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On était à l’hôtel du Brésil
Canapés en cuir bien cosys, ambiance "Sky on the rocks", pulls jacquards et rugby. C'est parmi la communauté riche, blanche et fan d'ovalie que le Brésil a décidé de poser ses valises pour la coupe du monde. Infiltration dans un monde d'Afrikaans où le football n'existe pas.
C’est dans la banlieue chic et paranoïaque de Johannesburg que les brésiliens préparent secrètement leur premier de match de Coupe du Monde contre la Corée du Nord. Plus précisément, au Fairway Hotel de Rastenburg. Le quartier tout entier est devenu un bunker depuis l’arrivée de la Seleçao. A l’entrée de la zone, un mec avec un chasuble orange vous ouvre une immense barrière sur laquelle il a accroché un drapeau sud-africain et un autre brésilien. Quelques centaines de mètres plus loin, cinq autre gars de la compagnie Piranha Security ouvrent les portes du paradis. Une cinquantaine de bagnoles de luxe meublent le parking. Pour ne pas faire tache devant tant d’opulence, le responsable du parking demande aux journalistes de garer leur Toyota Yaris et autre Fiat Punto pourraves non loin de la benne à ordure. Standing oblige. Ici, c’est clair, on a tendance à péter beaucoup plus haut que son cul. L’endroit affiche ses cinq étoiles, ses 62 chambres full options, ses 2 suites présidentielles, ses 14 villas Golfs et son « cocktail bar » bien comme. De quoi faire de l’ombre à l’hôtel des français.
Aujourd’hui, Felipe Melo et Michel Bastos se prêtent à l’exercice de la conférence de presse. Pour faire attendre la cinquantaine de journaliste présents, l’attaché de presse balance quelques tubes bossa nova de Caetano Veloso. Michel Bastos est le premier à prendre le micro. Visiblement ça le fait chier d’être là, et il le montre. Dans une voix monocorde, le lyonnais débite une multitude de banalités avant qu’un journaliste lui annonce qu’il fera – 2°C le jour du match contre les asiatiques. « C’est pas grave, tempère-t-il. Ca fait quatre ans que je joue en Europe. En France j’ai déjà joué par moins 10 degrés alors jouer par moins deux degrés pour moi c’est chaud » . Michel a l’air confiant, voire carrément hautain. Quand un journaliste de TF1 lui pose une question en français il fait mine de ne rien comprendre et lui demande de reformuler la question en portugais…Oui, c’est un fait, Bastos a pris le melon depuis qu’il est en jaune. Pour Felipe Melo, c’est exactement le contraire. Très critiqué pour son affreuse saison sous les couleurs de la Juve, le carioca essaie de se refaire une nouvelle image auprès de ses compatriotes, en la jouant profil bas. La sélection, il le dit lui-même, c’est son petit réconfort après une année catastrophique avec la vieille dame: « Malgré tout ce qu’on dit de moi, j’ai fait une excellente saison à la Juve. J’ai battu tous les records de ma saison soit disant parfaite à la Fiorentina. C’est collectivement que la Juve a mal joué. Pas moi. Dans la sélection, j’ai des amis, on me fait confiance ce n’est pas forcément le cas dans mon club » . Melo, un joueur qui a une vision particulière des choses. La preuve : « Si les nord-coréens sont ici, c’est bien pour quelque chose. Pour moi affronter le Portugal, l’Angleterre ou la Corée c’est pareil. Ce sont toutes des bonnes équipes » .
A quelques mètres de là, dans la terrasse du bar, personne ne sourcille par rapport aux propos de Melo. Ici, tout le monde se fout du football. A commencer par Anthony, un abonné des greens du club house : « Le football est un sport violent qui ne nécessite pas de réflexion. Le rugby et le golf c’est bien plus intéressant et enrichissant » . Comme tous ses collègues du parcours, Anthony, cigare aux lèvres, a un caddy noir qui lui porte son sac et pousse son chariot rempli de clubs. Pour le coup, pas sûr que ça colle vraiment avec le Joga Bonito…
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