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On était au Congrès des penyes francophones du Barça

Par Alexandre Doskov et Théo Denmat, à Carvin
On était au Congrès des penyes francophones du Barça

Ce dimanche, c'était jour de titre pour le Barça. C'était aussi la conclusion d'un week-end de folie douce dans le Nord de la France, où les penyes francophones du club catalan tenaient leur septième congrès annuel. Voyage au cœur de la passion avec une bande aussi improbable qu'attachante.

Ils ont le cou tendu à s’en faire exploser la carotide, les yeux teintés d’un effrayant mélange de peur et d’inquiétude, et surtout deux assiettes de saumon sur lit de salade sur chaque bras. Ce 29 avril aurait pu être un dimanche comme les autres, pour les serveurs du restaurant du Novotel de Noyelles-Godault, si une cinquantaine de gus habillés de bleu et rouge n’avait pas décidé de venir troubler la tranquillité de cette ville nordiste de 5500 habitants, dont le Auchan revendiqué « plus grand hypermarché au monde » jusqu’en 2014 constitue la principale attraction. Au fond de la grande salle de gala de l’établissement, la diffusion de Deportivo La Corogne-Barcelone vient d’être troublée par l’ouverture du score à la sixième minute de Coutinho. Repas peu commun pour ces employés modèles, surpris par l’explosion de joie consécutive au premier des quatre pas catalan vers le titre de champion d’Espagne (4-2, score final), au point de se carapater hors des cuisines pour vérifier l’origine du boucan.

Logique, pourtant : les hôtes du soir sont tous supporters du Barça, réunis à l’occasion de la septième édition du congrès annuel des penyes (groupes de supporters officiellement reconnus par le club et disséminés à travers le monde) francophones de Barcelone. Quinze penyes sont présentes ce soir-là : Bordeaux, Lorraine, Casablanca, Paris, Suisse, Belgique, Marrakech… et concluent un week-end de festivités d’inspiration Ch’ti sorti tout droit du cerveau passionné d’Anthony Romon, président de la penya Blaugranor – contraction de Blaugrana et Nord. Certains portent le costard, d’autres les tongs. Étrange expérience que cette plongée en apnée dans le monde des fadas du Barça, une galaxie pleine d’humanité dans laquelle se sont croisés, l’espace d’un week-end, une mine de charbon, un lipdub ou encore un humoriste ventriloque.

Trompette et mines de charbon

Les penyes entre elles ne parlent que de lui. D’un musicien qui fait jouer ses mains sur un morceau de cuivre. Une trompette, très exactement. « Lui » , c’est Esteban, neuf ans, le fils d’Anthony. Il est 11h ce samedi matin quand les premières notes de l’hymne du Barça sortent de son instrument de musique et viennent résonner contre les murs de la salle des fêtes de Carvin, décorée pour l’occasion. C’est là, à une dizaine de kilomètres au nord-est de Lens, que les penyes francophones tiennent leur 7e congrès annuel. Pourquoi Carvin ? Tout simplement parce que c’est la penya Blaugranor qui distribue les cartons d’invitation cette année et qu’Anthony habite en ville. Et pour lancer le congrès, rien de tel qu’un concert du fiston. Perché sur la scène, les yeux scotchés sur sa partition, le petit Esteban joue face à une soixantaine de personnes qui entonne religieusement El cant del Barça. « Le morceau le plus dur que j’ai jamais joué » , confie le petit blond après sa performance, en avouant répéter « depuis six mois » .

Même monsieur le maire est présent et passe derrière le micro pour prononcer quelques mots conclus par un « Vive le Barça ! » un brin démagogique. Anthony, lui, livre une prestation plus sincère ponctuée par ce cri du cœur : « Grâce au Barça, j’ai rencontré des gens formidables qui sont devenus de vrais amis. » Des amis à qui il rêve de faire découvrir sa région. Alors, après un gros gueuleton, direction un ancien site minier pour la première visite du séjour. Petit-fils de mineurs, Anthony est comme chez lui au milieu de l’impressionnante salle des machines qui lui « donne envie de chanter des chants lensois » . Mais en quittant le puits dans lequel les anciennes gueules noires descendaient quotidiennement, un membre d’une penya marocaine pose la question qui fâche : « Ils regardaient où les matchs du Barça ? »

« On ne compte pas »

Logo du club tatoué sur le mollet droit, « FC Barcelona » encré sur l’avant-bras gauche, « Som I Seren » noirci sur le torse, Cyril Roux est co-fondateur de la penya bordelaise. Signe distinctif : des yeux bleus, une barbe et des cheveux en brosse qui lui confèrent une vague ressemblance avec Olivier Giroud. Le grand tatoué a vite fait l’unanimité au sein du rassemblement, au point de se voir confier l’organisation du Congrès 2020, alors que sa penya n’est pas encore reconnue par le club. « Humainement, c’est incroyable » , lâche-t-il quelques secondes après avoir décrit ce 20 mai 1992, jour de son septième anniversaire, où il avait été autorisé à voir le Barça s’imposer contre la Sampdoria en finale de Coupe d’Europe. « Un déclic. »

Autre marqueur identitaire, Cyril a appelé son fils Xavi. À la porte de la brasserie locale visitée essentiellement pour la dégustation gratuite, Youssef Bennani, de la penya de Casablanca, détaille mousse à la main « l’interface pour réaliser des rêves » que cette dernière représente. « Si tu es juste là pour boire de l’alcool et regarder des matchs, tu n’as rien à faire ici » , tance-t-il, détaillant les collectes de fonds réalisée par son groupe. La première a permis de financer une opération dentaire à hauteur de 36 000 euros, la deuxième de sauver la jambe d’un gamin, la troisième de transplanter un cœur. Il enchaîne : « On va rigoler un peu, regarde le coût du truc : là j’ai 420€ de billets, 80€ d’hôtel, et la participation c’est 140€. Tu fais le compte, ça fait 640€ pour deux jours. Quand je vais voir un match à Barcelone, c’est 1500€ le voyage. Bien sûr que c’est dur, mais on ne compte pas. »

Paëllas et sangrias

Un peu plus loin, Yves Pointet, la soixantaine, supporter du Barça depuis Cruyff. Comme tous les présidents de penyas, il est socio. Sa femme, Marie-Blanche, fait traîner ses fins de phrases, mais n’y voyez pas là une quelconque lassitude : le couple vient de Martigny, en Suisse. « En tant que femme, on suit un peu par obligation, concède-t-elle. Pendant les réunions on sert, on fait des paellas et des sangrias. Ça m’embête juste le samedi, parce que je suis toute seule à la maison. Puis quand le Barça perd, je me tire. Je monte en haut et je lui laisse la TV. » Peu de femmes sont présentes au congrès, et la majorité d’entre elles se sont de toute façon intéressées aux Blaugrana dans le sillage de leur mariage. « Pour le meilleur et pour le pire » , qu’ils disaient. Seule Marie Fauré, gros caractère, tempes rasées, mais élégant minois, fait figure d’exception en tant que présidente de la « cyber-penya » Clan Barcelona FC. « On est deux dans le monde, soupire-t-elle. Une fille en Égypte et puis moi. »

Entre l’accueil à la trompette, les discours, le festin de midi, et les visites de la mine puis de la brasserie, la troupe n’a pas chômé en ce samedi et file terminer la journée à Lille, où un dîner l’attend avant le retour à l’hôtel. Le dimanche, pas de place pour la grasse matinée. Retour à la salle des fêtes de Carvin où les penyes sont priées de se rendre à 10h pour une réunion de travail. Certains font grise mine. La veille, en rentrant à l’hôtel un peu éméchés, Cyril, Youssef et quelques autres se sont incrustés à un mariage. Le ton est monté avec le père de la mariée, fan du Real, et Youssef a été prié de quitter les lieux par le personnel de l’hôtel. « Je suis parti en leur faisant un bras d’honneur, j’ai été bête » , reconnaît-il en faisant son mea culpa.

Voldemort

Ce matin, Youssef et les autres auront besoin de toute leur tête pour suivre la réunion de travail de trois heures. Au menu : les différentes problématiques rencontrées par les penyes. Des petits tracas liés aux tickets pour les matchs, ou aux rapports entretenus avec le club qui ne leur rend que très peu de l’amour qu’il reçoit. « On aimerait avoir un peu plus d’amour en retour, c’est sûr » , se plaint Anthony en notant qu’aucun représentant du Barça n’est venu. « Ils voulaient fêter le titre chez eux. Quand on leur a demandé s’ils préféraient boire une coupe avec Messi ou être ici à manger des frites dans le Nord, je pense qu’il n’y en a pas beaucoup qui ont levé la main. » Pas grave, personne n’empêchera la bande de terminer le week-end en s’amusant. Thématique Ch’ti encore et toujours, une friterie mobile s’occupe du repas.

Ensuite, place au spectacle de Tino Valentino, ventriloque qui a sa petite notoriété dans le coin et qui débarque sur scène pour une heure de spectacle. Les vannes sont souvent graveleuses, sa marionnette en forme de canard veut « déglinguer » la femme d’Yves, mais les enfants au premier rang sont ravis et applaudissent. La fin de la journée est rythmée par deux heures de jeux de kermesse et le tournage express d’un lipdub, avant le retour final au Novotel. Comme pour la cérémonie d’ouverture, celle de clôture se fait au son de la trompette d’Esteban, maillot de Messi sur le dos. Anthony a réussi l’éducation de son fils, puisque ce dernier prend un air affolé dès qu’on lui parle de Cristiano Ronaldo, comme si on prononçait le nom de Voldemort. La projection du match boucle la boucle en apothéose, et rendez-vous est pris l’année prochaine à Marrakech pour la huitième édition. Un congrès qui sera organisé par Yacine, qui a la banane jusqu’aux oreilles quand il glisse à Anthony pour le remercier : « La vérité, vous avez été aux petits soins. »

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