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On était à un match truqué ?
C'était la saison des premières fois en Italie. En effet, Carpi et Frosinone découvriront la Serie A, tandis que Teramo fera ses débuts à l'échelon inférieur. Une promotion qui a été fêtée sur le terrain de Savona il y a un mois. Seulement voilà, ce match fait partie des rencontres suspectées d'avoir été truquées dans le nouveau chapitre du Calcioscommesse.
La Riviera ligure est splendide et même probablement sous-cotée. De San Remo à La Spezia, le contraste mer bleutée/collines vertes est un régal pour les yeux. Idem pour les papilles lorsqu’on s’arrête à Recco déguster une focaccia al formaggio. Les passionnés de vélo auront eu l’occasion d’admirer ces paysages lors des premières étapes du Giro. En revanche, les villes portuaires qui bordent le littoral gâchent un peu cette carte postale. C’est le cas de Savone, située à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Gênes. Qu’importe, les tifosi de Teramo ne sont pas venus là pour faire du tourisme. Partis des Abruzzes au petit matin, ils se sont envoyés plus de 600 bornes pour venir assister à une promotion historique de leur équipe en Serie B. Surtout que deux balles de match ont déjà été gâchées et le risque est grand de devoir tout jouer lors de la dernière journée avec la réception du dauphin Ascoli.
1000 Teramani contre 500 Savonesi
Le stade Valerio Bacigalupo, évidemment vétuste, se trouve un peu dans les terres. Il porte le nom du mythique gardien de but natif de la région et qui périt dans la catastrophe de Superga en 1949. Savona n’est pas franchement une ville qui respire le foot et vante tout juste quelques apparitions en Serie B il y a un demi-siècle. Elle peut toutefois s’enorgueillir d’avoir vu naître Christian Panucci et Stephan El Shaarawy, voire Christophe Colomb si l’on en croit ses habitants. Les Biancoblu sont pratiquement condamnés aux play-out, et la scène s’offre entièrement aux visiteurs. Les 800 places de leur secteur sont partis comme des petits pains, et les dirigeants de Savona ont même décidé de leur dédier une partie de la tribune. De toute façon, l’ambiance est bon enfant, pas de risques d’incidents. Tout est fait pour faciliter les festivités, et c’est un moindre mal. La mascotte Frisceu (un dauphin) salue le public, et c’est parti pour la 37e journée du groupe B de Lega Pro.
Les larmes du président
Les ultras de Teramo agitent drapeaux blanc et rouge et déroulent une banderole sur laquelle on peut lire « aux côtés du diable » . L’ouverture du score ne se fait pas attendre, Di Paolantonio reprenant du gauche un ballon qui traîne dans la surface suite à un coup franc de Lapadula ! Savona tente tout de même de réagir, mais aligne quelques erreurs défensives dont une plutôt grossière, celle de Galimberti qui, à la 36e, lance Donnarumma seul au but, mais ce dernier loupe son lob. En tribunes, tous les supporters locaux ne sont pas résignés. Comme cette sexagénaire à la voie stridente qui souhaite les pires choses à chaque adversaire qui se retrouve au sol. On n’ira pas pas plus loin niveau antagonisme cet après-midi. 1-0, c’est le score à la mi-temps. En l’emportant, Teramo assure sa promotion et peut donc se désintéresser du résultat de l’Ascoli qui affronte Ancona dans le même temps. Le but du K.O. arrive à l’heure de jeu des suites d’un échange entre le duo Donnarumma-Lapadula. Petit pont du premier sur Galimberti (encore lui) pour le second totalement seul !
Cette fois, c’est bon, Teramo ne se loupera pas, même si, paralysés par la tension, ses supporters se sont arrêtés de chanter. Ils sont plutôt occupés à escalader les tribunes pour se poster autour du terrain. Les trois coups de sifflets finaux retentissent. C’est fait ! Le club abruzzese est promu pour la première fois de son histoire. Envahissement de terrain, champagne, scènes de liesse, les supporters de Savona profitent du spectacle et applaudissent. Les joueurs finissent tous en slip et dirigent les chants « Ce ne andiamo in B ! » En tribunes, le président Campitelli verse sa petite larme, et il y a de quoi. Il a repris Teramo en 7e division il y a sept ans et l’a fait grimper de cinq niveaux depuis. Encore un petit miracle du football italien. Le retour au pays dans la nuit sera triomphal, à eux les derbys contre Pescara et Lanciano !
30 000 balles la promotion, 400 le dédommagement ?
Le 19 mai dernier, soit 17 jours plus tard, Rodolfo Ruperti et ses hommes ont convoqué une conférence de presse à Catanzaro. Calcioscommesse épisode 2436. Les Italiens n’ont pas su résister et sont retombés dans leur travers. Un an d’enquête, de multiples écoutes téléphoniques, plus de cinquante personnes entre joueurs, dirigeants, entraîneurs et chefs mafieux mis en examen pour des matchs de Lega Pro et Serie D. Personnage central, Ercole Di Nicola, directeur sportif de l’Aquila, est arrêté alors qu’il joue peinard au casino de Venise. Mais les enquêteurs sont formels : « Ce n’est pas fini » . Les jours passent, la finale de Champions League reprend le devant médiatiquement et puis, mercredi dernier, cinq autres personnes reçoivent des avis d’ouverture d’enquête. Parmi elles, le président et le directeur sportif de Teramo, et le directeur sportif de Savona. La thèse est la suivante : Luciano Campitelli aurait donné 30 000 euros à Di Nicola pour corrompre leur adversaire du jour. Des téléphones portables et ordinateurs ont été séquestrés. La réaction des concernés ne s’est pas fait attendre. « Je suis serein, on connaîtra vite la vérité. Je serai auditionné le 17 et j’éclaircirai tout » , a déclaré Campitelli.
Alors présomption d’innocence avant tout, surtout qu’on en a vu des vertes et des pas mûres dans ce type d’affaire en Italie. Mais c’est incroyable comment une telle nouvelle met de suite le doute sur de nombreuses actions vues durant cette rencontre. Si la corruption est avérée, Teramo risque la rétrogradation administrative en Serie D. Enfin, et depuis peu, tout spectateur ayant assisté à une rencontre truquée peut demander des dommages et intérêts. C’était le cas pour 250 supporters de Bari et de Lecce qui ont obtenu chacun 400 euros lors d’un match opposant ces deux équipes en 2011. De quoi mettre du beurre dans les épinards…
Le résumé du match :
Par Valentin Pauluzzi