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On était à la remise du titre du PSG au Trocadéro
Après 19 ans de frustration, le PSG n'a pas perdu de temps pour organiser les festivités du troisième titre. Et quel programme... Une remise de l'Hexagoal place du Trocadéro, suivie d'une croisière en péniche sur la Seine. De quoi faire rêver les touristes. Et les Qataris. La fête a pourtant tourné court. Affrontements, spectacle de cinq minutes, puis livraison de pizzas au Parc, récit d'une soirée gâchée.
La ligne 9 s’est parée de bleu et de rouge en cette fin d’après-midi. Il est 17h15, et quelques gamins du Blanc-Mesnil, chandails du PSG sur les épaules, tentent de mettre un peu d’ambiance dans la rame. Un mec d’une trentaine d’années chante avec eux, puis les prend de haut : « Et les gosses, y’a qu’une seule tribune, c’est Boulogne » . Les « gosses » ne bronchent pas. En fait, ils n’ont sûrement pas compris, puisque quelques secondes plus tard, « Cristiano » pose une question existentielle. « C’est quoi un hooligan ? » « C’est un mec qui vient juste pour se taper » , lui répond son pote. « Ah ouais, c’est un skinhead quoi. » Pas tout à fait… De toute façon, l’ancien les a déjà oubliés. Il a trouvé une autre cible. Pour chambrer les supporters, un mec un peu ivre gueule à tue-tête. « Et les Parisiens, vous connaissez Giroud ? » Le type de Boulogne réplique : « Retourne dans le Nord, sale Ch’ti ! » Amis géographes, prenez place. À la sortie du métro, le soleil pointe sa gueule, tranquille. Décidément, QSI est même parvenu à arroser les cieux. Il y a déjà du bruit. L’ambiance est plus chaude que lors du meeting du candidat Sarkozy : pétards balancés toutes les 30 secondes, chansons à la gloire des postérieurs marseillais.
Tout ça sent bon l’après-midi festive. Des bobos en Ray Ban armés de leurs fanions et de leurs boudins Fly Emirates, aux classiques casquette-requins-maillot, en passant par les touristes curieux, la place devient vite noire de monde. Il est 18 heures. « J’aperçois quelques demoiselles vêtues de nos couleurs, et beaucoup de supporters mââââles ! » balance le speaker du Parc, réquisitionné pour l’occasion. Ce sera donc une soirée entre couilles. Parfait. Symbole d’une nouvelle époque, les noms d’Ibrahimovic et Beckham fleurissent sur les dos des gens. Trois gaillards avec des écharpes des Boys préfèrent celui de Verratti. Question de charisme. « Qui était là pour le titre en 1994 ? » demande le speaker. « Moi !! » répond en cœur la masse. « Paye tes mythos ! » Ouais, paye tes mythos… Aux « Ici c’est Paris » , un vieux rétorque un magnifique « Ici c’est Noisy ! » Fou rire général. L’OM en reprend pour ses fesses : « Nique Gignac et Valbuena ! Nique les Baumettes, le Vieux Port et Plus Belle La Vie ! » Culture.
L’entrée des artistes
L’ambiance monte peu à peu, mais ce n’est pas encore le carnaval. On ne voit pas grand-chose, et on est serrés. De plus en plus serrés. En fait, le Trocadéro n’est pas très grand, et on commence à s’en rendre compte. Les gens continuent d’arriver en masse, mais pas les joueurs, qui semblent avoir pris du retard au départ du Parc. Au loin, on voit la grosse tête d’Alexandre Ruiz sur l’écran géant, qui accueille les joueurs sur son bus à impérial. On va donc patienter encore un peu. Un vieux prévient : « Ça va pousser » . Et en effet, ça pousse. Quelques filles sont exfiltrées par-dessus les têtes. Une jeune chinoise angoisse. Elle regarde son copain, baragouine quelques mots en mandarin, puis tourne la tête à gauche, comme tout le monde.
Il est 18h15, et les Ultras font une entrée fracassante. Derrière une banderole « virage Auteuil » , le cortège se fraye un chemin jusqu’à la scène en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Enorme pogo, fumis à gogo, cette fois la soirée peut débuter. Dix minutes plus tard, les première barrières volent en direction des stewards, les coups partent, et les CRS interviennent pour mettre un peu d’ordre. Le calme semble revenir, mais l’atmosphère s’est alourdie. « C’est la guerre mon frère » , constate un supporter. « Qu’est-ce qu’ils sont débiles d’avoir fait ça ici… » , peste un père de famille. L’horloge tourne et toujours pas de bus à l’horizon. On essaye de mater son trajet sur les écrans, mais c’est galère. Interdits dans les stades, les fumigènes sont de sortie sur le parvis des droits de l’homme. Et puis merde, 19 ans d’attente, les supporters peuvent se permettre de vivre ça à l’arrache. Soudain, tous les regards se tournent vers le Musée de la Marine. Un mec assez courageux, et certainement bien arraché, a escaladé le gigantesque échafaudage qui jouxte le bâtiment. « Je vous invite à vous calmer, descendez de la structure » ordonne le speaker. « Les conditions de sécurité actuelles ne permettent pas l’arrivée des joueurs » , lance-t-il, presque abattu. Mais le héros du jour est bien lancé. Il rejoint le toit du musée puis brandit son écharpe, gratifiant au passage la foule de quelques mouvements obscènes. Les caméras de télévision sont braquées sur lui. Quart d’heure de gloire. Une vingtaine d’individus l’imitent à leur tour, et déploient une banderole « Liberté pour les Ultras » depuis l’échafaudage. Le speaker tente à nouveau de les raisonner, avant de recevoir un monumental « Ta gueule! » de la part du public. Suivi d’un prémonitoire « Ça va péter, ça va péter, ça va, ça va, ça va péter » . Pendant ce temps, la tribune de presse est investie par un groupe. Pas de violence, mais un constat limpide pour les journalistes : il est temps de quitter le navire.
« C’était déjà la même à Urban Peace »
Ca commence à partir dans tous les sens, et enfin, avec une heure de retard, le bus tant attendu du Paris Saint-Germain arrive. Les joueurs montent sur scène, on aperçoit Mamadou Sakho, puis plus rien. Feux d’artifices, fumis et bombes A pètent dans tous les sens. Le soleil donne mais le ciel est gris. Gris de fumée. Ils sont sûrement rares ceux à avoir vu Thiago Silva lever rageusement le trophée de champion de France. Et puis ça repart. De nombreuses personnes quittent l’esplanade. « Ils sont où les joueurs ? » , se demandent certains. « Ils se sont déjà barrés je crois » , leur répond un autre. En effet, les champions de France ont déjà fait demi-tour. Après 6 minutes de show. Sept diront les optimistes. En se rapprochant un peu de la scène, on comprend que les choses ont bien dérapé. Un affrontement entre d’un côté les forces de l’ordre, terrées au pied de l’estrade et protégées par de maigres barrières, et de l’autre des mecs assez remontés qui rentrent dans le tas.
Ces mecs sont-ils des Ultras ? On ne sait pas. En tout cas, les tessons de bouteilles volent, les pierres aussi, et tout ce qui passe par la main. On perçoit des gars qui se masquent le visage avec leurs écharpes et enfilent leurs capuches. Là, la fête n’est plus. Ou elle ne fait que commencer, c’est selon. « Paris c’est une ville d’enculés, putain » lance un jeune, dépité. « C’était déjà la même à Urban Peace » . Les CRS réagissent. À coups de charges successives et de grenades lacrymo, l’esplanade se vide rapidement. De là, les gens se dispersent vers les rues adjacentes, laissant derrière eux un Trocadéro digne du film « Bataille à Seattle » . Un bon groupe de supporters chante et continue son spectacle pyrotechnique en descendant l’avenue Raymond Poincaré. Les voitures commencent à prendre cher, mais les vitrines n’ont pas encore été pétées. Les agents de sécurité de la boutique Catherine Max, eux, sont sur les dents, et tentent de protéger des clientes apprêtées qui n’osent sortir dans la rue. Le cortège se dirige maintenant vers l’Arc de Triomphe, puis s’engage sur les Champs. Nous, on s’arrête-là.
par Aymeric Le Gall et Clément Chaillou