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On était à Berlin pour le sacre du Bayern
C'était annoncé depuis des mois : le Bayern a été sacré hier à l'Olympiastadion. Les records tombent les uns après les autres. Pep Guardiola fait mieux que la légende Jupp Heynckes. Et les fans du Bayern ? Tranquilles la main dans le pot de miel, ils savent que leur règne va durer très très longtemps. Ambiance en tribune visiteurs.
17h30, Alexanderplatz. Aux abords de la tour de la télévision, la vague rouge se réchauffe tranquillement entre deux averses de grêle. Sur les quais du S-Bahn, le RER berlinois, les premiers « Supa Bayern, Supa Bayern, hé, hé » retentissent. Des Bavarois sereins à Berlin, c’est plutôt rare dans une ville où les Allemands du Sud ne sont pas très appréciés. Les T-shirts flanqués d’un « Je n’irai jamais de ma vie en Bavière » cartonnent dans la capitale. Les Berlinois les trouvent arrogants et en ont fait les responsables de tous les maux de la réunification. Les supporters du Bayern montés à la capitale répondent avec un hoodie barré dans le dos de ce manifeste : « Votre haine est notre fierté. » Et à deux heures trente du match, ce sont bien les « Herthaner » qui ne font pas les fiers. La bière n’arrive pas à cacher l’anxiété qui se lit dans leurs yeux vitreux. Le Hertha Berlin ne gagne plus à la maison depuis quatre matchs. L’entraîneur Jos Luhukay estime à 10% les chances de son équipe de faire un résultat ce soir. Pas facile avant d’affronter l’ogre du Sud.
Berlin, capitale de la Bavière
Arrivé au stade olympique, un arrêt au « Preussisches Landwirtshaus » s’impose. Situé à quelques dizaines de mètres de la piste préférée de Usain Bolt, cette brasserie à l’ancienne fait partie du patrimoine du Hertha. Mais même en Prusse, le rouge de Bavière est roi. Dans la queue qui mène doucement au barbecue, les Bavarois font tourner leurs fioles de schnaps à leurs victimes du soir. Chacun est dans son rôle dans une Bundesliga à l’issue certaine depuis plusieurs mois. Seul objet de discorde, Uli Hoeness, le désormais ex-Président du Bayern. Un contribuable berlinois l’a mauvaise. Les visiteurs essaient de le convaincre que tout le monde peut faire une erreur et qu’il faut savoir faire la différence entre le personnage public et l’homme. Un argument qui n’efface pas la bourde fiscale à 28,5 millions d’euros : le Berlinois ne changera pas d’avis, mais se voit offrir son sandwich boulettes par ses futurs bourreaux.
L’art de faire la fête, mais pas trop
La vague rouge se met en marche, direction le virage réservé aux fans du Bayern et le 24e titre de champion (en fait, le 23e depuis la création de la Bundesliga, en 1963). En attendant la fouille, l’ambiance paisible rappelle celle d’une fête calée en milieu de semaine, époque Erasmus. Quand les soirées du dernier week-end ont été si folles, que l’on est bien obligé de lever le pied le mardi et de se réserver pour le vendredi à venir. Parce que l’on sait très bien que les prochaines teufs vont être encore plus dingues. Berlin ce soir, Lisbonne au mois de mai. À l’échauffement, Mario Götze enchaîne les frappes en lucarne. Niveau maillots dans la tribune visiteurs, Ribéry est loin devant chez les enfants. Chez les vieux de la vieille, c’est un autre numéro 7 qui s’affiche dans le dos. Celui de Mehmet Scholl. Les écharpes affublées d’un simple et efficace « Tradition, Passion, Succès » sont brandies, au milieu de répliques du Meisterschale, le bouclier du champion. Les prochaines 90 minutes sont juste une mise en bouche. Tout le monde sait que le vrai début de la soirée sera donné aux alentours de 22 heures, au coup de sifflet final.
Dans un club échangiste, sans partenaire
Lors de la présentation des équipes, c’est le capitaine qui l’emporte à l’applaudimètre. Un Bastian Schweinsteiger qui règne à nouveau au milieu de terrain. Franck Ribéry est sur le banc. Tout comme Mandžukić, Thiago Alcántara et Shaqiri. Oui, ça pique les yeux des 76 000 spectateurs. Le kop bleu et blanc de la Ostkurve a beau donner de la voix, le match est plié au bout de 14 minutes. Kroos et Götze ont déjà frappé, 2 à 0. Pep Guardiola a eu à peine le temps de s’asseoir. Le Bayern déroule et leurs supporters avec. Les chants s’enchaînent. « Deutscher Meister wird nur der FCB » : seul le FC Bayern sera champion. Un amour tout en sérénité. Même si cette équipe donne parfois l’impression d’aller dans un club échangiste sans partenaire. Du coup, personne ne veut s’amuser avec elle dans une petite pièce obscure. Mais le Red Power s’en tape. L’onanisme, c’est pas si mal que ça finalement.
Cigares, bises et chenille
Du côté du Hertha, seul Adrian Ramos surnage. Le remplaçant annoncé de Lewandowski à Dortmund se bat face aux monstres Dante et Boateng. Quand il arrive à passer le nouveau meilleur 6 du monde, Phillip Lahm. C’est d’ailleurs le Colombien qui réduit le score sur pénalty en seconde mi-temps. Il est temps de faire entrer Ribéry. Le Français s’amuse avec Götze, et plante un magnifique piqué. 3-1, le Bayern est le champion le plus rapide de l’histoire de la Bundesliga, battant son propre record d’une journée. Gavés de succès, les fans du Bayern explosent tranquillement. Les « Supa Bayern, Supa Bayern, hé, hé » redoublent, on craque des cigares et on se claque des bises. Pep Guardiola rentre directement aux vestiaires. Le Catalan avait annoncé vouloir échapper à la tradition de la douche à la bière. Thomas Müller, mégaphone à la main, chauffe le virage. Et les joueurs du Bayern rendent hommage à Bézu avec une belle chenille. Menée bien sûr par Francky. Dante enchaîne lui des pas de danse en bon Brésilien. Chacun son domaine de compétence. Un peu à l’écart, Jérôme Boateng profite. Né à Berlin et formé au Hertha, il est sacré là où tout a commencé pour lui. Il sait qu’il reviendra. Pour la finale de la Coupe d’Allemagne. 22h30, rideau. Les joueurs du Rekordmeister s’apprêtent à passer la nuit dans le quartier hype de Mitte. Les fans du FCB n’oublient pas de passer le bonjour au Borussia Dortmund et entonnent « BVB, Huhrensöhne » , soit BVB fils de « mamans qui travaillent » . Pas d’excès à attendre ce soir. Il faut garder ses forces pour un nouveau triplé.
Par Julien Mechaussie à l'Olympiastadion, Berlin