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  • Italie/Uruguay (0-1)

On était à l’Olimpico

Par Lucas Duvernet-Coppola, à Rome
4 minutes
On était à l’Olimpico

C’était un match amical pour les 150 ans de l’Unité italienne. Le matin, la Nazionale avait rendu visite au Président de la République. Ca, plus le football pratiqué par l'Italie de Prandelli, on s'est dit que ça valait peut-être le coup de se prendre un billet en virage.

Dans les coursives, avant de rentrer en tribune, des affiches célébrant l’unité italienne sont distribuées aux spectateurs, « pour la chorégraphie d’avant le coup-d’envoi » . Chouette, le rendu peut être sympa. La vérité, c’est que les virages sont à moitié vides, et que presque tout le monde se sert du bout de carton pour s’asseoir dessus. Les sièges de la Curva Nord de l’Olimpico ne sont pas très propres, surtout pour ce père de famille, qui explique avec pédagogie la chose à son fils d’à peine 10 ans : « C’est important de se protéger de la crasse de ces sièges, d’habitude dans ce virage, il y a les supporters de la Lazio, et ils sont dégoûtants » . Leçon retenue par le fiston.

De Rossi et Pirlo, les esthètes

Lorsque la Nazionale rentre sur le terrain pour s’échauffer, l’ambiance se réchauffe un petit peu. Les joueurs s’échauffent devant le virage Nord. Un bon moyen de voir les chouchous. Sans surprise, Gigi Buffon l’emporte à l’applaudimètre. Il faut dire que le capitaine sait y faire : dès que qu’un spectateur l’interpelle, il se retourne pour saluer entre deux parades. Plus qu’un footballeur, les gestes de Buffon sont ceux d’un ambassadeur à qui l’unité de son pays tient fortement à cœur. Hélas, pour l’unité, on repassera. Il y a ceux qui insultent Osvaldo parce qu’il joue à la Roma, ceux qui l’encouragent parce qu’il joue à la Roma, et ceux qui l’insultent parce qu’il est Oriundo. Il y a ceux qui insultent Balotelli parce qu’il a joué à l’Inter, ceux qui l’ovationnent parce qu’il est bon, et ceux qui font des cris de singe parce qu’il est noir. Il y a ceux qui sifflent De Rossi parce qu’il est à la Roma, ceux qui l’ovationnent parce qu’il est à la Roma, et celles qui l’ovationnent parce que oui, Daniele De Rossi est beau. Au milieu de tout ça, Andrea Pirlo trottine comme un prince, avec une classe au-dessus des autres.
La composition des joueurs de l’Uruguay (prononcer « Ourougouaille » en roulant les ‘r’, en vo), est un joli concert de sifflet. Seul Muslera récolte quelques applaudissements des Laziali, tout juste perceptibles parmi les insultes des supporters de la Roma. Ah : rare moment d’unité, l’évocation de Cavani. Bronca générale. Car, avant d’être Urugayen, Cavani est un Napolitain, un ennemi commun. « Un sale Napolitain » , croit bon de préciser le père de famille. Le coup d’envoi est donné après les hymnes (celui de l’Ourougouaille étant sifflé comme il se doit), à peine le temps de finir les panini à la salsiccia ou à la porchetta que déjà les visiteurs ouvrent le score. C’est le moment que choisissent les supporters pour lancer le premier « Italia Italia Italia » , qui ne durera que quelques minutes.
« Merda ! stronzo stronzo stronzo »

Pas grand chose pour se réchauffer, à part les rares coups d’éclat de Balotelli et les invectives de Gigi l’Ambassadeur à ses défenseurs. Pendant la mi-temps, le speaker lance un Popopopopopo sur l’air de Seven Nation Army. Depuis que la Nazionale s’est cousue une quatrième étoile sur la tunique, la chanson fait figure de deuxième hymne. La deuxième mi-temps sera tout aussi terne. Le père de famille, décidément enclin à la transmission, expliquera à son mioche que l’Uruguay, « comme Naples, c’est dégueulasse » , tandis que l’expulsion de Pereira représentera la seule occasion de vibrer réellement pour le public. L’arbitre en prendra aussi pour son grade, les dégagements de Muslera seront accompagnés de la version italienne du « oh hisse enculé » , à savoir « merda ! stronzo stronzo stronzo » , soit « Merde, connard (ou con), connard, connard » , pour un rendu des plus appréciables, et la sortie d’Osvaldo sera l’occasion d’un beau déchainement de haine.
Fin du match, Gigi salue à peu près tout le monde, les Italiens redeviennent Laziali ou Romanistes et s’attribuent réciproquement la défaite. Le père de famille, lui, a compris : « au milieu de terrain, il manquait Francesco Totti » .

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