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On était à Milan-Sassuolo et c’était tristounet

Par Valentin Pauluzzi, à Milan
5 minutes
On était à Milan-Sassuolo et c’était tristounet

Ce mardi, c'était l'entrée en lice des huit derniers clubs de Serie A en Coupe d'Italie, compétition dont tout le monde se fout de l'autre côté des Alpes. Et quelque part, ce Milan-Sassuolo l'illustre bien.

Deux carabiniers qui dégustent tranquillement leur panino alla salamella, membres d’un service d’ordre qui n’a jamais paru autant superflu. Les règles sont les règles certes, mais sincèrement, un soir de Milan-Sassuolo de Coupe d’Italie, ils seraient bien plus utiles ailleurs. D’ailleurs, pas un mot ne filtrera sur le nombre de troupes mobilisées, secret défense : « Faut voir avec le service des relations syndicales, mon bon monsieur. » D’accord, Marcello Patulacci. Peut-être éprouvent-ils un peu de honte d’être payés à glander. Rappelons que l’État, qui finance ces services, pousse pour que les clubs récupèrent le bébé. Ce sont quand même les impôts du peuple italien dont on parle là. Comme prévu, ce 8e de Coupe nationale ne passionne pas grand monde et les clubs sont les premiers à montrer des signes de désintérêt. La direction du Milan a décidé de fermer 6 des 11 secteurs qui composent San Siro dont tout le troisième anneau. Ça fera des économies sur les stades et le nettoyage d’après-match. Affluence ? 8393 spectateurs. Finalement, on s’en sort pas si mal, probablement grâce à une température plus clémente que prévue, et la fameuse nebbia milanaise qui nous laisse tranquille ce soir. Par contre, il faut bien lâcher son petit billet pour avoir une bonne place de parking.

« Ils sont 20 000 à Bristol en ce moment même »

La Coupe d’Italie est aux transalpins ce que la Coupe de la Ligue est aux Français, en pire. Au moins lors des premiers tours. Il faut dire que la formule bancale et élitiste n’aide en rien à la faire entrer dans les mœurs des autochtones : « Ces matchs-là, ça vaut pas plus qu’un amical » confie Vincenzo venu braver l’ennui et le froid, « Y a rien à faire, ça ne fait pas partie de la culture italienne, ça commence à être intéressant à partir des demi-finales, pas avant. » Mais pourquoi est-il là alors ? « Pour les abonnés, l’entrée est gratuite, et pour les autres ben, ça coûte moins cher, c’est l’occasion d’assister à une rencontre au premier anneau rouge par exemple… » Il finit sur un coup de gueule : « Mais nous, on vient assister à ces rencontres pourries, on devrait avoir la priorité au moment de la mise en vente des places pour les derniers tours, c’est trop facile de n’être présent que quand il y a un intérêt. » La méritocratie pour remplir les travées lors des matchs les moins intéressants. Pourquoi pas après tout.

Très vite quand on parle de la coupe, les références vont à la France et à l’Angleterre. Venu de Parme, Roberto en a gros sur la patate : « Ce soir même, y a Bristol City-Doncaster en FA Cup, deux équipes de troisième division, stade de 20 000 places, pleins à craquer ! » À travers ses yeux rouges, on peut lire le respect envers une nation forte en traditions. « Et puis l’inversion de terrain comme en France, moi j’aimerais bien qu’on aille à Monza ou Sesto, et même plus loin encore, ça ferait de superbes déplacements » , surenchérit son pote à la barbe graissée de mayonnaise. En effet, ce soir, les Sassolesi sont une petite dizaine, et on n’a même pas daigné les mettre dans un parcage séparé du reste du stade. Toutefois, on a récemment vu de beaux exodes à San Siro, les tifosi de Novara et La Spezia étaient venus par milliers. Imaginez ce que le Piola ou le Picco aurait pu donner s’ils avaient reçu les Rossoneri.

« Ce soir, je fais 100 € de recettes »

Le Coupe d’Italie ne fait pas que le malheur des tifosi, mais aussi de tout ce qui gravite autour du stade. Daniele est attablé à sa bancarella où s’entassent les produits de contrefaçon officiels. Un classique du marketing à l’italienne. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il fera recette : « Pas le choix, faut faire acte de présence, mais je préférerais être bien au chaud chez moi, d’ailleurs je plie les gaules dans une heure, une fois que la rencontre débute. La recette de ce soir ? Boh, 100 €, pas plus. » Eux ça va, leur marchandise n’est pas périssable, mais quid des camions de sandwichs ? Peut-être une soirée à perte. Ce soir, le Milan a tout de même décidé de mettre le paquet, car la Coupe d’Italie est l’objectif déclaré du club, ainsi de nombreux titulaires sont alignés, mais pas de quoi faire frémir les supporters lombards : « On a gagné des Coupes d’Europe pendant des années, on va pas fêter une Coupe d’Italie. Je n’arrive même pas à me faire à l’idée qu’on pourrait défiler en bus avec cette Coupe » , s’exclame Roberto. Après le caviar, les œufs de lompes sont indigestes, dit un vieux proverbe bantou, « Che cazzo ce frega della coppa » la version italienne signée Vincenzo. Dans un style moins imagé certes, mais tout aussi convaincant. Le speaker s’efforce de donner de la voix et annonce le nom des joueurs comme pour un match normal, mais les blases d’Albertazzi et Agazzi résonnent plus que jamais. Timidement, la mascotte Milanello (un diable) salue les tribunes et quand l’hymne du club retentit, on ressent presque comme un malaise. Heureusement, les ragazzi de la Curva Sud ont plutôt répondu présent. Pas en masse, mais avec le leader « Il Barone » et son bomber orange fluo au centre de l’ancienne « fosse aux lions » . Doucement, mais sûrement, le froid descend dans les travées et lorsque Sansone égalise sur penalty pour les visiteurs peu après l’heure de jeu, on prie pour qu’il n’y ait pas la prolongation, voire les tirs au but. Heureusement, Nigel de Jong délivre tout un peuple… et une tribune de presse. Enfants, amis et bimbos sont venus mater le match à l’œil grâce à la complicité d’un service de presse légitimement indulgent. Le Milan, lui, passe en quart et encaisse une recette de précisément 53 095 € et 50 cents. De quoi payer cinq jours de salaire à Mexès.

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