancien Lyonnais bénéficie d’une telle cote de popularité qu’une demi-douzaine de drapeaux suédois viennent colorer les tribunes. Pour entrer en tribunes, aucune fouille. Du coup, certains supporters en ont profité pour ramener leur petite fiole de liquide frelaté. Il faut au moins ça pour se tenir chaud. Les ultras de chaque équipe se chauffent la voix déjà bien avant la rencontre. En même temps, il n’y a presque qu’eux dans les tribunes. Et si les chants sont incompréhensibles pour les non-initiés au suisse allemand, un constat est simple : ils ne s’aiment pas. Un « Scheisse FCZ » (merde FCZ, ndlr) résonnant de longues minutes durant.

Lion gonflable et boulette

« C’est le match le plus important de la saison. On sait que le titre est pour Bâle, alors on mise tout sur une victoire aujourd’hui » annonce S. Müller, un ultra imbibé à la dégaine de hipster qui passera la deuxième mi-temps à se faire des cocktails avec ses potes. « Les envoyer en deuxième division nous ferait plaisir » , annonce l’un d’eux. À Zürich comme ailleurs, le derby transcende les foules. Et si le stade n’est qu’à moitié rempli avec 14 000 spectateurs, c’est une réussite pour un match à domicile du deuxième au classement. « Contre quelqu’un d’autre, on aurait été 3 000 » , avoue un troisième larron. L’entrée des joueurs est l’occasion d’un tifo particulièrement réussi par le parcage. Un lion gonflable de plusieurs mètres se dresse. Mais sur le terrain, le fauve manquera clairement d’appétit. Dès le quart d’heure de jeu, une grossière erreur en défense permet à Dabbur d’ouvrir le score. Bien fébrile derrière, le FCZ n’arrivera pas à mettre un pied devant l’autre. Avec des contrôles très précis, c’est Sami Hyypiä, l’entraîneur, qui, depuis sa zone technique, jouera le plus juste. Le fonds de jeu, trop imprécis restera, lui, absent.

Festival offensif

À la mi-temps, les travées se transforment en McDonalds à ciel ouvert. Les spectateurs revenant de la buvette avec frites, nuggets et burgers divers. Pour s’hydrater, un vendeur propose du punch. Le Zurichois a clairement un penchant pour la picole. Pendant la deuxième mi-temps, c’est pourtant les buts qui couleront à flots. Les fumigènes et pétards par dizaines de la Zürcher Südkurve ne suffisant pas à réveiller Gilles Yapi-Yapo et ses coéquipiers. Ils ne verront pas le jour en deuxième mi-temps. Ravet à l’heure de jeu, suivi de Tarashaj, Caio et Källström en toute fin de match viendront tromper Favre pour une victoire finale 5-0. Le jeu proposé par les hommes de Pierluigi Tami est très plaisant. Certaines phases n’ayant rien à envier aux meilleures formations de l’Hexagone. L’ambiance suivra, montant crescendo jusqu’à ce qu’une douce euphorie vienne remplir le stade, même un quart d’heure après le coup de sifflet final. « GCZ ist so geil, that’s why am so high » qu’ils chantent. Cette victoire historique vaut tous les titres. Le Nirvana.

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