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On était au clasico mexicain de la multi-propriété
Si Canal Plus œuvrait au Mexique, on appellerait sans doute cela l'Aztecazo. Traduire : le Clásico de TV Azteca. Empire télévisuel, TV Atzeca possède deux équipes de première division : les Monarcas Morelia et l'Atlas Guadalajara. Comme la seconde lutte pour le maintien, de lourdes suspicions d'arrangement pesaient sur la rencontre. Résultat : un match nul (1-1) qui ne fâche personne.
« J’espère qu’il n’y aura rien de trouble. » Président d’Atlante, le principal concurrent de l’Atlas dans la lutte pour le maintien en première division mexicaine, José Antonio Garcia s’était fait menaçant quelques jours avant la rencontre entres les Monarcas de l’Uruguayen Egidio Arévalo et l’Atlas de l’ex-Monégasgue Leandro Cufré. Il faut dire qu’une victoire des Rojinegros pouvait rendre encore plus critique la situation de son club. Bon dernier du classement au pourcentage qui compile les résultats des six derniers tournois et détermine le nom de l’unique condamné pour la Liga de Ascenso (D2), Atlante pointait à sept points de l’Atlas avant le coup d’envoi de la sixième journée (sur dix-sept). Face aux sous-entendus du président du club de Cancún, les joueurs des deux camps se sont réfugiés derrière l’argument de l’éthique sportive. « C’est notre honnêté qui est en jeu, rétorquait ainsi capitaine Cufré, si je me trouvais dans le camp d’en face, je ne ferais aucun cadeau. » « On parle de nous comme d’équipes sœurs, reconnaissait pour sa part Christian Valdez des Monarcas, mais dans le vestiaire, ces suspicions nous font simplement rire. » Valdez est un habitué des « Aztecazos » , comme il l’a reconnu spontanément en conférence de presse. Avant de s’engager avec les Monarcas, il jouait aux Jaguares Chiapas, que détenait TV Azteca jusqu’en juin 2013.
Samedi soir à 21h, le coup d’envoi est donné au stade Jalisco cher à Luis Fernandez. Trois minutes de jeu et Egidio Arévalo envoie une frappe des vingt mètres en pleine lucarne. Après un avant-match avec le conflit d’intérêt comme prisme principal, cette ouverture du score prend la forme d’un uppercut envers tous les sceptiques, mal-pensants et autres incrédules. Les Monarcas Morelia seraient donc prêts à enfoncer leurs frangins de l’Atlas. Le stade Jalisco ne s’affole pourtant pas. Les 20 000 personnes qui s’éparpillent au sein de l’immense enceinte prendraient-elles ce but comme une ficelle un peu trop grosse ? Cynisme ou simple passivité, les rares cris d’enthousiasme entendus en première période ne seront pas provoqués par le triste spectacle, mais par l’annonce d’une promo sur la bière vendue à moitié prix. Il fallait bien une bonne raison de se rendre au Jalisco pour assister à un match dont le sort risquait de se révéler aussi arrangé qu’un combat de lucha libre.
En deuxième période, l’Atlas réagit de manière plus véhémente. Les Rojinegros égalisent à la 53e minute et le ton monte au sein du Jalisco : les insultes commencent à fuser envers l’arbitre et les joueurs des Monarcas. L’Atlas dispose même d’une occasion immanquable de passer devant lors des dix dernières minutes, mais Jahir Barraza saborde son plat du pied à bout portant. L’intérêt de TV Azteca étant de sauver l’Atlas, difficile d’instruire un procès en escroquerie au jeune Rojinegro. Plus généralement, difficile de détecter des attitudes suspectes depuis les tribunes. Les Monarcas, à la traîne sur leur objectif (le top 8) semblent, eux aussi, vouloir l’emporter, quitte à compliquer la vie de l’Atlas. Depuis sa loge, Gustavo Guzmán peut au moins se réjouir de ne pas voir ses équipes impliquées dans un scandale de match truqué. Guzmán est le nouveau président de l’Atlas, que TV Azteca a acheté en décembre dernier. Il est aussi le directeur de la section sport du groupe Salinas, dont TV Azteca est le fleuron. Cette section chapeaute les opérations sport du groupe. Guzmán a ainsi son mot à dire sur la gestion des Monarcas…
Selon la doxa mexicaine, TV Azteca devrait progressivement privilégier l’Atlas. Une question de millions de pesos, le potentiel commercial du club de Guadalajara étant largement supérieur à celui de Morelia. Voir Heriberto Morales, fin directeur sportif des Monarcas, transféré à l’Atlas au cœur du mois de janvier n’a fait qu’accréditer cette thèse. Morales a notamment réussi deux gros coups quand il officiait au sein du club de l’État du Michoacan : faire venir l’Équatorien Jefferson Montero et le Colombien Aldo Leão Ramírez. Sauf accident, les deux joueront la Coupe du monde.
Quand TV Azteca a racheté un Atlas en ruine, la Fédération mexicaine venait de fixer à 2018 la date butoir pour la fin de la multi-propriété, pratique courante au pays d’Hugo Sánchez. Ce règlement avait été adopté pour contrer la montée en puissance de Carlos Slim, l’un des hommes les plus riches du monde, entré dans le capital de trois clubs mexicains (Leon et Pachuca en première division, et Tecos de Liga de Ascenso). Les patrons officieux du foot mexicain, Televisa et… TV Azteca, semblaient soudain épris de justice sportive, avant de recourir à des arguments byzantins pour valider le rachat de l’Atlas. Dimanche, dans la presse mexicaine, aucun signalement d’irrégularités lors d’Atlas-Monarcas, mais le ton restait sarcastique. « Match nul entre Abel et Cain » , persiflait ainsi El Informador. La Bible servait également de référence à El Mural qui qualifiait le score de « salomonique » . Et si Atlas-Monarcas avait été programmé lors de la 17e journée, Jugement dernier du football mexicain ?
Par Thomas Goubin, à Guadalajara