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On était à Mumbai City FC-FC Goa

Par Paul Pradier, à Mumbai
4 minutes
On était à Mumbai City FC-FC Goa

Des spectateurs dans un stade de football en Inde, ce sont des mecs qui savent à peine ce qu'ils font là, des amoureux du football du siècle dernier, et des acteurs de Bollywood qui viennent tester leur popularité.

DY Patil Stadium, 17h30. Aux abords du stade, situé à 30 kilomètres du centre ville de la capitale économique du pays, Mumbai, pas de supporters abreuvés de bière qui chantent à la gloire de leur équipe. Dans un calme étonnant, des milliers de supporters de tout âge, des familles – très – nombreuses et même des écoliers en uniforme affluent vers l’enceinte. Après une bonne heure d’attente, on se procure un billet. « Les prix vont de 200 roupies (2,5€) en virage à 2000 (26€) en présidentielle » , explique le guichetier. Ça change du Parc des Princes. Va pour la place en quart de virage. 350 roupies (4,5€). On prend place en tribune. Premier constat, nous sommes très éloignés du terrain. Normal, le DY Patil Stadium, avec ses 55 000 sièges, est avant tout un stade de cricket, la résidence habituelle des Mumbai Indians, l’équipe locale. Vendeurs ambulants de pizzas et de sandwichs (bien sûr végétariens), sono à fond pour mettre l’ambiance, distribution de frites en plastique : on se croirait dans un stade américain. Le parallèle est troublant quand les 22 000 spectateurs posent leur main droite sur le cœur. L’hymne indien retentit. Silence de cathédrale dans le stade. Comme les Américains, les Indiens sont très patriotes.

« Robert qui ? »

19h. Comme avant chaque match de l’Indian Super League, un feu d’artifice est lancé. Le public s’enflamme, le match peut commencer. On se retrouve à côté d’Anurag, maillot du FC Goa sur les épaules, drapeau du club enroulé autour de la tête. Aucun doute, c’est un habitué des matchs de l’équipe visiteuse. L’occasion de lui demander ce qu’il pense des premiers pas de Robert Pirès en Inde. « Robert qui ? Je ne connais aucun joueur et je ne connais rien au football, raconte Anurag en se marrant. Je travaille à Mumbai pour Videocon (sponsor maillot du FC Goa, ndlr), on m’a offert la place. » Ce n’est pas avec lui qu’on va discuter du placement de Pirès ou de l’aisance technique d’Anelka. Quelques mètres plus loin, Surojit, moustachu, la cinquantaine, est très énervé. Un groupe d’étudiants devant lui regarde le match debout. « Asseyez-vous ! » gueule-t-il, joignant le geste à la parole. Ils s’exécutent tous, sans broncher. Un quart d’heure de jeu et première occasion pour les locaux. Anelka décale l’ailier indien Lalrindika Ralte qui rate totalement sa frappe. Surojit se lève. « Je l’aurais mise ! » s’enflamme-t-il. Il pointe du doigt chacun de ses voisins. « Tu l’aurais mise, toi aussi, toi aussi ! »

Ce type est possédé. Pas le temps de lui poser une question, il se lance dans un monologue. « Je regarde le foot depuis la Coupe du monde 1982, » explique ce connaisseur. Autour de lui, plus personne ne regarde le match. Ils l’écoutent réciter le nom des joueurs de la Seleção au Mundial 82. On réussit finalement à en placer une. « Ce que je pense d’Anelka ? Pas mauvais, mais sans plus. De toute façon, les joueurs actuels ne me font pas rêver. Le dernier grand, c’était Zidane. Sûrement pas Materazzi, hein ! » s’amuse Surojit, très fier de sa blague. Mi-temps. 0-0. Deux occasions pour Mumbai, aucune pour Goa. Ce match est bien terne. Soudain, un énorme brouhaha descend des tribunes. Deux beaux gosses apparaissent sur les écrans du stade. « C’est Ranbir Kapoort et Amir Khan, deux superstars de Bollywood ! » m’explique-t-on. Excellente idée pour réveiller ce stade à moitié endormi.

« J’ai déjà fait 1000 km pour rencontrer Dwight Yorke »

Début du second acte. Pour regarder le match debout sans se faire pourrir par Surojit, le groupe d’étudiants s’est décalé de quelques mètres. Ils sont à peu près les seuls à chanter « MUMBAI, MUMBAI ! » Pourtant, aucun n’est originaire du coin. « On habite à Bharuch dans l’État du Gujarat. On supporte Mumbai car c’est l’équipe d’ISL la plus proche de chez nous, explique Sufi, 20 ans, benjamin de la bande. C’est notre premier match au stade. » Pour faire les 380 kilomètres qui séparent les deux villes, ils ont mis 7 heures. On comprend pourquoi ils ne viennent pas plus souvent. « C’est pas grand-chose, poursuit un autre. L’année dernière, j’ai roulé de Bharuch jusqu’à New Delhi (1000 kilomètres) pour rencontrer Dwight Yorke. Il était de passage en Inde pour une séance de dédicace. » Gros consommateurs de football anglais, comme tous les Indiens qui s’intéressent au foot, ils sont spécialement venus voir Anelka et Pirès. Les deux meilleurs amis de Raymond Domenech ne sont pas dans un grand jour. L’attaquant de Mumbai garde ses bonnes habitudes et décroche sans cesse. Sauf que ses partenaires ne prennent pas la profondeur. De son côté, le joueur du FC Goa, dans un poste de meneur reculé « à la Pirlo » , ne trouve pas ses attaquants, bien trop statiques. N’est pas Thierry Henry qui veut. Coup de sifflet final, score nul et vierge au DY Patil Stadium. Les spectateurs restent à leur place et exultent comme jamais depuis le début de la rencontre. La raison ? Les deux vedettes de Bollywood viennent de faire leur entrée sur la pelouse. Ils tirent et marquent un penalty chacun. Les supporters indiens ont certainement le sentiment d’en avoir eu pour leur argent.

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Par Paul Pradier, à Mumbai

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