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On était à la finale de l’EuroFootgolf

Par Eric Carpentier, à Augerville-la-Rivière

Dimanche dernier a eu lieu la finale du premier Euro de footgolf, dans le golf d'un château du Loiret. Le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Hollande, la Suisse, la Hongrie, l'Espagne et le Luxembourg ont répondu à l'appel.

« Eh les gars, y a un château derrière ! » Au 18e trou de sa Suisse, Julien doit réfréner quelques ardeurs. Ses gars viennent de battre la Hongrie, ils célèbrent leur cinquième place finale en balançant de grandes chandelles vers le perron du château d’Augerville – hôtel****, golf et spa – et son jardin à la française. D’ailleurs, Julien n’a pas vraiment le cœur à fêter ce résultat : son objectif à lui était les demies. Ce qui ne l’empêchera pas, quelques minutes plus tard au bar, de poser un billet de cent pour commander deux Budweiser. Ni d’afficher une autre satisfaction, celle de voir que huit pays ont pu, pour la première fois, se réunir dans une nouvelle compétition, l’EuroFootgolf. Toute l’année, Julien a la charge de l’European Footgolf Tour, sorte de Ligue des champions de la discipline. Et ce week-end, avec l’Euro premier du nom, une brique supplémentaire a été posée dans la construction d’un tout jeune sport.

Sport du dimanche et cuissard de compression

13 heures. Devant le salon Litz, QG de l’organisation où s’affairent les quatre salariés et la dizaine de bénévoles de l’Association française de footgolf à l’initiative de l’Euro, Paul Oliver annonce les oppositions de la grande finale qui doit commencer une heure plus tard. La France et le Royaume-Uni vont s’affronter en sept duels : trois en équipes de deux, quatre en individuels, sur 18 trous et pour un point en jeu chacun. Les noms s’égrainent quand, tout à coup, Hongrois, Suisses et autres s’unissent dans un concert d’exclamations : Ben Clarke, numéro deux mondial, va jouer Antonio Balestra, numéro trois. Une rencontre au sommet.

Ce n’est pourtant qu’un homme à la dégaine de sportif du dimanche, au mieux, qui s’avance sur le trou numéro un. Bedaine d’habitué du pub, pieds écartés et bras ballants, Ben Clarke ne ressemble pas exactement au portrait type de l’athlète champion. Une allure qui ne doit pas induire en erreur, nuancera son adversaire Antonio Balestra au moment de retirer son cuissard de compression enfilé pour protéger ses adducteurs douloureux. « En rentrant d’un week-end comme ça, je suis mort, assure le numéro un français. Enchaîner sept parcours en trois jours, je t’assure que c’est du sport. » Sept parcours, soit l’équivalent de 63 trous pour un golfeur traditionnel : les 18 trous d’un parcours de footgolf sont généralement dessinés sur neuf trous. C’est que la force d’un shoot n’a pas celle d’un driver ou d’un bois 3. Ce qui permet, aussi, de faire cohabiter deux pratiques.

Vieux cons versus jeunes abrutis

Car, sur le parcours, ce sont parfois deux mondes qui doivent s’accepter tant bien que mal. Pendant qu’une dame observe avec circonspection ces footballeurs en polo et chaussettes jacquard s’ébrouer sur les greens et tandis que deux biches jouent les streakers en traversant l’aire de jeu, les « come on ! » , « Brrrra ! Popopop ! » ou « fils de p***, j’ai pas le droit ! » claquent dans la quiétude du château. Benjamin Gavanon, qui facture les 255 matchs avec l’équipe (de football) de Nancy, roule aujourd’hui pour le team France : « On a mis le sport le plus populaire dans le sport… Comment dire ça sans choquer ? Dans le sport qui fait le moins de bruit, quoi ! » Ce qui n’empêche pas les golfs de se pencher de plus en plus sur la discipline hybride. « Ces six derniers mois, ce sont ainsi une trentaine de parcours qui ont contacté l’association française de footgolf créée en 2013 » , détaille son président Romuald Pretot. Et si le directeur commercial passé par Saint-Étienne, Sochaux ou le PSG met dans le même sac « les vieux cons conservateurs » et les « trois abrutis qui peuvent ruiner tous tes efforts en une sortie » , le nombre de licenciés et de parcours en constante augmentation semblent donner raison à la baseline de la plaquette de l’évènement : oui, il est possible de faire d’une activité apparentée au football « le nouveau sport à la mode, inédit, chic et convivial » . Tout un programme.

Retour au terrain. Malgré la convivialité, la tension est palpable entre Français et Anglais. Si « l’esprit pionnier » prend encore le pas sur la rivalité historique, un premier titre européen reste en jeu. Dans un scénario idéal : après des centaines de coups, tout se joue sur le dernier ballon. Celui du Français tape le drapeau avant de ressortir. Celui de l’Anglais, qui a réussi son approche, rentre de près. Un put du pied victorieux à rendre crazy les Anglais. Ils s’embrassent, dansent et chantent sur le green. La France voit le titre européen lui filer sous le nez dans les dernières minutes de sa finale. Comme un scénario de déjà-vu.

Dieu sauve la Reine et les footgolfeurs

En attendant la remise des médailles, Benjamin Gavanon revient sur la technique nécessaire à un bon footgolfeur. Pour lui, le meilleur footballeur n’est en rien assuré de maîtriser la discipline : « Une des grandes différences, c’est que tu n’as personne pour recevoir ton ballon, personne pour l’arrêter. Il faut doser parfaitement son coup, tout en prenant en compte les courbes du terrain. » Une spécificité qui n’est pas pour déplaire à l’ancien tireur de coups de pied arrêtés : « Tu retrouves ces sensations-là. Tu dois évaluer la distance, maîtriser le toucher, être précis. Et ça, c’est un vrai plaisir. » À tel point que Gavanon, comme d’autres coéquipiers de l’équipe de France, a créé son club. À Marseille évidemment, où le natif de la cité phocéenne tient une boutique de dégustation de fruits de mer avec son frère Jérémy.

Pour l’heure, place aux médailles. Les équipes sont appelées une par une sur le son de Drive. La bruyante équipe de Hongrie se voit décerner le titre honorifique d’équipe la plus sympa. Les Français récupèrent leur médaille d’argent et un chèque de 1 000 euros qui aidera à financer les participations de ses membres à diverses compétitions – l’heure n’est pas encore au professionnalisme dans le footgolf, même si Antonio Balestra peut se l’imaginer d’ici quelques années, à condition d’attirer les sponsors. D’ailleurs, tout est mis en œuvre pour communiquer avec un service productif en la matière. Et, de fait, le footgolf a des arguments à faire valoir : un sport physique, mais accessible, une bonne atmosphère, des cadres de jeu exceptionnels. Un organisateur souffle, à raison, sa satisfaction d’un Euro réussi. La compétition a été intense, le temps plus ou moins clément, le champagne s’annonce frais. Jusqu’au bout, aucune fausse note. Ou presque : le God Save the Queen vient résonner en plein cœur du Loiret, dans la cour d’un château français du XIIe siècle. À cause du footgolf. On ne lui dira pas merci.

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