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On était à la présentation du nouveau maillot de Saint-Étienne
Les années Batteux, la suprématie nationale des années 70, les exploits de Rocheteau, la finale des poteaux carrés, l'époque de Platini. Tous ces moments gravés à jamais dans la légende de Saint-Étienne, et au cours desquels les Verts portaient des tuniques floquées « Le coq sportif ». Alors pour le retour de l'équipementier à « Sainté » et la présentation du nouveau maillot, l'ASSE et la marque au volatile avaient vu les choses en très grand.
Pourquoi faire sobre quand on peut faire grandiose ? C’est sans doute la question que se sont posée les dirigeants des Verts et ceux du Coq Sportif au moment d’organiser la présentation du maillot cru 2015-2016, qui marquait le retour du partenariat entre ces anciens amoureux (1963-1984). Alors au diable la simple conférence de presse, l’ASSE invitait à passer une journée complète en immersion dans son monde et dans son histoire. Un véritable voyage initiatique organisé par les équipes de communication du Coq Sportif, mobilisées d’un bout à l’autre de l’opération, et au cours duquel se succéderont guides de musée, hôtesses dépassées, teinturiers et Yannick Noah.
On ne badine pas avec l’histoire
L’aventure démarrait très tôt et dès la gare de Lyon, à Paris, où les hôtesses du Coq Sportif attendaient les journalistes et les partenaires de la marque qui allaient embarquer pour Saint-Étienne. Habilement, quelques mètres carrés de gazon synthétique Saint Maclou avaient été disposés devant la voie, comme un point de rendez-vous impossible à manquer. Souci, le carré vert était mis devant le mauvais quai, obligeant tout ce petit monde à déménager précipitamment lors de l’annonce du train. Une délégation tout de même composée d’une « cinquantaine de personnes » d’après Camille, l’une des responsables des équipes de la marque. Et pour transporter – et impressionner – cette assistance depuis la gare de Saint-Étienne jusqu’au stade Geoffroy-Guichard, ce sont carrément les bus officiels de l’équipe qui ont été réquisitionnés. Une fois sur place, la plongée au cœur des Verts démarre par la visite du musée de l’ASSE, privatisé pour l’occasion, et dans lequel nous accueille le sympathique Laurent. Des journalistes étrangers étant présents, il précise en anglais que nous sommes « welcome » et qu’il est « very happy » de nous accueillir, dans un accent straight outta Rhône-Alpes.
Une petite heure de visite au rythme des exploits passés des Verts, dans un musée assez interactif et plutôt agréable, où se côtoient des objets réellement historiques et d’autres plus douteux. Exemple, l’ancienne Mercedes d’Ivan Ćurković qui trône fièrement au milieu d’une pièce et dont le pare-brise a été transformé en écran de cinéma, le tout sans X-Zibit ni West Coast Customs. Une fois cet instant culturel terminé, c’est vers les entrailles du stade que les guides se dirigent afin de montrer l’antre des Verts au groupe. Nous sommes ainsi ravis et honorés de passer devant les tables de massage sur lesquelles Yohan Mollo fait frictionner ses muscles, mais également un brin ému en pénétrant sur la mythique pelouse, magnifique sous le soleil.
Vert galant
C’est dans une des salles du stade qu’a lieu la raison de toutes ces péripéties, la fameuse conférence de presse au cours de laquelle sera présenté le maillot, même s’il est déjà en vente à la boutique des Verts depuis le début de semaine. Et en entrant dans la pièce, surprise, les traditionnelles chaises inconfortables ont été remplacées par des transats aux couleurs du club. Pourquoi pas. Roland Romeyer, en tout cas, est fan et, à peine entré, il s’empare du micro pour lancer la vanne qu’il avait sans doute préparée depuis la veille : « Allez, on ferme les yeux, et on écoute la mer ! » Christophe Galtier débarque quelques secondes plus tard, accompagné de Loïc Perrin, et ne se montre pas beaucoup plus inspiré : « C’est Saint-Étienne Plage ! »
Le MC est le responsable communication du Coq Sportif, qui délivre un discours carré et professionnel, avant de laisser la place aux émotions en balançant le spot publicitaire réalisé spécialement pour l’occasion. Un clip dans lequel les légendes du club (en vrac Aimé Jacquet, Jean-Mimi Larqué, George Bereta ou encore Paganelli, qui prouve une nouvelle fois son sens de la mesure en lâchant sans aucun complexe « Si je peux me faire enterrer à Geoffroy-Guichard, je le ferai » ) rappellent leur glorieux passé avec le Coq Sportif, et insistent plus que fortement sur le fait que ce nouveau maillot est un trait d’union entre leur époque et le futur des Verts. Également présent dans la vidéo, le teinturier, qui explique son travail pour trouver la bonne couleur. Mais au-delà de cette machine marketing, il faut reconnaître que le maillot a une allure indéniable, et coach Galtier et cap’tain Perrin semblent sincères lorsqu’ils affirment l’aimer et avoir hâte de le porter. « On sera beau dedans » , prévoit ce dernier. Assez pour se demander si la saison prochaine, ça ne sera pas Zlatan qui ira demander son maillot à Mollo. Le moment est désormais venu de rejoindre la dernière étape du périple, et les accompagnatrices commencent à montrer des signes de fatigue en tentant de ramener tout le monde vers les bus. L’une d’elle jure même, en se lamentant sur son T-shirt Saint-Étienne : « Je porterai plus jamais de vert de ma vie » .
Tournoi de foot, barbecue et canicule
L’après-midi, on entame les choses sérieuses. 1500 personnes sont attendues à l’Étrat, le centre d’entraînement. Les heureux élus sont quelques supporters triés sur le volet, notamment les 150 premiers qui se sont rendus à la boutique officielle dans la nuit de mardi à mercredi, les amis du staff, du président Romeyer, des employés du Coq sportif et leurs proches, des partenaires… Sous un soleil de plomb et sous les yeux très sévères des agents de sécurité tout de noir vêtus, l’organisation met en place un petit tournoi de foot. Deux poules de cinq, les premiers de chaque poule joue une finale. Chaque équipe (celle du Coq sportif, celle du staff de l’ASSE, celle des journalistes…) porte le nom d’une ancienne gloire des Verts : Ivan Ćurković, Robert Herbin, Michel Platini, Aimé Jacquet, Dominique Rocheteau, Georges Bereta, Salif Keita, Hervé Revelli, Jean-Michel Larqué et Rachid Mekhloufi.
Pendant ce temps-là, les quelques représentants du « peuple vert » qui ont été invités ont le moral au beau fixe. « En même temps, je sais pas du tout ce qu’il y a à faire à Saint-Étienne à part aller à Geoffroy-Guichard ou à l’Étrat » , glisse Nicolas, sosie non officiel de Paul Scholes et sports marketing and event assistant chez le Coq sportif. Alors que les inconscients qui ont absolument voulu enfiler les crampons sont obligés de boire de l’eau à peine tiède pour éviter de caner, les supporters et les membres de l’organisation qui parviennent à se cacher sont à la cool : babyfoot, merguez, frites et bière en main. Si les plus anciens font les nostalgiques face au retour du Coq sportif, pour les plus jeunes comme Marco, 17 ans, « c’est juste le nouveau maillot, je l’ai acheté par ce qu’il y avait des trucs à gagner si on était dans les premiers » . Le tournoi de foot se termine pendant que le volume sonore de la musique augmente peu à peu. Au final, c’est l’équipe de l’ASSE composée de membres du staff, de jeunes et de Laurent Batlles qui remporte la compétition face à l’équipe du Coq sportif.
Yannick Noah en pyjama et Mickey 3D en pantacourt
Une fois que tout ce petit monde est douché, la vraie fiesta peut débuter. Sur une scène couverte, Roland Romeyer lâche un petit discours. Tiens, c’est exactement le même que ce matin en conférence de presse. Ensuite, le président de l’ASSE promet une énorme surprise à une foule très occupée à attendre son jambon-beurre et sa bière dans un verre en plastique. La surprise, c’est Yannick Noah. Partenaire du Coq sportif depuis 40 ans, le nouveau supporter des Verts de toujours s’improvise chauffeur de salle et humoriste, pour faire patienter le public en attendant l’autre surprise de taille. En effet, les joueurs et l’entraîneur Christophe Galtier débarquent à la queue leu-leu et montent sur scène pour afficher leur plus beau sourire. Un discours de 25 secondes top chrono du capitaine Loïc Perrin, quelques selfies de Yohan Mollo et on repart tranquillement. Emballé, c’est pesé.
Du coup, la scène est libérée et c’est Mickey 3D qui la réquisitionne. C’en est trop pour deux femmes d’une cinquantaine d’années qui se foutent calmement sur la gueule juste au pied de la scène. Mickaël Furnon, le leader du groupe, a sorti son plus beau pantacourt et enchaîne les incontournables Respire, Matador… et c’est tout en fait. Ah non, il y a aussi Johnny Rep, la chanson en hommage au Néerlandais triple buteur contre le Widzew Łódź un soir d’octobre 1979 en Coupe de l’UEFA. Du coup, l’ancien attaquant de l’ASSE monte sur scène pour kiffer avec Mickey 3D. Mais ça, ce n’est que la première partie. Parce que la vraie star de la soirée, celui qui va enflammer l’Étrat toute la nuit, c’est bel et bien Yannick Noah. Avec le fameux nouveau maillot sur les épaules et une espèce de bas de pyjama bleu avec des citrons, l’ancienne personnalité préférée des Français chante ses morceaux pendant une heure. Le reste de la soirée, jusqu’à 00h30, il préfère s’adonner à toutes les reprises qui lui passent par la tête (Bob Marley, Jacques Dutronc, Rolling Stones…). Jusqu’au moment où il invite Roland Romeyer sur scène pour chanter Le Lion est mort ce soir. A la fin de la soirée, le centre d’entraînement des Verts ressemble vraiment beaucoup trop à un emplacement de festival : pelouse (pas celle qui sert de terrain d’entraînement) recouverte de verres en plastique, de mégots de cigarettes et de barquettes, mecs un peu saouls qui improvisent des danses incohérentes… Et tout ça, pour un T-shirt vert, au final.
Par Alexandre Doskov et Kevin Charnay