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On était à la présentation « Horizon 2020 » du Stade de Reims
En pleine semaine mais aussi en pleine période de crise, le Stade de Reims ne s’est pas dégonflé pour programmer une réunion liée à son avenir, après 84 ans de montagnes russes. Récit d’une soirée entre horde d’hôtesses, bulles dorées et liens à tisser.
La bruine fait son apparition sur la place de la gare. Plus court moyen de transport vers le complexe sportif Louis Blériot, le tramway A direction Neufchâtel dépose à cinq minutes de marche du point de ralliement. Il est 17h45, la soirée prévoit d’accueillir officiellement ses invités dans un quart d’heure. Des personnes affiliées au Stade de Reims sont déjà présentes, comme Pierre, chargé de la partie marketing. « Je pense qu’on est bien sur les préparatifs. Hier, nous avons fait une répétition avec les salariés, pour présenter le Powerpoint. On a mis un moment avant que le programme soit prêt à démarrer… Mieux valait prendre des précautions ! » Si la communication est si bien travaillée, c’est que le stade de Reims prépare un coup de filet médiatique. Le but ? Parler du projet Horizon 2020, avec deux objectifs principaux à faire valoir d’ici cinq ans : viser un budget supérieur à 40 millions d’euros et intégrer par la même occasion le top 10 de la Ligue 1. Le plus proche voisin géographique du PSG en L1 garde a priori la tête sur les épaules : son budget pour la saison en cours est de 31 millions d’euros, la moyenne des classements finaux du club depuis sa remontée dans l’élite en 2012 se situe à la quatorzième place. Un plan de développement mesuré, dans une soirée annoncée pétillante.
Veuve Clicquot régale, Hungaria déballe
Peu avant le démarrage, les membres du staff se réunissent avec une pléiade de joueurs au rendez-vous. Mickaël Tacalfred, Franck Signorino, Mohamed Fofana, Anthony Weber sont bien là. Bénévole pour l’occasion, Michel ouvre les portes du complexe sportif aux membres du club depuis plus d’un an. Petite visite guidée, entre salle de balnéothérapie puis celle des chaussures, souillées par l’odeur de la pelouse grasse sur les crampons. Une fois le petit tour protocolaire effectué, l’ambiance commence réellement à s’animer. Les hôtesses proposent ainsi des hors d’œuvres jambon-fromage pour démarrer l’apéritif, évidemment accompagné de la religion locale : le champagne. La décision de la maison s’est portée sur Veuve Clicquot. Au second plan, Sébastien Hamel, non adepte des délices locaux, fait ses aveux sans modération. « Des murges, je m’en suis mis jusqu’à mes 22 ou 23 ans, explique le coach des gardiens. Quand je suis arrivé au Havre, j’ai connu le monde des sponsors, ça t’emmène en soirée à droite à gauche, au début tu bois des coups, t’es pris dans le truc. Mais bon, j’ai su bloquer au bon moment. »
Après quelques photos d’usage et une heure de serrage de pinces, Jean-Pierre Caillot invite ses hôtes à venir squatter la salle vidéo dotée d’une grosse cinquantaine de sièges. Le PDG fait face à la salle où se trouve sa femme, Olivier Guégan en smoking bien cintré et des journalistes prêts à écouter l’exposé du boss depuis 2004. « On va vous présenter notre horizon 2020, vu la tendance actuelle, certains pourrait nous conseiller de s’occuper surtout de l’horizon 2016 ! » Vient ensuite le grand classique. « Y a un souci avec le Powerpoint ! » se plaint Didier Perrin, président de l’association du club. Moment de flottement. « C’est bon ? » stresse l’intéressé. « Nous avions pourtant démarré notre exposition de répétition sans encombre hier… » Bien tenté, Jean-Pierre. La reprise en main effectuée, les grandes phrases promotionnelles peuvent démarrer. Ainsi, l’évolution budgétaire devrait trouver son bonheur à travers trois forces : les droits TV, susceptibles d’augmenter si le club passe cinq saisons révolues en Ligue 1, un sponsoring au-delà de la Champagne-Ardenne et des ventes de billets et produits dérivés en hausse afin de fidéliser ses clients. En guise de bouquet final, le club annonce un partenariat de quatre saisons avec l’équipementier Hungaria à partir de l’intersaison 2016-2017. « Hungaria et le Stade de Reims sont nés la même année, celle de la naissance de Raymond Kopa, en 1931, sourit Caillot. Je crois que notre association était programmée. » Des vieux pour du neuf ?
« Le même remix tourne en boucle depuis ce matin »
Pendant que le gotha fait le bon élève dans la salle de cinéma, les cuisiniers et hommes de main s’affairent pour mettre en place le service de restauration aux invités. Le brouhaha s’invite alors pour deux heures. Les yeux orientés aux quatre coins de la cérémonie, le directeur commercial du club donne une réponse au pourquoi du Veuve Clicquot. « La boîte nous proposait d’offrir des bouteilles à chaque invité, c’était sympa, explique Fabrice Harvey d’une voix assurée. C’est prestigieux, les médias parisiens sont là, on sait que l’orange, ça claque. Jean-Jacques Cattier est là aussi par exemple, il est actionnaire chez nous, mais tu sais, les gens du champagne ne s’offusquent pas de tel ou tel choix. Un jour c’est l’un, un jour c’est l’autre. » Certains croquent dans la pomme, d’autres sont en pleine digestion. Les U17 viennent saluer l’audience, avec Joffrey Bertolino pour coordonner le groupe après une sortie culinaire. « On revient de l’Arena Soccer avec les jeunes. Ce soir, c’était tajine pour tout le monde ! » Dans la foulée, l’homme explique sa situation. « J’ai dû bloquer ma carrière suite à une grave blessure en 2007 en Ligue 2, mais Reims m’a proposé un changement de statut. Aujourd’hui, j’apprends aux jeunes la vie en communauté et à devenir des hommes, comme le ferait un grand frère. » Pascal Soetens peut trembler.
Si les premiers invités quittent les lieux cadeaux en main, Benjamin commence déjà à amorcer le rangement de la soirée. « Je suis là depuis le début de la journée, on s’est occupés de mettre en place les lumières et la sono. » Une musique électro house douce, La Belle Mixtape Summer Memories, bien trop répétitive. « Le club nous a imposé la musique, ce n’était pas nous qui étions chargé de cela, explique le jeune homme. Du coup, le même remix tourne en boucle depuis ce matin. Il dure une heure, ça doit donc faire dix fois qu’on écoute la même chose. » Peu importe, du moment que les gens papotent, donnent leur carte de visite et agrandissent au maximum leur réseau professionnel. Une fois le gros morceau des invités sur le chemin du retour, Dominique et ses collègues rangent les liquides. « Je dirais qu’on a dû consommer 25 bouteilles ce soir, analyse-t-il. C’est un ratio plutôt habituel. » Certains repartiront dans l’illégalité vis-à-vis des réglementations de la sécurité routière, mais le plaisir est ailleurs. Le noyau dur, Jean-Pierre Caillot en tête, décide de prolonger la soirée autour d’une dernière coupe, il est 22 heures 30. Dom’ prend les instructions à la lettre : « 27… » Tchin-tchin.
Par Antoine Donnarieix