- Ligue des nations
- J2
- France-Pays-Bas (2-1)
On était à la première des Bleus en France depuis la deuxième étoile
Après un match nul en Allemagne, la France jouait pour la première fois dans son pays avec deux étoiles sur le maillot tricolore. Et malgré un défilé raté sur les Champs-Élysées, les Bleus sont enfin devenus champions du monde avec leurs supporters. On y était.
Dans les couloirs du métro parisien, la fin de l’après-midi dominical est susceptible de donner à tous l’envie d’une soirée calme pour embrayer sur la semaine à venir. Voilà pour la théorie. Et en pratique ? D’ici deux heures, la ligne 13 en direction de Saint-Denis sera pleine comme un œuf, affiche France-Pays-Bas oblige. Mais à trois heures du rendez-vous, le calme règne. Maillot de l’équipe de France sur les épaules, Lola bouquine assise dans l’attente de l’arrêt Saint-Denis Porte de Paris, au plus proche du Stade de France. « À vrai dire, ce sera ma première fois au stade, explique l’originaire de Toulouse avec deux étoiles sur sa tunique. Là, j’ai trop hâte d’être dans le stade, profiter de la fête avec mes amis et les joueurs, ça va être énorme ! » Il y a de quoi s’extasier : depuis leur sacre de champions du monde, les Bleus n’ont pas rejoué ensemble dans leur pays. Ça tombe bien, c’est pour ce soir.
« Je n’ai jamais compris les critiques contre Giroud »
Sans flux important, la voie d’accès à l’enceinte via la bouche de métro est libérée par les agents de la RATP dont le travail consiste à offrir aux utilisateurs une photo avec un panneau deux étoiles et du maquillage bleu blanc rouge pour rentrer petit à petit dans le match. « Nous sommes en place depuis 17h, explique Sandrine. Pour l’instant, le trafic est gérable, mais nous savons bien que le gros du travail va arriver une heure avant le match ! Ce soir, c’est affluence maximale. » Depuis samedi, l’annonce d’un match à guichets fermés donne l’eau à la bouche de tous les heureux détenteurs d’un billet. Prête à en découdre, Lola arbore son flocage Giroud en soutien à l’avant-centre français. « C’est mon préféré, concède-t-elle. J’ai commencé à l’aimer après le sketch d’Ahmed Sylla sur Didier Deschamps, ça me donnait envie de le supporter. Je n’ai jamais compris les critiques contre Giroud. Si la France gagne et qu’il est sur le terrain, c’est qu’il est utile à l’équipe ! »
Passé le premier périmètre de sécurité, Lola retrouve ses amis Marion, Jeanne et Vincent, fraîchement débarqué du Québec. « J’ai eu la chance de vivre ce moment historique à Paris, explique avec l’accent ce suiveur des Bleus depuis 1998. Y a pas de mots pour expliquer cette ferveur dans les rues… J’étais aux Buttes-Chaumont, puis on est passé par République et enfin les Champs-Élysées. C’était exceptionnel. En revanche, j’ai évité le défilé du bus. Je ne suis pas une groupie ! » Si le garçon l’affirme sur le ton de la rigolade, Lola et Marion étaient quant à elles présentes lors de cette fameuse descente. L’occasion de parler de ce crève-cœur. « J’étais à la fois énervée et contente d’y être parce que l’ambiance avant le passage du bus était top, détaille Lola. En fait, j’ai senti le truc arriver : j’ai pris mon téléphone pour filmer, car je me doutais qu’ils ne passaient qu’une fois. C’était triste. » Même son de cloche pour Marion, qui imaginait « une chanson, voire un échange direct avec eux. Au lieu de ça, certains étaient avec leur téléphone pour nous filmer et ils nous tournaient le dos… J’espère qu’ils vont se rattraper. »
« En cas de victoire, je prépare un beau bouquet de tulipes ! »
La suite du programme ? « Une bonne bière, prendre plein de photos dans le stade et si possible à la fin, faire un bisou à Griezmann ! » s’imagine déjà Jeanne avant d’entrer dans l’arène. Autour du stade, les supporters plus anciens s’activent aussi, comme Doudou et Mathieu, venus par l’intermédiaire de l’association Normandie Foot, en partenariat avec l’équipe de France. En quatuor, ils portent tous le numéro 22 floqué du prénom John, un « frère parti trop tôt » . Le Stade de France, Doudou le connaît déjà un peu. « J’ai déjà fait un France-Allemagne en hiver. Il caillait, c’était horrible. J’y étais aussi pour Lyon-Quevilly en finale de Coupe de France. Tu avais 80% du stade derrière Quevilly, c’était une vraie ambiance de dingue ! » Mathieu donne quant à lui son pronostic, un « 3-0 propre avec Mbappé d’abord, Griezmann en deux et Giroud de la tête pour finir le boulot. Dans la vie, je suis fleuriste. En cas de victoire, je prépare un beau bouquet de tulipes ! »
Et les Hollandais dans tout ça ? Pendant que l’heure tourne, beaucoup se retrouvent embringués dans la frénésie des bars entourant l’enceinte de 80000 places, comme Edwin. « En toute franchise, ce serait 2-0 ou 3-0 pour la France, pronostique le Rotterdamois. Nous étions déjà venus en août dernier (défaite 4-0, N.D.L.R.), car nous aimons notre équipe. L’essentiel à présent, c’est de célébrer avec la France son titre de champion du monde à travers l’échange d’une bière et le partage. Tiens, cet après-midi, nous avons joué un match amical entre supporters français et hollandais au stade du Landy, juste à côté ! » Alors que les stories Instagram se remplissent aussi vite que les verres, la fête se précise à l’intérieur du Stade de France.
Tifos, chansons du Mondial, Take the L et tour d’honneur
De facto, remporter un Mondial à l’étranger fait bénéficier les vainqueurs d’un avantage : être reçu comme des rois au moment de revenir sur leur champ de bataille. Avec un tifo géant orné de deux étoiles, Français et Bataves baignent dans une ambiance survoltée de A à Z. Au menu, une ode à Benjamin Pavard, un « qui ne saute pas n’est pas français » sismique puis une ola activée dès la moitié de la première période à laquelle le parcage oranje participe avec bonhomie. En seconde période, l’égalisation de Babel rend encore plus savoureux le but de la victoire signé… Giroud (2-1, 75e). Tout ce spectacle prend fin par une Marseillaise, sans oublier le chant favori des Irrésistibles Français : « Shalala lala lala, champions du monde ! » La victoire acquise, la fête peut continuer de plus belle. La pelouse entièrement recouverte d’une toile bleue géante, les 23 Français sacrés à Moscou sont appelés tour à tour par le speaker en ordre décroissant.
Tout est permis : Matuidi claque son charo devant le trophée, Kanté recueille des hourras unanimes, Griezmann active le classique Take the L issu de Fortnite, Pogba se fait désirer avant son dab, Umtiti casse sa démarche, Pavard prend une dose d’amour en plein visage et le capitaine Lloris, blessé, mais présent, soulève le trophée dans la liesse populaire. À leurs côtés, Magic System et Vegedream se chargent d’ambiancer les travées. Au trois quarts du tour d’honneur, Paul Pogba s’improvise maître de cérémonie et lance l’ode à N’Golo Kanté inventée au début du Mondial par So Foot. Dernier détenteur du trophée avant sa rentrée aux vestiaires, Adil Rami fait toucher le Graal à des spectateurs conquis. « Bien entendu, ces moments resteront gravés dans nos mémoires, car c’était très fort, souligne Didier Deschamps en conférence de presse d’après-match. Je le vois comme une folie, un moment fabuleux pour une France heureuse d’avoir deux étoiles sur son maillot. Entre les ambiances de 1998 et 2018, je ne vais pas m’amuser à les comparer : c’est autant. Comme ça, tout le monde est content ! » Mission accomplie.
Par Antoine Donnarieix, au Stade de France