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On était au centenaire du stade Abbé-Deschamps

Par Julien Duez, à Auxerre
7 minutes
On était au centenaire du stade Abbé-Deschamps

Il y avait du chablis, il y avait des gougères. Il y avait d’anciennes gloires, des politiques et même la Patrouille de France. Mais pas beaucoup de pros. Le centenaire de l’Abbé-Deschamps était placé sous le signe d’une fête de famille, à l’image du club qui l’a occupé de la DH jusqu’en Coupe d’Europe.

Les journées du patrimoine battent leur plein dans toute la France et la préfecture de l’Yonne n’est pas en reste. Touristes et locaux en profitent pour (re)découvrir l’abbaye Saint-Germain, la Maison des compagnons du devoir, ou encore la cathédrale Saint-Étienne, dans laquelle repose l’abbé Ernest Deschamps, fondateur de l’AJ Auxerre en 1905. À quelques encablures du centre-ville, route de Vaux, l’ecclésiastique est remis à l’honneur par l’entremise du stade qui porte son nom. Tout au long de l’après-midi, l’Association AJA, qui détient 10% des parts du club icaunais, célèbre en effet le centenaire de l’inauguration de la mythique enceinte auxerroise. Entre les gâteaux, la buvette et les mini-matchs pour les enfants sur le terrain d’entraînement, il y a de quoi s’occuper en attendant le clou du spectacle, prévu aux alentours de 18h30 : un passage de la Patrouille de France.

En train d’admirer les vainqueurs de la Coupe de France 2035

Le lit de Guy

Alain Géhin est un homme heureux. Fraîchement élu président de l’Association AJA, l’homme regarde avec des yeux brillants la foule qui se presse aux abords d’un stade dont il connaît l’histoire par cœur : « Il a été inauguré le 13 octobre 1918, soit très exactement dix-neuf jours avant l’armistice de la Première Guerre mondiale. L’Abbé-Deschamps avait alors acheté quatorze terrains à quatorze propriétaires différents et bâti un complexe sportif pour occuper les jeunes le soir et le week-end. Cette problématique se posait déjà à l’époque, même si elle était moins importante qu’aujourd’hui. »

Indéboulonnables de l’histoire ajaïste, Guy Roux et l’ancien président Jean-Claude Hamel sont également présents. À leur côté, Jean-Pierre Soisson, qui fut maire d’Auxerre et ministre des Sports sous Raymond Barre. Tout ça ne nous rajeunit pas, mais leurs anecdotes captivent toujours autant les badauds. « Peu le savent, mais l’Abbé-Deschamps était le fils d’un boucher radical-socialiste et a commencé sa carrière comme clerc de notaire. C’est après une déception amoureuse qu’il a choisi d’entrer dans les ordres » , lance Hamel sur le podium monté pour l’occasion, entre une clope et un verre de chablis. Guy Roux enchaîne : « Avant la route de Vaux, les matchs de l’AJA se jouaient sur des terrains situés rue des Champs Poulains, là où j’ai par la suite fait construire ma maison. Mon lit est d’ailleurs sur le point de penalty ! » Interrogé sur la véracité de l’anecdote avant de repartir, le vétéran précise : « C’est pour la légende. En revanche, ma chambre doit bien être située dans les seize mètres » , glisse-t-il avec un clin d’œil complice.

Roux, Soisson et Hamel, 251 ans à eux trois, soit 2,5 stades Abbé-Deschamps environ

Minoritaire, mais officiel

Après avoir parcouru les quelques affiches qui retracent les grandes heures du club bleu et blanc, « passé en moins d’un demi-siècle de la DH à une demi-finale de Coupe d’Europe » (Guy Roux dans le texte), une dame fait la moue : « Mouais bof, y a pas grand-chose… C’est juste une kermesse en fait ? » Nombreux sont ceux qui auraient en effet aimé profiter de l’occasion pour visiter les coulisses du stade, dont les portes restent désespérément fermées. « C’est une question de sécurité, reprend Alain Géhin. Il appartient à la section professionnelle et nous ne pouvons pas y accéder en l’absence des dirigeants. Or, ils sont partis ce matin pour Shanghai assister à un séminaire prévu de longue date en compagnie de James Zhou, le propriétaire du club. »

Ne pouvait-on malgré tout pas laisser la clé (Deschamps) aux anciens de la maison ? « Avec la SAS (la structure professionnelle qui détient 90% des parts du club, N.D.L.R.), on a des relations de minoritaires à majoritaires » , explique le président Géhin, dont l’association gère le pôle préformation, des U6 aux U13. « On essaie de faire en sorte que ça se passe bien, même si ce n’est pas toujours le cas, car le football est un milieu dans lequel de fortes personnalités peuvent s’opposer. » Illustration à travers ce dialogue entre Guy Roux et un jeune supporter :

« M. Roux, vous ne trouvez pas que la situation sportive est inquiétante ? (L’AJA vient d’enchaîner une troisième défaite d’affilée en perdant 0-2 à Clermont, N.D.L.R.) – Si, d’ailleurs tu remarqueras que le président des professionnels (Francis Graille, N.D.L.R.) n’est pas là. Il n’y que Jordan Adéoti qui est venu. »

Aigri Roux

Un peu de mauvaise foi, Guy Roux n’a sans doute pas remarqué la présence de Quentin Westberg, titulaire entre les perches la veille face à Clermont. Il est cependant vrai que le club n’a pas communiqué sur l’événement, lui préférant une séance de dédicaces de l’autre côté de la ville et à laquelle participent plusieurs pros comme Lamine Fomba et Birama Touré. Mais au fil de la journée, plusieurs anciens de la maison sont passés dire bonjour route de Vaux. On reconnaît notamment Lionel Mathis, venu en voisin puisqu’il entraîne désormais le Stade auxerrois en R1, mais aussi Fabien Cool, en charge du pôle amateur du club dont il est le recordman du nombre de matchs disputés (467). « Ici, les gens sont reconnaissants envers James Zhou. Ils savent bien que s’il n’avait pas investi, l’AJA serait morte à l’heure actuelle. Le boulot de l’association, c’est un peu de faire le lien avec Auxerre et les Auxerrois » , résume-t-il.

Le VRAI divin chauve

Et qui dit ancrage local, dit personnalités locales. Tous les édiles politiques sont venus rendre hommage à un club qui fait la fierté de la région, à commencer par le député Guillaume Larrivé, lequel lance un joyeux ban bourguignon repris par les 2000 personnes présentes. « Quand on est nommé dans l’Yonne, on ne vous parle que de deux choses : le chablis et l’AJA » , sourit le préfet Patrice Latron, en poste depuis un an. « En rentrant à Paris, la première question que l’on vous pose, c’est : « Alors, as-tu vu Guy Roux ? » » Patrick Gendraud, président du Conseil départemental, espère quant à lui la remontée prochaine du club dans l’élite, lui qui en est descendu il y a bientôt sept ans. « Mais dans le respect de ceux qui ont bâti ce projet ! » , ajoute-t-il. Comme une manière de rappeler qu’en dépit de l’évolution du football, il y a des monuments auxquels on ne touche pas.

Photo de famille

Auxerre, plus fort que les Champs-Élysées

Entre deux morceaux de la playlist house qui rythme l’après-midi, c’est une légende du micro qui se charge de l’animation : Marcel Baudiot, speaker de l’AJA pendant 45 ans. « Venez nombreux le 18 octobre assister à la projection du film autobiographique sur Guy Roux, cinq euros l’entrée, tous les bénéfices reversés à la Ligue contre le cancer ! » , assène-t-il dans les enceintes. Mais surtout, Marcel tient le public informé de ce pour quoi il est venu : le passage de la Patrouille de France au-dessus de l’Abbé-Deschamps. Une première à Auxerre. « Nous avons de la chance, reprend-il. Lors du 14 juillet, les avions n’ont survolé les Champs-Élysées qu’une seule fois. Tout à l’heure, il passeront deux fois ! »

Un événement rendu possible par un heureux hasard : « Le papa de l’un de nos jeunes s’occupe du planning de la Patrouille de France. Ce jour-là, ils montaient vers le Nord depuis Salon-de-Provence, où ils sont basés. On s’est dit, « pourquoi ne pas les faire passer par Auxerre ? » » , raconte Alain Géhin, des étoiles plein les yeux. Résultat : les huit alpha-jets survolent l’Abbé-Deschamps à titre gracieux. Les 12 000 euros que coûtent une telle prestation en temps normal auraient rendu la chose impossible. « C’est une histoire de relations bien sûr, mais ils n’ont pas hésité pour autant. Parce que l’AJA, c’est Guy Roux, c’est un patrimoine, c’est quelque chose qui compte en France. » Malgré l’époque difficile, loin du faste des années européennes, l’événement qui s’achève est venu rappeler qu’à l’instar de Paris, Auxerre est une fête. Une grande fête de famille.

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Par Julien Duez, à Auxerre

Tous propos recueillis par JD
Photos : JD

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