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On était à Madrid pour la finale Atlético – Real Madrid

Par FM Boudet, à Madrid
7 minutes
On était à Madrid pour la finale Atlético – Real Madrid

Si la finale a eu lieu à Milan, la capitale du football était bien Madrid ce samedi. Pour la deuxième fois en trois saisons, l'Atlético et le Real se sont retrouvés pour soulever de grandes oreilles, avec le même épilogue. On était dans les rues de la capitale espagnole pour assister au duel des frères pas vraiment ennemis.

Le temps est lourd sur Madrid, ce samedi. Comme vendredi, le thermomètre approche les 30 degrés. Même le ciel semble devoir relâcher la pression avant la grande finale. Un déluge s’abat sur la Puerta del Sol l’après-midi, qui se transforme alors en quelques instants en Aqualand. D’ordinaire, le football est une religion sans ostentation à Madrid. Mais aujourd’hui, les maillots des deux équipes fleurissent dans toute la ville. Il faut montrer son appartenance. Merengue ou Colchonero ? Tout le monde doit avoir son équipe. Même les petites étudiantes américaines en goguette dans les rues de la capitale du royaume sont priées de choisir leur camp, pressées par des gars qui ont probablement une idée derrière la tête.

Zidane, cette châtaigne

Simon a 14 ans et les petits yeux d’un gamin qui a beaucoup rêvé avant de s’endormir. Mais quand il s’agit d’évoquer la finale, les étoiles illuminent ses rétines : « Cette année, je le sens plutôt bien pour l’Atleti, Griezmann est super fort en ce moment, je suis sûr qu’il va marquer ce soir. Mais pourtant c’est le Real le favori parce qu’il ne perd jamais de finale de Ligue des champions. » Et Zidane dans tout ça ? « Comme joueur, il n’était pas mauvais c’est sûr, mais comme entraîneur, c’estuna castaña, un tocard ! » . Il y a deux ans, il était à Vicente-Calderón, mais en raison d’un concert « maltapropos » de Paul McCartney prévu le 2 juin, c’est la BarckleyCard Center qui accueille quelques 11 000 socios contre une obole de 5€. De son côté, le Real Madrid a également proposé des billets à 5€, reversés à sa fondation pour remplir Santiago-Bernabéu. Les 80 000 sièges ont été pris d’assaut et des tickets sont même refourgués à 80€ l’unité.

Godín fait la bise à Arbeloa

Ce qui retient l’attention quand on déambule dans le centre de la capitale, c’est le mélange entre supporters des deux camps. On n’a pas le même maillot, mais on est tous Madrilènes en somme. Les terrasses se sont repeuplées depuis que la pluie a cessé, ça enquille les bières et les montaditos. Tuniques immaculés et rojiblancas se côtoient, se saluent, s’embrassent. Les autorités françaises devraient faire un stage en Espagne, ça leur ferait du bien pour sortir des clichés… À l’ombre des arcades Plaza de San Miguel, c’est l’heure de la pose clope pour Fonzy (espérons pour lui que ce ne soit que son surnom). Maillot floqué Godín, il fait un pressing tout terrain façon Bielsa pour récupérer les 06 de deux touristes anglaises court vêtues. Supporter rojiblanco « depuis qu'[il a] 6 ans, depuis que Simeone, Kiko, Penev et Caminero ont réalisé le doublé, le 25 mai 1996 » , il est venu de la Rioja avec des amis. Apparemment, il n’en est pas à sa première cubata de whisky-coca. Pas sûr qu’il soit en mesure de voir tout le match. « Le Cholismo, ce n’est pas du football, explique-t-il entre deux gorgées et une énorme bise claquée à une supportrice merengue qui porte un sémillant n°17 Arbeloa. Le Cholismo, c’est une leçon de vie ! Depuis qu’il entraîne, je vois la vie d’une manière tout à fait différente. Ça veut dire que si je m’arrache, si je travaille énormément pour ce dont je rêve, peu importe les différences et les obstacles, je peux y arriver ! Et comme on dit entreColchoneros:nunca dejes de creer! N’arrête jamais d’y croire ! » Face à lui, Angel a le cœur blanc et arbore fièrement son maillot de Casemiro : « Regarde, j’ai le numéro 38, le premier qu’il a eu quand il a signé au Real. J’ai toujours cru que c’était un crack. Dans le football, il faut savoir détruire, faire de bonnes fautes, récupérer pour mieux créer. Benítez disait que c’était la clé et il avait raison, mais il était tropamarrategui, frileux. Zidane a pris de lui et d’Ancelotti. Et puis, Zizou a ce charisme et ce leadership qui font que les joueurs croient en ce qu’ils font. »

Et Cibeles terrassa Neptuno

Quand on n’a ni le budget pour aller à Milan, ni un précieux sésame avec les socios, il faut faire un choix stratégique pour voir le match. C’est-à-dire, être dans l’ambiance et surtout être proche de Cibeles et Neptuno pour la fête d’après-match. À côté de la Plaza Mayor, un pub avec deux serveurs qui ne détonneraient pas dans un téléfilm de TF1 demandent deux fois les commandes systématiquement et vous ramènent la caña avec du maïs grillé ou des chips beaucoup trop salées. Au départ Madridiste, la salle s’est teintée de rouge. Espagnols, Français, Suisses, Anglais, Indiens : sacré melting pot ! Un couple mixte enquille les Coronas. Et quand Ramos perce les ficelles, Madame, dont le chihuahua est tatoué sur son avant-bras droit, prend un malin plaisir à chambrer son cher et tendre. Derrière eux, un gars exulte : « J’avais mis 10 sacs sur Ramos premier buteur, la cote était à 36 ! » – « Bah c’est cool ça, tu vas nous payer ta tournée » , répond son groupe de potes. Quand Griezmann s’élance pour frapper son penalty, les portables sont braqués sur l’écran. Il ne s’agirait pas de louper l’égalisation du Français… Une barre fracassée plus tard, les Merengues arborent un sourire jusqu’aux oreilles, tandis que les Colchoneros baissent la tête. L’égalisation et la galoche de Carrasco sont saluées par un déferlement en direction du zinc. Ça sent la prolongation, mieux vaut recharger dès maintenant en houblon. Dehors, des touristes flânent. Ils sont à quelques mètres de la porte et pourtant, on dirait qu’une faille spatio-temporelle les sépare du bar grouillant. Être à Madrid et ne pas vivre ce match, même quand on n’aime pas le football, c’est assez désolant. Comment espérer comprendre une ville sans assister à ce moment si particulier ? Dans une atmosphère étouffante, Rob de Norwich attend les tirs au but : « Ce match est tellement tendu, c’est très compliqué de trouver des espaces et les joueurs sont tous cramés. Tiens, regarde Bale qui est crampé… Je préfère l’Atlético, mais plus ça avance, plus je vois le Real gagner. » Lors de la séance de tirs au but, les deux clans applaudissent les réussites de leurs protégés… jusqu’au poteau de Juanfran. Cristiano s’avance. Le pub, Madrid, le monde entier pressentent la même chose, au même instant : la messe est dite, le Portugais ne peut pas rater l’occasion d’être le héros en couverture des journaux du lendemain. Les Madridistes sont aux anges et partent hurler leur bonheur Plaza de Cibeles. Pour les Rojiblancos, c’est la douche froide, une nouvelle fois.

Sergio Ramos, taxi et ADN

Que l’on aime ou pas le Real Madrid, la fête à Cibeles, c’est à vivre. Sur le chemin, des groupes ont improvisé un « botellón » à base de vodka et de Fanta citron. Petit à petit, les maillots blancs s’agrègent autour de la scène siglée Campeo11es. Un écran géant diffuse la chaîne officielle du club, la conférence de presse de Zidane, les images de la célébration à Milan. « Sergio Ramos vient de tweeter ! Antena 3 est en direct et vous filme, faites du bruit ! » , lâche un DJ qui mélange les chants à la gloire de la Casa Blanca et les tubes ignobles des boîtes de nuit ibériques. « Cómo te voy a querer, cómo no te voy a querer, si eres campeón de Europa por undécima vez » répond à « el taxi lo paro con una mano, lo paro que yo la vi cho cho cho fer para el taxi » , « Hala Madrid y nada mas » à l’indémodable « We are the Champions » . Quelques colchoneros se font du mal et ont accompagné leurs amis ivres de bonheur. Quitte à être maudits, autant y aller à fond. Le « fiestón » se terminera quand poindra le soleil. Le lendemain, malgré la déception, les Matelassiers doivent se faire une raison. « Tu vois la différence entre l’Atlético et le Real Madrid, elle est là, explique Maria qui fait défiler les photos d’elle et son neveu à la BarckleyCard Center avec leur maquillage rouge et blanc sur les joues. Les Madridistes, quand ils sont allés tirer, ils savaient au fond d’eux qu’ils allaient gagner. Je ne sais pas si c’est en rapport avec l’ADN des deux clubs, mais la fin était presque prévisible. » Ce n’est pas une raison pour se laisser abattre. Un jour, ils reviendront, c’est sûr. Nunca dejes de creer.

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